mercredi 30 avril 2008

« ON SE SOUVIENDRA DE CEUX QUI COMMETTENT UN CRIME »


Un satané réveil que celui de ce matin. Un gamin qui rêve d’une immortalité à l’américaine en tentant de donner la mort, un père autrichien qui fait vivre à sa fille un enfer dantesque, une jolie Susanna martyrisée par un multirécidiviste que l’on se refuse à traiter chez nous comme on sait le faire dans des pays plus sérieux tels que le Canada, voici ce qui brisait ce matin les scellés posés sur mes paupières. Il y a des matins où ce sont les rats de mon radio-réveil qui me mordent les oreilles.

Pour le coup, il y a des matins où je serre tout contre moi, tout mon monde un peu plus fort que d’ordinaire, ma femme, mes gosses, mes chats, et jusqu’à mon papyrus du Nil que j’étreins par crainte de le perdre.

Il y a des jours, pour savoir que mon humanité contient aussi mon inhumanité, où je commence par vouloir comprendre ce qui peut pousser à faire subir des abominations pareilles à ses propres enfants comme à ceux des autres, et où très vite je refuse de chercher à comprendre. Refuser de savoir, refuser d’imaginer, de voir ces images de tortures, refuser d’entendre ces noms qui feront que les bourreaux vivront éternellement aux dépens de la vie.

Il y a des jours où la radio, la télé, les journaux m’acculent à l’horreur et où me sentant traqué, mon instinct de survie me fait hurler que si l’on faisait une chose pareille aux miens, je ne trouverais la paix que lorsque tenant les couilles de l’ordure dans une main, je pourrais la voir se vider de son sang et ainsi se dissoudre dans l’oubli.

L’oubli. Il y a des satanés matins où je me dis que les Egyptiens avaient raison. Les crimes se payaient dans l’Egypte antique par l’effacement. Les criminels voyaient leurs noms effacés de tous les registres, les privant ainsi d’éternité. Nul bénéfice de la facilité d’un crime ne pouvait être ainsi retiré. L’enfer sur terre c’est l’oubli.

Aussi, dans toutes ces affaires, je n’aurais parlé que des victimes, donnant juste une étiquette et un numéro au criminel, genre PS0804 pour Pervers Sexuel-année-mois du crime. Leur nom, qu’ils aillent le chercher en enfer puisqu’il paraîtrait que le démon connaît celui qui se cache derrière chaque matricule.

Il y a des lundis soirs où il m’est impossible de regarder le moindre épisode de « FBI portés disparus », où je suis heureux de ne pas faire ce métier-là. Je crois que j’aurais fini par buter l’une des aberrations humaines que peuvent rencontrer ces enquêteurs.

Il y a des soirs où tout ça me glace, où je me colle à mon poêle et me dis, une fois le sang un peu moins froid, que je ne demeure contre la peine capitale que par cette terrible crainte d’apprendre que mes représentants ont tué un innocent en mon nom. Car ce n’est pas que j’estime que tout individu mérite de vivre envers et contre tout, mais il se trouve qu’au-dessus de tout, je tiens à protéger l’innocence de ma société autant que celle de mes enfants.

Il y a des jours où je ressens le besoin de me soigner au jazz toute la journée et où je ne trouve le sommeil qu’après avoir écouté cette chanson des Innocents. « Un homme extraordinaire ». Satané reveil.

« Sans connaître les raisons, qui ont poussé cet homme à vivre, dans une autre ville, on l'estime, comme quelqu'un de toujours poli, qu'il soit heureux, ou qu'il soit triste.

Sans donner d'importance, à la chance, de voir cet homme, ce soir, qui rentre un peu moins tard, ses enfants, aiment leur père avec une impatience, qui le laissera vieillir, juste après leur enfance.

Il tourne sur le monde solitaire, il court, il approche un autre siècle

On se souviendra, de ceux qui commettent un crime, un jour de tous ces chasseurs de primes, et puis, d'oublier la vie, d'un homme extraordinaire.

Sans l'espoir d'apprendre, à leur apprendre, à ne pas compter les heures, qui s'enroulent et qui meurent, que leur dire ? qu'ils viennent sur terre juste pour y répandre, un peu d'amour, et quelques cendres.

On se souviendra, de ceux qui commettent un crime, un jour, de tous ces chasseurs de primes, et puis, d'oublier la vie, d'un homme extraordinaire.

Sans connaître les raisons, qui ont poussé cette femme à fuir, encore une autre ville, on la voit, comme quelqu'un qui a bien réagi, face à la mort et à l'oubli.

Elle tourne sur le monde solitaire, elle court, elle approche un autre siècle.

On se souviendra, de ceux qui commettent un crime, un jour, de tous ces chasseurs de primes, oh non, non pas de sa vie, tombée dans l'oubli, des villes sans mémoire, qui se souviendra ? de ceux qui ont une histoire, d'un jour, d'un homme qui commence à boire, la vie d'un homme sans nom, un homme extraordinaire
… »

SILence

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Message spécial pour mon homme extraordinaire : tu n'es pas obligé d'écouter ces sordides nouvelles le matin au réveil : le programme de TSF est génial le matin... De plus tu peux nous serrer dans tes bras aussi souvent que tu veux, pas besoin d'attendre les bonnes nouvelles qui tardent toujours à venir...