mardi 4 août 2009

CHAPITRE 5 « LES FILS DE LLOEGR » (4/5)


Monseigneur est satisfait. Il est certain de tenir dans cette super-glue verbale l’arme secrète qui mollira la combativité des gardiens du village Intérêt Général, et qui fixera aussi toute éventuelle opposition dans le pays. « C’est Démagogix mon maître qui sera content de le savoir » conclue-t-il. Tout en félicitant Vendesassurancestoutrix, il ordonne que ses bataillons se tiennent prêts à procéder à un premier test dès que les quantités suffisantes de win-win seront livrées. Ce n’est l’affaire que de quelques jours.

Enfin, tout est paré. Monseigneur est impatient. Il a ordonné que le premier bombardement de win-win ait lieu par voie aérienne depuis le village de Télévisium. Donnant le signal à l’heure du souper, le win-win se diffuse sur les ondes. Une étrange nuée se lève et répand un souffle sonore jusqu’alors inédit. Les retraités, les fonctionnaires-serviteurs du pays et d’autres salariés sont assimilés à des nantis, à des rentiers. Par ailleurs, ce souffle étrange annonce la distribution de puissants paradis fiscaux artificiels. Un nouvel opium du peuple pour le plus grand bénéfice des plus riches, des véritables nantis ou rentiers.

Cela fonctionne à merveille. Les endorphines sécrétées endorment les neurones calculateurs de la population dés cette nuit-là. Un lourd sommeil hypnotique s’abat sur les enfants de Belle France. L’opinion, shootée à la glue verbale, se trouve scotchée.

Nous voilà le lendemain matin. Vendesassurancetoutrix débute sa journée par un jogging. Le seul moment de la journée où il transpire, où cette sueur lui donne l’apparence du travailleur. Le rythme de sa foulée suit celui de sa joie. Il sait que les dégâts provoqués par son Win-win ont dû être considérables. Pour l’occasion, il a d’ailleurs enfilé son plus beau survêtement, celui du dimanche, un survêtement jaune or où figure son animal totémique ; un grand caïman. Mais Alphapage, son corbeau messager, l’interrompt dans son effort. Alphapage lui apporte une convocation de Monseigneur Girondix, le mandant plus tôt que prévu.

Les résultats du bombardement de la veille sont en effet plus qu’excellents. Constatant cela, l’état-major de Monseigneur Girondix le Bossu fait éclater sa joie et laisse libre cours à son humeur belliqueuse. « Attaquons sans attendre l’avant poste d’Intérêt Général et ce maudit étendard qui nous a déjà trop nargué » lance Vendesassurancestoutrix. « Oui », poursuit Rhétorix, « n’attendons pas qu’ils réfléchissent à une riposte suite au bombardement d’hier ; nos rapports font état d’une vive agitation dans le village depuis hier soir ».

« Vous avez raison mes enfants », lance Monseigneur en souriant, « rassemblons toutes nos forces dés demain matin sur la plaine qui fait face à ce stupide étendard que nous allons détruire sans plus attendre ». Chacun quitte la salle impatient d’en découdre et chargé de sa part des préparatifs.

Le soleil se lève. Vendesassurancetoutrix est l’un des tout premiers sur le futur champ de bataille. Il y est rejoint un à un par ses amis et les autres membres de l’unité de cavalerie dont il est le commandant. À commencer par Poujadix qui arrive flanqué de son animal de compagnie. Un perdreau au regard niais perché sur son épaule gauche, prénommé « Jean-Pierre » et bagué avec le symbole de son maître, les trois lettre « cçc ».
Puis par Cadremoyenaigrix qui arrive très aigri. Cette bataille l’empêche de partir en RTT, ces RTT dont il déteste le principe mais qu’il apprécie tant quand même.
Arrivent enfin, entre autres, les chevaliers Frontoffix le trader, Centurix XXI, Vediorbix aux grands crocs, Pharmaceutix l’apothicaire, Nicotix le buralix, tous vêtus de leur armure trois pièces plaquées or, dures comme leurs cœurs, légères comme leurs cervelles, et portant par également autour du cou, une sorte de torque (collier gaulois) souple, doré, descendant sur leur poitrail. Un torcravatte symbolisant le lien qui les relie à leur seigneur ; une laisse magique.

Les voilà positionnés par leur Commandant sur le flanc droit, attendant qu’on la lâche sur l’adversaire.

Au centre, la piétaille trépigne elle aussi sur place. Gavée de win-win mais également d’une autre drogue déjà plus ancienne, le sondage-d’opinium, cette masse attend qu’on lui permette d’insulter, de vilipender et de cracher sur tous ceux qu’on lui présente comme l’ennemi.

Surplombant la plaine où se trouve cette armée, un promontoire. Démagogix qui a quitté son repère pour assister à cette bataille s’y avance à pas de sénateur. Il marche accompagné du baron Ernestum Wendelium et de Girondix le bossu, son général qui le supplie, « tâtez ma bosse ô mon maître, cela sera de bon aloi, nous portera chance ». Démagogix n’en a cure. Il préfère regarder à l’autre extrémité de la plaine l’étendard magique du village Intérêt Général, celui qui a tant fait frémir ses hommes et que portent encore depuis tout ce temps Lignesix et Locomotrix. Démagogix se fait songeur pendant que à la vue de l’étendard les visages de rouille de Monseigneur le bossu et de sa suite se ferment ou s’oxydent de colère. Thatcheria, qui les rejoint, remarquant cela, leur insuffle son souffle de forge. Sortant de dessous sa robe une lance magique, encore vibrante, elle la tend au bossu en lui disant, « tiens Monseigneur, voici ma lance reactium, je te la prête ; elle mènera ta colère et ta dérégulation… »

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