jeudi 26 février 2009

ANTILLES : THÈSE, ANTITHÈSE, SYNTHÈSE


L’autre soir, le parrain de l’un de mes gosses, éminent gwadada de son état, avec un ton propre à ceux qui en ont gros sur la patate douce, me téléphone et me dit, « dis-moi compère, je vois que tu t’occupes des Kanaks, des Sri Lankais, des Juifs et des Algériens, mais toujours pas un mot pour les Antilles ». « Justement », je lui réponds, « je ne peux pas être partout à la fois et puis je préfère m’intéresser au sort de populations réellement opprimées ». « Comment ça », me demande-t-il. « Non, rien, c’est juste que quitte à être le dernier sur le coup, autant jouer vraiment les last but not least. Et puis comme le disait le petit Jessy, les premiers seront les derniers et vice versa ». Aussi me voici donc enfin en première ligne avec un billet du premier ordre, issu de la toute dernière discussion avec mon compère. Savourez, c’est du braisé…

Bon à l’évidence, il y a des problèmes dans nos archipels antillais. Pas tant le fait que quelques familles concentrent les richesses. Après tout, c’est non seulement un peu le cas partout mais surtout, pas mal de riches méritent quand même leurs richesses. Non, l’un des problèmes semble être qu’une partie des 3000 békés, descendants d’aristocrates esclavagistes, toujours présents en Guadeloupe, fonctionnent comme sous l’ancien régime, avec les mêmes codes raciaux et économiques. Le refus de tout mélange additionné à un colbertisme des plus désuets. Le colbertisme, du nom du ministre des finances de Louis XIV, Colbert, désigne un ensemble de pratiques économiques marquées alors par le protectionnisme, l’octroi de subsides à l’exportation ainsi que des colonies totalement dépendantes de la métropole. Colbertisme que l’on observe aux Antilles, notamment à travers la gestion des ressources agricoles de l’île, l’impossibilité de commercer avec les voisins et sa spécialisation dans le tourisme. Un schéma d’ancien régime dont bénéficient encore certains békés.

De quoi justifier par conséquent, au moins un peu, le sursaut révolutionnaire de notre royale Ségolène et le titre de l’ouvrage de mon bel et bon Vincent Peillon « la Révolution française n’est pas terminée ». Aux Antilles, c’est un peu vrai. De quoi également donner des envies de « carmagnole » sur des airs de biguine, « Monsieur Jego avait promis, d’être fidèle à son pays, mais il a manqué, ne faisons plus de quartier. » Je vous laisse traduire tout ça en créole. Voilà pour la thèse.

Question antithèse, après les turpitudes békés, attardons-nous sur les turpitudes métisses. Là aussi, il y a des vérités qui se perdent. En effet, ancien régime local ou pas, nul ne peut nier que la République a plutôt été du genre grand-prince avec nos Antilles. Ce ne sont quand même pas les preuves d’une discrimination assez positive qui manquent : régime fiscal « privilégié », politiques de l’emploi, infrastructures hospitalières très bien notés et universitaires ne laissant en rien à désirer, plantations de fonctionnaires à perte de vue, avantages salariaux, etc. Signalons également que les élus sont tout sauf békés. Ceux que j’ai vus à l’Elysée étaient bien colorés et j’en ai même reconnu quelques-uns et quelques-unes qui n’étaient pas blancs-blancs à plus d’un titre. Bref, toutes choses qui devraient à première vue, permettre aux pas-békés d’assumer leurs responsabilités et de réussir. La preuve que la réussite demeure possible, résidant chez certains métis mais aussi chez les Libanais arrivés il y a peu et chez les Chinois venus au XIXe siècle travailler dans les plantations et qui depuis se sont tournés vers le commerce.

Preuve donc que tout ça n’est pas qu’une sombre affaire de racisme béké, de réminiscences esclavagistes ou « d’apartheid social » comme le raconte l’autre démago de Christiane Taubira. La prétendue exclusion qui expliquerait les violences actuelles, que des gamins font régner le désordre dans les rues, mais aussi le racisme ouvertement exprimé par les dirigeants du LKP (syndicalistes indépendantistes mais fonctionnaires, comme quoi), « les Guadeloupéens d’abord », « la Guadeloupe aux guadeloupéens », slogans susceptibles de rendre la présence d’un Jean-Marie Le Pen bien plus logique que celle de l’autre imbécile de Besancenot venu chercher « l’inspiration »...

Alors si le fond du problème n’est pas l’exclusion, que peut-il y avoir de pourri au royaume d’Arawak (premiers habitants de la Guadeloupe) ?

En dehors des éléments vu en première partie qui entretiennent des comportements d’un autre âge, et les « privilèges » de la République qui loin de favoriser la responsabilisation semblent enfermer une trop grande partie de la population dans l’assistanat, il est évident que le fond du problème réside dans une névrose culturelle qu’il serait temps de traiter.

Voyez-vous, pour adorer la littérature antillaise comme nulle autre, j’y ai pas mal usé mes mirettes. Or j’ai beau y avoir arpenté les 44 marches du Morne-Pichevin (quartier de Fort-de-France en Martinique) comme si j’y avais grandi, avoir découvert toute une galerie de tableaux impressionnants, et même assimilé la typologie des différentes castes métisses se méprisant entre elles, je n’ai jamais lu chez aucun auteur antillais la dénonciation de ce qui entretien l’infantilisation antillaise. Même Raphaël Confiant, dans le « bassin des ouragans », après s’être moqué de la « maman hexagonale » ou de « l’infantilisme congénital » qui touche son île, ne peut s’empêcher de s’enferrer dans l’esclavage au lieu de finir le travail de la république, l’abolir culturellement, appeler au dépassement.

Le dépassement de l’histoire esclavagiste, à l’image de ces peuples (russes, suédois…) qui ont dépassé un servage aboli voici un siècle et qui n’avait pas grand-chose à envier à l’esclavage ; le dépassement du seul objectif qui semble compter, celui du blanchissage de génération en génération ; le dépassement de la question raciale ; le dépassement du fatalisme…

Maintenant, question synthèse, bien que j’estime que ce sont les Antillais qui doivent traiter cette névrose culturelle qui leur est propre, je ne ferais pas comme ces 51% de métropolitains qui verraient d’un bon œil l’indépendance des Antilles. Premièrement parce que les Antilles françaises sont une création française, colonisée en premier lieu par des métropolitains qui se mêleront aux noirs, où il n’y a plus d’autochtones, ce qui rend les questions de légitimité sur ces îles pour le moins compliquées ; deuxièmement parce que les Antillais sont à 80% contre l’indépendance ; troisièmement parce que je trouve ça trop facile comme solution.

En dehors des questions culturelles régionales, le problème est français, la réponse doit l’être aussi.

C’est pour cela que j’estime scandaleux que le gouvernement mette trois semaines à réagir, pire encore, que les medias nationaux mettent quatre semaines à s’intéresser au sujet et à dénoncer ce mépris gouvernemental, mais aussi que notre président s’adresse à un département français non pas à partir d’une chaîne nationale mais à partir de RFO.

C’est pour cela que je trouve tout aussi scandaleux que les lois sur la concurrence ne semblent pas s’appliquer dans les départements français d’Outre-Mer, que l’on maintienne l’économie locale dans un archaïsme coupé des réalités aussi bien régionales qu’internationales, que l’on ne profite pas des atouts socio-éducatifs de ces îles, du nombre de diplômés, pour moderniser l’économie, la tertiariser, créer des technopoles capables de rayonner dans toute la Caraïbe, en somme que l’on se refuse à hisser l’économie locale à la hauteur des coûts, des salaires et d’un niveau de vie jusqu’à présent artificiellement maintenu.

Voilà, je vous laisse chercher d’autres idées. Cependant, en cas de panne, sifflez-moi ! J’en ai encore plein des idées pour moderniser l'economie antillaise et dont la plus géniale est sans doute l’exportation de fonctionnaires. Vu le trop plein dans nos Antilles et le pas assez dans les autres, je crois qu’on tient un filon en matière de contrats de mission. Tiens pourquoi ne pas en bâtir une usine locale, une sorte d’ENA antillaise qui nous permettrait d’inonder toute la région avec nos brillantes méthodes de gestion administratives ?

SILaï qui arrive « après la tempête »…

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Bien documenté, Monsieur Sil. Bravo, je suis d'accord : un bon coup de pied dans cette économie de comptoir d'un autre âge ! Pas d'indépendance, mais de l'autonomie ! re-d'accord !
Quant à la question-boomerang de l'esclavage et de la colonisation qui clôt à présent toute discussion, je cite Pierre Nora : "Si l'aventure coloniale est profondément condamnable, elle n'est pas historiquement réductible à la douleur du colonisé". Cogiteons en choeur !
signé Castor

SIL a dit…

Tout à fait, sans compter que si nous avons pratiquer cette turpitude au même titre que tous les groupes humains, nous sommes les premiers à l'avoir criminalisée et abolie... ce qui nous permet de donner bien plus de leçons que d'en recevoir, na !

Anonyme a dit…

s'il ne devait y en avoir q'un... JE L'ai trouvé alléluia!!! tous les autres à la mer!!!! vive Ernest pépin. l'homme au baton en donne a tour de bras, pour la bonne cause.( a lire son article du 22 janvier 2009 MAAARTEL!!!!)
shyryu

SIL a dit…

Tout à fait compère. Assurèment Pepin est un grand; voici l'article de l'homme au baton bien bandé :

Quelle leçon tirer de Barack Obama ?

Comme de nombreux Guadeloupéens, je suis fasciné par cet homme qui a réussi à faire entrer un noir à la maison blanche. Les commentaires élogieux pleuvent de partout. C’est l’état de grâce bien mérité. Pourtant une petite voix me souffle : et nous ?
Et nous guadeloupéens qu’avons-nous faits ? Que faisons-nous ? Que ferons-nous ?
Passé les brûlures de l’esclavage, passé les interminables débats sur l’identité, passés négritude et créolité, comment devons-nous aborder le XXIème siècle dans une perspective qui soit la notre.
Je ne renie aucune parcelle de mon passé et je suis solidaire de tous les combats que nous avons menés mais je voudrais me positionner résolument dans l’avenir.
Nous sommes un petit pays. Une petite lèche de terre peuplée seulement de 400.000 habitants et pour le moment nous sommes hors-jeu dans notre présent et presque condamné à quémander l’avenir à ceux qui nous gouvernent. Chacun y va de sa chanson, de son parcours, de ses rêves. C’est précisément cela qui nous manque : une chanson commune, un parcours commun, un rêve commun. Peut-être avons-nous besoin de savoir ce qu’est une société. Je veux dire une entité sociale, économique, politique, culturelle dont les rouages s’articulent dans un système cohérent et efficace.
Je constate que nous sommes une somme de revendications syndicales obsessionnellement tournées vers les questions salariales, le maintien des avantages acquis, la guerre contre le patronat etc. Et ceci nous condamne à des postures agressives ou impuissantes. Plus grave, agressives ET impuissantes. Ce ne sont pas les miettes lâchées ici ou là qui vont changer la donne en l’absence de tout projet viable.
Je constate que nous nous noyons dans le puits de la consommation. Les panneaux publicitaires fleurissent. Les voitures de luxe encombrent les routes. Les gadgets de toutes sortes tiennent lieu d’accès à la modernité. La modernité est un mot terrible. Cela fonctionne comme une machine à broyer le passé, la culture (reléguée au rang de tradition !), les manières de penser, de faire et de vivre. Nous voulons être en première classe sans nous soucier de la destination du train. Moi, j’ai envie de crier : construisons les rails, construisons le train, construisons la gare.
Nous avons le choix entre trois options.
Laisser rouler les choses au risque de se perdre.
Devenir indépendant au risque de s’appauvrir ;
Tenter une autonomie au risque de se faire gruger.
Il y a toujours un risque ! C’est là notre douleur et c’est là notre lâcheté.
En réalité, je crois qu’il faut reformuler un projet guadeloupéen en toute responsabilité et en toute lucidité.
Qu’est-ce à dire,
Définir (redéfinir) quelle peut-être notre fonction économique, sociale, politique et culturelle. Et surtout définir (redéfinir) notre relation à la France et à l’Europe pour sortir de l’assistanat (cette mendicité de droit) et de l’infantilisation (ce légitime impôt prélevé par les bailleurs de fonds). Il faut donc commencer par nous définir nous-mêmes en ayant le courage et l’humilité d’éviter les postures victimaires ou héroïques, les positions dogmatiques, les immobilités conservatrices, les impasses de l’idéologie et le suivisme soi-disant moderniste. Cela fait beaucoup de contraintes mais la lucidité est à ce prix.
Nous sommes, le plus souvent, de piètres chefs d’entreprise.
Nous sommes le plus souvent des petits tas d’égoïsmes et au mieux des petites bandes de corporatismes.
Nous sommes, le plus souvent, de mauvais maris, de mauvaises épouses et pour finir de mauvaises familles.
Nous sommes, le plus souvent, une société violente au niveau des individus et au niveau du collectif.
Nous sommes le plus souvent des viveurs au jour le jour, des jouisseurs inconséquents. Toutes les industries du loisir le savent : boite de nuit, sex-shop, déjeuner champêtre, hôtels, Midi-minuit. Etc.
Nous sommes le plus souvent des travailleurs toujours en grève, en congé, en dissidence, en ruse et en laxisme.
Nous sommes le plus souvent abonnés à la seule culture populaire, oublieux de la culture du monde et trop matérialiste pour comprendre qu’un poème, qu’un roman, qu’un tableau, qu’une chanson, qu’une pièce de théâtre, etc. ne sont ni des divertissements ni des exutoires mais des problématiques d’un autre possible de nous et du monde.
Nous sommes le plus souvent une insociété comme on dit une incivilité.
Et avec ça toujours empressé de nous comparer à la France comme si le monde entier, les seuls modèles, les repères absolus appartenaient à une France en crise depuis longtemps.
Nous regardons de haut la Caraïbe et nous ignorons les Amériques. C’est pourtant selon la formule consacrée notre environnement naturel. Alors que nous sommes si riches de l’argent des autres !
Il est de bon ton de dire qu’il ne faut pas diaboliser la Guadeloupe, qu’il ne faut pas se flageller et qu’il faut positiver. Toute critique est assimilé à une trahison ou à du vomi. Posons-nous la question qu’est-ce qui est positivable ?
Une jeunesse aux abois !
Des citoyens irresponsables !
Des personnes âgées de plus en plus isolées !
Un nombre grandissant d’exclus !
Un pouvoir local sans vision !
Des intellectuels bâillonnés par la proximité !
Des artistes impécunieux et subventionnés !
De grandes messes jubilatoires !
Une impuissance économique chronique !
Un tourisme impensé !
Des rapports de classe et de race viciés par le passé !
J’aime la Guadeloupe, mais je crois qu’il faut lui dire ses quatre vérités. Pas de presse capable de conscientiser ! Pas d’émissions éducatives et formatrices ! Une université trop extravertie. Un artisanat désuet. Une langue créole qui fout le camp ! Nous le disons entre nous, en petits comités. Nous le chuchotons mais nous avons honte de le crier en public. Comme dit Franky, c’est la vie en rose ! Césaire l’a écrit : « un paradis absurdement raté ». Maryse Condé l’a craché : la Guadeloupe n’est pas un paradis ! Et nous sommes là plein de rancœurs rancies, pleins de rêves non muris, admirateurs des autres, ébahis devant notre moindre prestation d’humanité, toujours dans la logique du rachat. Ah nos sportifs ! Au nom de quoi, le fait d’être guadeloupéen fait d’un exploit sportif un miracle ? A moins de douter de soi et d’estimer inconsciemment que nous n’avons pas droit à l’excellence.
Et c’est la première leçon que je tire d’Obama : le droit au droit à l’excellence.
La deuxième étant de casser, de répudier tous les discours qui obstruent l’horizon : la race, konplo a neg sé konplo a chien ! Nou sé neg ! Le fandtyou ! Cette moquerie permanente de tous ceux qui tentent, qui osent et même parfois qui font. Etc.… Cette mise en dérision de nous-mêmes !
La troisième étant de doter la Guadeloupe d’un vouloir collectif qui transcende les différences, les rancunes, les sottes compétitions, les querelles idéologiques, les xénophobies, les nombrilismes, les chauvinismes à bon marché.
La quatrième étant de miser sur l’intelligence, toutes les formes d’intelligence, pour élever le débat au-dessus des querelles de personnes.
La cinquième d’assumer notre histoire, toute notre histoire, par nous, pour nous, sans mendoyer une reconnaissance que nous ne nous octroyons pas très souvent. C’est de nous-mêmes, de notre énergie, de notre créativité, de nos talents, de nos forces, de notre rigueur, de notre respect pour nous-mêmes que viendra la reconnaissance et non de telles ou telles victoires plus symboliques que réelles.
Se déplacer à Washington pour dire « j’y étais ! » c’est bien. S’atteler au char de la Guadeloupe c’est mieux !
Obama est un homme qui a cru en son pays sans renier ses origines. C’est un homme qui a cru en la capacité de son pays à dépasser les frontières des pensées établies. C’est un homme qui a su faire croire en lui. C’est ce pari là qu’il faut gagner.
Si nous disons : « mon pays c’est la France ». Alors, il faut assumer et faire en sorte que la France change et on ne peut le faire sans les Français de l’hexagone.
Si nous disons « mon pays c’est la Guadeloupe colonisée ».Alors, il faut l’assumer et décoloniser la Guadeloupe en privilégiant les armes de la décolonisation de l’imaginaire, de l’économie, du culturel, du politique et du social. Il est inconséquent de prôner la décolonisation en jouant le jeu d’une surintégration parfaite et indolore.
Si nous disons « mon pays c’est la Guadeloupe autonome ». Alors il faudra l’assumer en se préparant à exercer un pouvoir local plus riche en compétences et désireux de développer une richesse guadeloupéenne.
Si nous ne disons rien, nous sommes coupables de nous croiser les bras devant une société qui se saborde (violences sexuelles, violences des jeunes contre les jeunes, violence des hommes contre les femmes, violences au sein des familles, violences sociales plus ou moins sournoises). Une société qui se cache derrière le paravent de la consommation. Une société de gestion ou de géreurs et non une société de l’entreprendre. Une société qui a mis en faillite les intellectuels de tous bords.
Une société en danger.
Oui, je dis bien en danger ! Pendant que nous nous livrons à des actes de cannibalisme (les uns à l’encontre des autres !), en l’absence de projet construit par nous et soutenu par nous, des forces agissantes décident pour nous, grignotent le territoire, contrôlent l’économie, décident pour nous ! Je ne parle pas de race, je parle de filières, de réseaux, d’organisations structurées, de puissances financières. Il suffit de regarder Jarry, d’aller à Continent, à Millénis etc. Combien de Guadeloupéens font partie du vrai jeu économique ? Nous ne sommes, à part quelques cas, que des sous-traitants et surtout des sous-gagnants.
Il est vrai que nous sommes soumis comme les autres aux durs effets de la mondialisation, que nos marges de manœuvres sont limitées et que nous sommes un petit marché.
Ceci nous exonère pas de penser, de nous organiser, de lutter dès lors que l’objectif est clair, accepté et positif. Quels objectifs pour l’art, l’économie, le social, le politique ? Comment les atteindre ? Avec quelle stratégie ? En clair comment (re)bâtir la Guadeloupe ?
Il me semble souhaitable d’arriver à commercialiser notre culture sans la prostituer, à exporter ses meilleures créations et surtout à nous nourrir d’elle. Pour le moins, faire entrer la notion de dépenses culturelles diversifiées dans les budgets des familles et des entreprises serait un grand progrès.
Il me semble souhaitable d’envisager un développement rentable de l’agriculture afin de pourvoir, le plus possible, à nos besoins et à ceux des marchés qu’il nous appartient de trouver à l’extérieur.
Il me semble souhaitable de repenser de fonds en comble l’industrie touristique. Je dis bien l’industrie en l’accompagnant des produits du soleil (maillots de bain, serviettes, lunettes de soleil, crème solaire, vêtements etc.) made in Guadeloupe ou labellisés « Guadeloupe ». C’était une idée de Paco Rabanne. Je doute qu’elle ait été entendue !
Il me semble souhaitable de rechercher les voies et moyens d’une solidarité active au sein de la société guadeloupéenne. Nous sommes si généreux envers le téléthon !
Il me semble souhaitable de croire au développement de la langue et de la culture créoles dans une perspective non folkloriste mais diplomatique (il existe un monde créolophone), économique et culturelle.
Il me semble enfin souhaitable que nos élus aillent se former non pas seulement à Paris mais aussi dans la Caraïbe. Ils connaîtraient mieux le fonctionnement des pays indépendants ou néo-colonisés. Ils seraient plus au fait des données de la diplomatie. Ils gagneraient en relations internationales. Ils créeraient d’utiles solidarités.
Mais tout cela n’est rien si nous ne répondons pas à la question suivante : quelle Guadeloupe voulons-nous ? Autrement dit avec quelles valeurs? Quel mode de fonctionnement ? Quel type de citoyens ? Quel système économique ? Quel budget ?
Ce sont des questions qui sont loin de l’élection d’Obama. Ce sont des questions auxquelles tout chef politique doit répondre de façon claire. La méfiance des Guadeloupéens envers les élus, parfois leur inertie apparente, résulte sans doute d’un manque de clarté, d’un manque de pédagogie, d’un manque de vouloir.
Je répète avec Obama l’histoire retiendra notre capacité à construire et non notre capacité à détruire !
Crier que nous sommes des petits-fils d’esclaves ne suffit pas !
Détester, singer ou vénérer la France, n’est pas une politique !
Croire que l’on peut construire sur des ruines est une erreur !
Seront nous capables de dire, nous aussi : YES WE CAN ! C’est cela la leçon, la grande leçon d’Obama !

Ernest Pépin
Lamentin le 21 janvier 2009

PS : Je ne suis pas un spécialiste et mes idées n’engagent que moi. Je ne les livre que pour lancer un débat que je crois nécessaire et salutaire.