lundi 19 septembre 2011

Se souvenir d’un baiser (petit exercice de style)


Petit exercice de style sentimental, entre deux grivoiseries dominicales, et à l’occasion de la sortie du livre de Belinda Cannone «Le baiser peut-être» (Alma «Pabloïd»), qui nous livre une très agréable interview à lire sur Libé «Le baiser est le plus beau geste du désir»…

Tes yeux m’interrogent. Ils me demandent, « quel est donc cet effet que je te fais ». Je me dis intérieurement, qu’il remonte, qu’il ne date pas d’aujourd’hui, que je me rappelle comme si c’était hier de la première fois où je t’ai vu. Moi pressé, toi venant d’arriver.

Le bref instant où je te croise, je remarque ton port altier, tes cheveux attachés qui offrent à ma vue une nuque fine et délicate. Puis tu te tournes et là ton regard qui me saisit instantanément, comme rarement un regard a su me saisir. Des yeux doux mais fiers, dont l’éclat témoigne de ce mélange si rare d’esprit et de sensibilité. Je suis happé, incroyablement happé. Je les épouse ce bref instant avant de retourner à ma tache.

Les jours suivants, c’est ta démarche qui me fait tourner la tête à chaque fois que j’entends tes pas s’approcher du bureau devant lequel tu t’apprêtes à passer. Ta démarche de reine, qui ne surjoue jamais la majesté, me plait comme me plait le balancier de ton poignet sous la ligne de tes hanches. Malgré ton pas affirmé, je te devine fragile. Je suis le seul à m’en rendre compte. Tu caches si bien cette sensibilité dont tu refuses la possibilité qu’elle puisse se transformer en proie facile.

Je te regarde mais je t’écoute aussi. Le son, le ton de ta voix m’attire. Elle me captive. Elle a sa force. Je devine ses faiblesses. Comme sur ton regard.

Ce que j’aime te regarder. Je remarque tous tes petits gestes que j’apprécie déjà. Ça m’inspire. Tu m’inspires bien des choses, douceur comme ardeur, vigueur comme tendresse, et bien plus encore.

Quand je te vois, quand je te parle, lorsque tu me parles, je ne peux m’empêcher, le plus discrètement possible, de te caresser le visage du regard, puis tes cheveux, les lignes de ton cou, la courbure de tes épaules, toute plage de peau accessible à mes yeux. Au point d’en rater parfois, la moitié de ton propos. Ce n’est pas sérieux mais j’en souris.

Cela ne me satisfait pas car immanquablement je nourris à chaque fois l’envie de t’embrasser, de t’enlacer, de te découvrir, de te goûter, de venir en toi, de te sentir. Le désir est là. J’ai envie de toi, que tu viennes sur moi pour que je puisse caresser ta poitrine et ton ventre, tout en jouissant du moindre tressaillement de ton corps, lorsque tu t’abandonneras au plaisir. Tu me parles. Je pense à tout ça et j’en rougis.

Parfois nos regards se croisent, semblent se chercher, se sourire, s’ouvrir, s’interroger, avant de se refermer, de se draper dans de la pudeur, dans de la réserve, dans une très maladroite forme de contrôle qui semble ici, aussi ridicule que déplacée.

Finalement, quel délice que celui de se sentir aussi désarçonné que la toute première fois.

Je me dis que tu dois t’en rendre compte, tout en souhaitant que non, mais en espérant que oui. Quel beau merdier !

Car je sais qu’il m’est interdit de te dire tout ça. Alors je l’écris sur l’un de mes petits calepins. Ecrire ce qu’il est interdit de dire. Avant de finir par le faire quand même, car rien n’est pire que de le taire. Tes yeux embrassent alors les miens. Tu le savais. Ils le savaient. Ils réclament un baiser. Tu finis par m’embrasser. Je fais tout le reste ou presque…

Je me dis en repensant à tout ça que Philippe Sollers a raison. Quelle connerie de prétendre que l’amour est aveugle, « dans un domaine où tout est regard ! ».

Sillippe Sillers

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