mercredi 10 septembre 2008

ON A FAIT SAUTER LE VERROU PSYCHOLOGIQUE DE LA VERRIERE


Le président Sarkozy affirmait début juillet devant le conseil national de L’UMP que depuis qu'il est là «désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit». Quelques mois auparavant il estimait «je sais que certains doutent, mais vous verrez : un jour, on dira que j'ai réformé autant que Margaret Thatcher !» Tout un programme.

Un programme jeune-droite qui contrairement à celui de cette vieille droite qui craint encore un peu de voir le peuple descendre dans la rue, parle de verrous psychologiques à faire sauter. En somme, une conception de la reforme à coup d’explosifs. Cette droite-impétueuse pense que la capacité civile de rebuffade face à sa déréglementation compulsive, au vandalisme social et à la privatisation de la République est très faible ou du moins surestimée. Et plus particulièrement la capacité d'opposition des fonctionnaires. Le fait étant que cette droite-godelureau a raison.

Par conséquent usant et abusant du « déficit de nos comptes publics », non seulement nos managers en herbe n'accordent presque plus rien aux salariés du public, ce qui peut s'entendre après tout, mais surtout exigent de ceux-ci toujours plus. Un raisonnement psychopatho-logique. Et oui, alors que tout individu sensé est prêt à entendre que par temps de disette budgétaire, il doit lui aussi se montrer raisonnable, à condition toutefois qu'en échange de rien on ne lui demande rien de plus, les spin-doctors du sarkozysme se disent qu'en échange de rien ou trois fois rien, on peut toujours obtenir beaucoup. Plus de productivité. Plus de services. Plus d'heures de travail. Plus de sourires.

Une poussée d’acné managériale dont on peut voir les pustules éclore sur tous les visages de la fonction publique. Partout y compris dans l'enseignement où cela s’y traduit par la tendance qui suit. Alors que personne n'est fichu de me produire la circulaire ou la note de service qui autorise cela, force est de constater que les petits chefs d'établissement scolaires se mettent à étaler sur toute la semaine l'emploi du temps des enseignants. En employant de surcroît des arguments hallucinants, faisant dans le mélange des genres. « Aurait-on idée d’avoir une direction à temps partiel ? » Comme si les profs travaillaient à temps partiel et que leurs contrats de travail ainsi que leurs rémunérations étaient les mêmes que ceux des personnels de direction. Chiche ?!?

Je rappelle qu'en général la vingtaine d'heures de cours est regroupée sur quatre jours, trois pour les plus chanceux, l'enseignant préparant ses cours et corrigeant ses copies à son domicile les jours restants. Des jours de travail également mais loin du bahut, ce qui offre, je vous assure, un temps de respiration fort appréciable.

Dorénavant, interdiction est faite de respirer. Le but étant d'avoir les profs sous la main, en permanence, toute la semaine. Des profs en retenue. Mais surtout une façon selon certains de préparer les profs aux 35 heures par semaine dans les établissements. 35 heures auxquelles s'ajouteront les heures d'avant passées en préparations et en corrections. Une mode qui séduit jusqu’à la Gauche comme l'indiquait Ségolène Royale dans sa vidéo polémique sur cette question pendant la campagne 2007.

En effet, puisque madame Royal connaît des profs âgés dans les bahuts de son centre ville huppé, où ceux-ci n'ont plus vraiment à préparer leurs cours, et qui histoire de mettre un peu de beurre sur les épinards font du soutien scolaire à domicile, il faut donc que tous les profs, indépendamment de leur niveau d'expérience et de la difficulté de l'établissement, restent 35 heures au collège ou au lycée pour faire du soutien scolaire gratuit. Travailler plus sans même pouvoir cette fois-ci mettre du beurre sur les épinards. En voila une idée géniale et de gauche. Portnawak !

Tout cela aboutit en tout cas, d'ores et déjà, à des emplois du temps parsemés de trous, où le professeur est à la disposition de tout le monde sans être payé en heures sup pour autant. Une sujétion supplémentaire que ces bonnes pâtes enseignantes acceptent sans même se dire une seule seconde qu'ils se font enfler. Un début. Certains se disent même que c'est génial, que la révolution scolaire va pouvoir se faire, qu'ils vont enfin pouvoir accorder une attention permanente à leurs crétins d’élèves. Et oui certains de ces masochistes en redemanderaient presque.

C'est en général le moment de la conversation où je demande à mes amis si cinq jours passés à supporter les gamins, les réunions qui ne servent à rien, les défilades et les pinailleries stériles de leur administration, les jérémiades des collègues, la vue de certaines têtes d’anxiolytiques, celle des chefs d'établissements transformés en sous-commandants de salles des profs, chargés tels des petits chefs de gare d'agiter le drapeau vert quand la cloche sonne, si de supporter tout ça, gratuitement, est là une chose bien raisonnable.

Si c'est bien raisonnable de ne pas avoir le moindre jour de respiration dans la semaine, et ce dans ce métier particulièrement pompant ; d'emporter du travail à la maison en plus de celui déjà fourni à temps plein, pour un salaire très loin de celui d'un cadre supérieur soumis à ce genre de sujétions ; de ne plus avoir la possibilité de s'organiser plus ou moins comme on le voulait, ce qui permettait de voir un peu plus ses gosses en journée puis de bosser en soirée…

Et ce alors que le ministère ne fera rien de sérieux pour eux en termes de salaire, ni pour leur simplifier la vie. Et oui, alors que l'on trouve des crèches dans des entreprises ou dans certains établissements et autres services publics, je me suis toujours demandé pourquoi dans ce ministère comportant une très forte proportion de femmes, on ne favorisait pas la création de mini crèches dans les établissement scolaires. Je peux vous dire que ce serait-là une chose bien pratique. À plus forte raison si les profs ont vocation à se voir collés à leurs établissements.

Enfin, c'est là une question inutile puisque ça fait longtemps que les salariés enseignants sont très loin d’être au centre des préoccupations de leurs patrons. Sauf quand il s’agit d’aller les voir pour leur demander plus d’efforts encore.

Que font les syndicats ? Ils sont en dessous de tout. Comme d’habitude ils se font fixer sur des points annexes et laissent passer l’essentiel. Ils menacent de grèves qui au final apeurent bien plus leurs troupes que les ministres.

Nos Syndicats Nationaux d'Empaffés à Sec, pinaillent sur les trois heures sup que l'on propose aux enseignants, et que pas mal d'entre eux ont toujours eu besoin de faire, vu le niveau de leurs salaires, en ne pensant pas une seule seconde aux possibles ravages des 35 heures passées dans les établissements.

Des possibles ravages dont j'en vois certains et mes potes profs aussi, une fois que je leur ai dit tout ça. Ils en blêmissent même. Ils se rendent compte qu'ils ne supporteront jamais l'enfermement scolaire. « Merde c'est vrai, ça va être un truc à nous rendre malades » concluent-ils en même temps qu'ils envisagent dès lors le recours aux arrêts maladie, que je vous promets on ne peut plus justifiés, surtout dans les établissements difficiles. Que le ministère s’attende très prochainement à une hécatombe et aux problèmes de remplacement qui iront avec.

Je pense même qu'il va falloir multiplier le nombre de places dans la maison de repos pour enseignants, connue sous le nom de « la Verrière » (en illustration).

D'autres profs envisageant déjà quant à eux de quitter un métier peu à peu dépouillé de tout intérêt, avec des profs de plus en plus privés du moindre respect. Il paraîtrait que la DGE, l'administration centrale de l’Education nationale reçoit des demandes d’information croissantes sur les conditions de reconversion. Chose qui semble les étonner. Pas moi !

Du coup ne resteront que ceux qui n'auront pas le choix ou alors les plus masochistes. Une sacrée motivation, non ?!? Un gage certain de qualité ! Des éléments dont tous ces corniauds de parents d'élèves se fichent éperdument eux aussi.

Alors avouons tout de même que les profs y sont pour quelque chose dans cette déliquescence de leurs conditions de travail. Ne serait-ce que par cette tendance qu’ils ont eu ces trente dernières années à se vouloir les initiateurs de toutes les ré(dé)formes pedago-marxo qui les ont peu à peu dépouillés de tous les attributs de leur « auctoritas » (le savoir comme source d’autorité).

Il est vrai qu'entre toutes ces gonzesses jamais rassasiées en matière de maternage, le semblant de mecs portés bien plus sur la jacasserie adolescente que sur la défense de leur apostolat, c’était plus ou moins couru d’avance. Et même que ça continue …

Décidemment le manque de fierté chez ces premiers de la classe m'épatera toujours. L’un des symptômes du syndrome « premier de la classe » d’ailleurs. Une sorte d'acception aveugle de l'autorité à deux balles comme des coups portés par les cancres du système. Sérieux si votre sens du dévouement tutoyant souvent celui du sacrifice ne vous rendait pas à ce point aimables, je ne vous défendrais pas comme je le fais parfois. J’aimerais d’ailleurs ne plus avoir à le faire.

Si seulement vous preniez conscience également de votre pouvoir de nuisance, à exercer dans un cadre honorable, c'est-à-dire républicain ;-) et de l'importance pour la République de votre mission, les choses se passeraient autrement.

Car pour finir, je rappelle aux profs comme aux syndicats que la grève n'impressionne que la gauche, étant donné que c'est son électorat qui défile dans la rue. Avec la droite, surtout celle qui ne craint plus les manifestations, c'est un autre type d'action qui serait susceptible de fonctionner. La grève du zèle. Une technique que l'on connaît bien dans la Police. C'est fou le merdier qu'on peut foutre en faisant juste son travail. Faites donc fonctionner votre imagination et vous verrez que vous pourrez bloquer pas mal de choses, installer un rapport de force à votre avantage sans perdre votre maigre salaire.

Allez camarades, on se réveille, on se réveille, histoire, au moins, qu’en échange de rien on cesse de vous demander toujours plus.

SILalutte des salles de classe

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Tu te fais du mal, mon vieux Sil ! A moins que ce ne soit à moi !

Est-ce l'heure tardive ou bien les heures de soleil qu'il me manque, mais je crois bien que ce soir une grande lassitude s'empare de moi.

Mon corps est lourd, mon corps est gourd et, si ma conscience, de plus en plus légère, adhère encore miraculeusement à tes propos élevés, je doute d'avoir encore la force de te suivre.

C'est vrai quoi ! Moi je suis un pessimiste de nature, un misanthrope contrarié, alors je ne sais pas où tu puises cette énergie pour secouer ton prochain (qui ne te le demande pas, d'ailleurs, et pour cause !) pour vouloir le rendre "meilleur" et, si ce n'est lui, du moins la société qu'il contribue à bâtir.

Mais moi, ce soir... psffffuiiiit ! Les hommes sont laids, les hommes sont mauvais et les hommes sont cons... et comme si cela ne suffisait pas ils sont nombreux.

Je reviendrai demain, carresser tes projets... je reviens toujours... un peu comme un assassin finalement.

@+,

LOLO45DEBONNEHUMEUR.

SIL a dit…

En tout cas, pessimiste ou pas, je trouve ton texte trés trés beau mon Lolo.

Allez, il est minuit largement passé, j'ai la tête comme une pastèque étant donnée que l'absence de réchauffement climatique m'a deja refilé mon premier coryza de l'hiver... donc je vais me coucher... espérant réveiller mes collègues demain, le jour des petits seigneurs...