jeudi 2 avril 2009

PUER SENEX, C’EST TOUT MOI


La légende, ma légende (j’adore faire ce coup-là) veut que je sois né avec les cheveux blancs, tout comme le célèbre barde gallois Taliesin ou encore le non moins célèbre philosophe chinois Lao Tseu. Enfant, mon regard était aussi déjà celui d’un vieillard et les questions que je posais à mes proches, celles d’un grand-père installé dans un fauteuil qu’il refuserait de quitter. J’ai d’ailleurs marché très tard. Avec le temps, j’ai tout de même fini par trouver l’enfance sympathique, notamment l’usage du biberon que j’ai gardé un certain nombre d’années, à moins que ce soit là aussi un comportement d’édenté.

Après avoir perdu mes cheveux blancs j’ai récupéré une teinte plus foncée, celle du châtaignier que j’ai gardé jusqu’à ma treizième année.

Un soir d'automne, alors que mes parents faisaient les encombrants, histoire de récupérer de quoi décorer leur loge de concierge avec le mauvais goût que les bourgeois du seizième arrondissement acceptaient parfois de mettre au rebut, je cherchais de mon côté quelque ouvrage à me mettre sous la dent. Il y en avait souvent dans les encombrants de l’avenue Raymond Poincaré. Or pour me refuser à laisser des livres dehors, j’en revenais parfois les bras chargés. Ce soir-là c’était notamment avec les deux tomes, en version poche, de « Racines » d’Alex Haley et une tripotée de numéros du magazine Historia, parmi lesquels des dossiers sur les Khmers rouges et la Shoah.

Dans les semaines qui suivirent, mes lectures allaient marquer mon cerveau au fer rouge. Ces récits génocidaires et esclavagistes venaient d’entamer le processus de reblanchiment de mes cheveux. Un jour, un cheveux. Pas un jour sans que je me sois demandé depuis, comment mon espèce peut-elle en arriver là.

J’ai tout de même fini par trouver ma jeunesse sympathique, un peu sur le tard ; depuis que je perds mes cheveux blancs. Un par jour. Pas un jour sans chercher le moyen de rire. Grandir avec le regard du vieillard, vieillir avec les yeux de l’enfance, telle est l’étrange histoire du « puer senex » ; tout moi !

Puer SILnex

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Mon cher Sil, je trouve votre légende très attendrissante ! Et moi j'y crois. Voilà aussi ce que je crois : "grandir avec le regard du vieillard et vieillir avec les yeux de l'enfance" est une chance que peu d'entre nous connaissent. Car, de leur plein gré, ils ont échappé à cet exercice magnifique, cet exercice de la vraie liberté ils ont échappé à l'exercice de la raison la confondant avec un dogme. J'aurais aimé étayer mon avis comme un vrai philosophe. Mais comme écrit Epictète (il faut un peu ramener sa science ...) "Si tu veux devenir philosophe, prépare toi à être raillé par la foule"....Donc je suis prévenue, je ne serai pas plus ridicule et me console en sachant que les sarcasmes ne viennent que de ceux dont les idées sont mises à mal. Que les lecteurs de ces chroniques remarquent que la "raison" libère et n'entame ni le sentiment, ni la drôlerie de son auteur.
signé castor .

SIL a dit…

Je vous embrasse.