jeudi 17 janvier 2008

CHAPITRE 2 LES OUBLIETTES DE COMMUNICATIUM (2/2)


Les 48 heures se sont écoulées. Le bon druide se réveille. La fée Christine, sa douce fée de compagnie, lui prépare avec amour et lui sert son petit-déjeuner favori: un cocktail de jus de fruits bio multi-vitaminés ; ses galettes pur-beurre de DHEA, une huile druidique aux pouvoirs régénératifs, et du bon bacon de sanglier « serano », accompagné de pain druidique. Du bon pain à base de farine de glands car puisque tout est bon dans le cochon, ce que mange le cochon l’est forcement.

Tout en mangeant, il leur raconte ce qu’il vécut et apprit pendant ses mois de captivité dans les gluantes geôles de « Communicatium. »

« Le premier mois, nous étions tous enfermés dans la même cellule. BadBercix le Grix logeait lui dans le Donjon qui surplombe les cachots, lieu où il travaillait avec Girondix à l’élaboration des plans de campagne de Démagogix. Apprenant cela par des bruits de couloir, nous avons demandé aux petites souris du cachot de bien vouloir espionner pour notre compte les conversations comme le contenu des plans. C’est ainsi que nous découvrîmes une partie des projets maléfiques établis par Girondix et son fidèle lieutenant BadBercix le mage des mesures. Les projets qu’ils préparaient malicieusement contre Belle France. Les invocations de BadBercix, entendues avant mon départ, n’étaient pas qu’un piège pour m’inciter à réunir en urgence le Grand Conseil au complet ».

« Parmi ces projets, Girondix mettrait tout en œuvre pour fournir au sombre Baron Wendelium trois grands marteaux en or massif. Des armes magiques que ses ancêtres ont déjà utilisées en des temps immémoriaux pour faire plier la volonté populaire, avant qu’elles ne se retournent contre eux. Des marteaux qui ne peuvent être fabriqués que par les filles du Dieu forgeron, les filles des forges, Usinoria, Saciloris et Alstomia. Divinités qui en plus d’un précieux élixir à base de sueur de travailleur, ont besoin d’enchaîner le Soleil de l’aurore quelques instants, tous les jours, afin de lui voler un peu de son feu sacré, pour pouvoir fondre et travailler l’or du cœur de la Terre ».

« Vous imaginez bien, vous qui êtes des êtres sages, que pour enchaîner le grand dieu Belenos quelques instants, il faut déployer des incantations extrêmement puissantes, des sorts nucléaires très dangereux. Or tout druide physicien qui se respecte connaît l’éternelle Loi de l’action-réaction. Tout sort a pour écho son contre-sort. Et plus le sort est puissant et plus l’écho l’est d’autant. Mais ces pauvres fous se moquent de la sagesse. Seul leur soif démesurée, leur égoïsme, l’individualisme les guide et les motive ».

« Ainsi, les sorts furent jetés, jetés au visage du firmament », nous dit avec gravité Constitutionnix.

« BadBercix et les autres mages des mesures, sous les ordres de Girondix, lancèrent toutes les nuits qui suivirent notre capture, depuis la plus haute tour du palais, des formules telles que "Usinoria, Saciloris, Alstomia… Nous vous offrons l’augmentation du temps de travail… La précarité… Les délocalisations… La rente financière… Accordez-nous les trois marteaux-pilons qui font plier les volontés… À commencer par celle du Soleil" ».

« Bien qu’enfermés dans notre cachot, matelassé de flan absorbant, nous percevions ces sorts puissants. Des sorts que nous tentions de contrer en fusionnant nos pourvoir pour lancer des contre-mesures telles que "Sol invictus, Belenos invictix…France…Belle France de la République…Ta devise est Liberté, Egalité, Fraternité… Ton principe est gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple … Que l’Esprit de Lumière reste ton frère… Qu’il brille pour nous tous" ».

« Toute la nuit, toutes les nuits nous combattîmes ainsi, jusqu’au jour où les mages de magie sombre, membres de l’ordre des caisses occultes, cherchèrent des causes à l’échec de leur invocations et perçurent enfin nos propres contre-mesures. Ils étaient surpris. Ils pensaient en effet que leurs murs de flan annuleraient tous nos sorts de vérité. Les voilà touchés dans leur orgueil. BadBercix, leur chef, réagit en faisant en sorte que nous soyons séparés les uns des autres. J’ignore par conséquent où sont mes pairs ».

« Diantre, diables et lutins ! La guigne ! » Grogne Didactix en y pensant. Comment retrouver les autres Grands-Druides maintenant que la Puce qui sait tout s’est retranchée derrière son « Fire-Wall » magique.

« Mais ce n’est pas tout », poursuit Constitutionnix.

« Avant de nous expédier loin les uns des autres, Girondix me rendit visite dans mon cachot pour m’y infliger une blessure supplémentaire. Il commença par tenter de me séduire avec des mots parfumés de miel et de lavande. Il échoua. Je ne me laissais pas, bien évidemment, tromper par ces senteurs. Bien que fatigué, je voyais clairement les sornettes et autres couleuvres qui sortaient de la bouche du Bossu en sifflant ».

« Prenant conscience de son incapacité à me tenter, il finit par m’ordonner de me mettre à son service. Demande qui fut accueillie par une fin de non-recevoir, étant donné que je n’avais rien à lui offrir, ni à lui, ni à ses maîtres, pauvre esclave qu’il était ».

« C’est alors, un sourire narquois accroché aux lèvres telle de la morve acide, qu’il me bava dessus les mots suivants : Oh ! que si, pauvre fou. Tu as bien des choses à m’offrir. Ne me sous-estime pas Constitutionnix. Je sais qui tu es et les pouvoirs que tu détiens. Tu commandes à des armées noosphériques. Tu as hérité du pouvoir des mots dorés or je veux ce pouvoir ».

« Ce à quoi j’ai répondu "Mes armées de lettres dorées ne seront entre tes mains que de vulgaires soldats de plomb". Une réponse qui en appela une autre bien plus brutale. Me souriant, Girondix me rétorqua la chose suivante ».

« Je me contenterai de mots de plomb, vieil alchimiste de la parole. Je n’ai pas de temps à perdre et je ne te laisse pas le choix. Tes confrères sont en mon pouvoir et je n’ai pas besoin d’insister sur le fait que je n’hésiterai pas à les dissoudre dans l’oubli. Tu es suffisamment intelligent pour reconnaître ta défaite et trop stupide pour me laisser faire une chose pareille »

« La sentence fut sans appel et ma défaite bien cruelle, mes chers enfants. Ce monstre de Girondix vampirisa l’essentiel de mes pouvoirs. J’en suis désolé. J’en suis profondément désolé », insiste Constitutionnix en conclusion du récit de sa captivité.

« C’est un druide affaibli et bien pauvre en magie désormais, que vous avez secouru. Je n’ai plus à vous offrir que quelques sorts, un peu de savoir et les conseils d’un vieux fou ».

« Nous n’échangerions cela contre aucune armée de mots ou de tout autre ordre. C’est toi que nous voulons à nos cotés » lui disent en choeur Syndicaline et Didactix.

Heureux de cette marque d’amitié, Constitutionnix termine son repas en disant que l’on n’a, de toute façon, plus le temps de partir à la recherche des autres druides. « Nous devons nous préparer ». Se préparer car les troupes ennemies se préparent, elles aussi, pour la campagne post-électorale.

« Comment Girondix a-t-il vampirisé les pouvoirs de Constitutionnix », me demandez-vous. Une curiosité fort légitime que j’étancherai un peu à l’écart de notre bon Druide puisque vous aurez compris qu’il n’est pas capable de vous parler, pour l’instant, de ce souvenir douloureux.

Après que Girondix lui a ordonné de lui remettre le pouvoir des mots d’Or, Constitutionnix lui dit « Puisque tu veux ce pouvoir, le voici ». Puis le druide tendit ses bras en direction de Girondix. L’atmosphère devint humide et lourde, comme chargée d’électricité. Une odeur de mercure et de cyanure se mit à flotter. Constitutionnix se mit à trembler violemment. Sa sueur ruissela jusqu’à ses pieds. Là, sur le sol, les gouttes formèrent des billes liquides qui se mirent à rouler vers le bossu pour finir par reformer une flaque sous ses pieds.

Alors que Contitutionnix tendait toujours ses bras parcourus de spasmes vers Girondix, une brume épaisse aux reflets dorés s’extirpa par les pores de la peau et le bout des doigts du druide. Ses ongles tombèrent. Le druide gémit ; le bossu sourit.

La brume se fit de plus en plus compacte, finissant par former dans l’espace de magnifiques entrelacs, si denses que l’on aurait dit les entremêlements des branches de l’If. Des entrelacs où des lettres ogamiques apparurent, accompagnées d’un bruit sourd, comme celui d’encoches que l’on frapperait sur du bois.

Ces lettres d’or, filles du silence, finirent par se détacher des entrelacs et par se précipiter vers la bouche et les narines de Girondix qui les accueillit en riant. Les entrelacs gémirent telle l’écorce d’un arbre que l’on déchire ; le bossu sourit. Constitutionnix s’effondra et Girondix, dit Messire de la Bosse quitta le cachot fier de lui.

FIN DU DEUXIEME CHAPITRE. RENDEZ-VOUS DANS UN MOIS POUR LA SUITE...
BONNE NUIT MES PETITS ET A LUNDI POUR VOS ANACHRONIQUES HABITUELLES...

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