mardi 10 mai 2011

10 mai 1981 : Je vous parle d’un Mitterrand que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître


Effets d’inventaire oblige, il y aurait beaucoup à médire sur Mitterrand et ses présidences. Cependant, plus je me centrise et mieux je comprends une remarque de Charles Pasqua. Alors qu’il présentait à la radio le premier tome de ses mémoires, et que le journaliste s’étonnait d’une certaine admiration qui transparaissait dans son livre pour François Mitterrand, Charles Pasqua répondit « Mitterrand, mais Mitterrand fut l’un des plus grands présidents de droite que ce pays a connu ». Oui, plus je me centrise et mieux je comprends aussi pourquoi mon François disait qu’après lui, « il n’y aurait plus de véritable président de la république », seulement des boutiquiers et autre marchands de tapis ou vendeurs de Rolex en toc.

Ce que tu peux me manquer mon François. Ton aura, ton intelligence, ton sens de la France, de l’histoire, de la république, de l’état, de la fonction publique.

Admettez qu’un « c’est une rime mais une rime pauvre » rétorqué à un « Mitterrand fous le camp » lancé par un gueux au salon de l’agriculture, est d’une tout autre tenue qu’un « casse toi pôv’con ».

Concédez que même la vie sexuelle de cet homo politicus était d’un autre niveau que celle des vulgaires queutards qui suivirent. Vie sexuelle ou plutôt vie affective car plus ça va et plus je suis persuadé qu’il a toujours été fidèle à ceux qu’il aimait. Je ne dis pas que jeune ministre, il n’ait pas profité de son pouvoir et de son charme pour cueillir toutes les jolies fleurs que Paris pouvait lui offrir. Je pense juste que pour posséder ce qu’il faut d’estime de soi, il a dû très vite en souper, et préférer s’amuser de ce jeu de dupes. Ce qui m’a fait croire cela furent trois choses, entre autres.

La starlette Amanda Lear aurait reçu, un soir, un appel du secrétariat de l’Elysée lui annonçant que le président Mitterrand souhaitait s’entretenir avec elle. Elle s’y serait rendu en s’attendant à goûter au vit présidentiel. Or après un bref entretien, le président Mitterrand lui donna congé, se délectant sans doute des ragots que cela générerait dans le si médiocre microcosme parisien. Le deuxième élément fut une photo où on pouvait voir la journaliste Michèle Cotta le lécher du regard pendant qu’il lui offrait un air détaché. Détaché comme devait l’être sa façon de dire aux greluches qui l’attendaient, paraît-il, à la sortie de certains meetings, « rentrez dans vos hôtels respectifs, j’appellerai l’une d’entre vous », ce qui lui permettait sans doute d’en appeler aucune tout en leur offrant le loisir de prétendre que chacune d’entre elles avait obtenu ses faveurs. « Trop puissant » me suis-je dit, tout en imaginant à quel point cette comédie liée au pouvoir devait l’amuser. Ce qui m’a fait penser qu’au vu de cela, sa famille ou ses familles devaient être tout pour lui, au point de chercher à les protéger toutes deux de toute cette comédie humaine. Épris à Paris et Constant à Clermont-Ferrand, était sans doute ainsi François Mitterrand.

Oui tout, absolument tout, même le plus vulgaire, était majestueux chez ce Monsieur, de quoi m’inciter à lui pardonner d’avoir servi l’état sous tous ses états, y compris, un bref moment, sous son côté obscur de la Force publique.

Observez la magnifique photo ci-dessus. Ne résume-t-elle pas si bien tout cela ? Elle fut prise en 1991 au cours de négociations visant à faire réintégrer la France dans l’OTAN. Voici notre François, malade, diminué, condamné, en compagnie du président d’une nation qui venait de gagner la guerre froide, un Bush père, fringant, élancé, portant si bien le costume.

Lequel des deux a l’air le plus majestueux ? Tout bonnement notre François Mitterrand.

Observez comme le fait de baisser les yeux sur un François qui regarde droit devant, la main posée paternellement sur le bras du président américain, donne un surcroît de majesté au président français, le fait paraître plus sage, plus puissant, bien supérieur. On croirait voir maître Yoda. On comprend mieux « la force tranquille » et son au revoir, proche de ce 8 janvier 1996 où il nous quitta, marqué par un « je crois aux Forces de l’esprit ». Oui, François, que ta Force soit avec nous…

SILuc Skywalker mitterrandien.

Histoire de rééquilibré un peu mes envies de légendes dorées voici quelques articles intéressants :

1) « 10 mai 1981: naissance des Trente calamiteuses » par Ivan Rioufol

Après les Trente glorieuses (Les années cinquante, soixante, soixante-dix), voici les Trente calamiteuses. Elles débutent le 10 mai 1981 et s’achèvent actuellement, sous les yeux de Français irrités par ce qu’ils endurent, avec l’effondrement de la pensée magique. Instauré avec l’élection de François Mitterrand avant d’être repris par la droite mimétique, l’irréalisme politique est, en effet, le premier responsable de la somme des désastres qui s’accumulent et qui font grossir les rangs des déçus de la gauche et de la droite. Trente ans d’utopies, de dénis des faits, de mépris des gens et de méthodes Coué ont renforcé la méfiance des électeurs vis-à-vis de leurs représentants. Une époque s’achève, avec le trentième anniversaire de l’arrivée des socialistes au pouvoir. Cependant, le PS se réclame encore de cette période, qui ne vaut que pour la nostalgie qu’elle peut éventuellement inspirer. (pour en savoir plus...)

2) 10 mai 1981, un bilan pas si rose par Jacques Bichot pour Slate

En ce temps de célébration quasi-unanime où l’on croit revivre à trente ans de distance «le passage de l’ombre à la lumière» du 10 mai 1981, l’on nous permettra d’introduire quelques réflexions dissonantes dans le concert de louanges. Car certaines mesures prises dans la première année du gouvernement de gauche pèsent encore lourdement sur notre société et nos comptes publics.

Trois décisions majeures en effet ont été prises dans la foulée du succès électoral de François Mitterrand: les nationalisations, l’octroi du statut de fonctionnaire aux agents des hôpitaux et des collectivités territoriales rendues largement autonomes par la décentralisation, et la «retraite à 60 ans». La première de ces décisions s’est révélée être réversible; elle a de ce fait peu nui au pays. En revanche, les deux autres se sont solidement installées dans le paysage institutionnel et social français et constituent toujours une source de dépenses excessives, de déficits publics et d’inefficacité. (Pour en savoir plus…)

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