samedi 10 août 2013

Le syndrome de la guenon


Nouvelle soirée d’anthologie chez mon Club des Pères Divorcés Pas Anonymes,  grâce à Cyrille, un nouveau membre arrivé chez nous  il y a deux mois et qui attendit tout ce temps avant de vider son sac. Et visiblement, il avait des choses à dire le Cyrille. Il nous aura notamment fait découvrir le syndrome de la guenon.

- Je crois que parmi les différents types de femmes, il y a celles qui te prennent en chasse avec classe, tout en prenant des risques, parce que c’est toi qu’elles veulent… et puis celles qui, selon leur petit principe d’opportunité, et telles de vulgaires guenons, ne lâchent une branche que lorsqu’elles sont certaines d’en tenir une autre bien en main. La peur du vide, sans doute...

Il marqua un temps d’arrêt avec un petit rire nerveux avant de poursuivre.

- Et dire qu’il y a encore pas si longtemps de cela, elle le traitait de «gras aux mains grasses et d’incompétent, incapable d’une réparation qui tienne la route ou simplement de vérifier correctement la pression des pneus». Le tout avec ce petit air caractéristique qu’elle arbore lorsqu’elle corrige des copies d'étudiants particulièrement médiocres.

- Non ! Intervint Joël, t’es en train de nous dire que ta bourgeoise s’est maquée avec son garagiste. Elle a coulé une bielle ou quoi ? Ah, le fantasme du  machiniste.

- Pour une maniaque, c’est assez transgressif en effet, poursuivit Cyrille, même si ça doit lui rappeler ses anciennes rêveries de petite prolétarienne. En même temps cela faisait deux ans qu’il la draguait, la bombardant de sms auxquels elle répondait parfois dans la minute tout en me reprochant mes réactions quelque peu agacées, à l’évidence pas si déplacées que ça. Les efforts de ce petit génie prêt à tout pour forniquer auront fini par payer… En parlant de payer, dire que je venais, pour satisfaire les caprices de madame, de dépenser 20 000 euros dans la décoration de notre nouveau logement,  que j’ai finalement quitté pour qu’elle y reste avec les enfants. Si seulement c’était là la seule chose que j’avais fait pour cette bonne-femme. J'en aurai soulevé des montagnes, jour et nuit, parfaitement en vain...

- Dis-toi, se permit d’intervenir Rémi, que le summum de l'engagement amoureux ou du détachement bouddhique, selon la façon de voir, c’est lorsque tu claques ta paye en offrant le bijou qu’elle désire depuis tant d’années, une jolie pierre sertie de diamants, à une femme dont ton instinct te fait savoir que votre histoire peut imploser d'un moment à l'autre. Sa crise de la quarantaine disait-elle.

- Quelle pute, lâcha Joël qui n’en pouvait plus, avant de s’excuser. Et elle t’annonça comment sa liaison avec son mécano, demanda-t-il ?

- Ce n’est pas gentil pour les hétaïres, ce que tu viens de dire, répliqua Cyrille. Les prostituées  ont au moins l’honnêteté d’afficher clairement leurs tarifs à l’entrée. Là, j’ai trouvé que c’était un peu cher payé. Pour le reste, elle ne m’annonça pas de liaison. Elle préféra me dire qu’elle ne voulait plus vivre avec moi en me balançant à la figure, comme Rémi nous le racontait lui aussi l’autre fois, tout un tas de reproches tous plus puérils les uns que les autres, sans oublier un vieux dossier revenu à la surface d'une drôle de façon, une histoire vieille de six ans dont elle connaissait les tenants et les aboutissants depuis fort longtemps et que j’avais presque oublié ; une histoire ambiguë que j’avais entretenue avec une collègue et à laquelle j’avais mis un terme avant que cela ne dégénère, me sentant déjà assez pitoyable comme ça ; mon seul demi-écart en quinze ans de vie commune malgré les régulières opportunités ; une affaire débile qui avait débuté, quand j’y pense, à l’époque où madame ne voyait pas le mal à répondre «amicalement» aux nombreuses sollicitations «amicales» d’un collègue qui lui bavait dessus du regard, ou bien à ce qu’un Kévin au sens propre comme figuré vienne lui masser les adducteurs dans notre salon. Elle avait besoin d’un coach sportif, disait-elle. Je suis tombé sur elle, et sur lui, en plein échauffement, alors que j’étais rentré chercher un document pour mon travail. La parfaite figuration du chasseur de petites bobos à l’œil humide. Tiens, il ressemblait d'ailleurs quelque peu à son garagiste, l'air moins gras, beaucoup plus jeune, mais tout aussi huilé. Elle n’avait pas compris ma réaction courroucée de l’époque. Je lui avais fait comprendre que j’envisageais moi aussi de faire venir de jolies petites masseuses thaïlandaises à la maison pour me détendre…

- La salope, lâcha Joël avant de rougir. En fait, cela devait la chatouiller depuis bien longtemps mais elle avait juste besoin d’une bonne excuse pour te lourder. Elle avait besoin de justifier sa saloperie en te rendant responsable de celle-ci sans assumer ses conneries, pour mieux préserver sa jolie petite image à la face du monde et surtout de vos enfants. Je suppose que cette mytho t’aura chargé la gueule et cherché à te salir auprès de ses proches mais aussi des tiens, sans oublier les enfants, à grand renfort de mensonges, exagérations ou approximations, en espérant t'isoler pour mieux mordre. Le jeu de massacre, elle adore ça. Je suppose qu’avant cela, pendant des mois, elle aura tout essayé pour te dégouter, dans le but que tu quittes le domicile conjugal afin de se couvrir du masque de la pauvre mère abandonnée, et que devant l’échec de sa misérable  tentative, elle passa au plan B. Encore une gamine égocentrique nous faisant payer régulièrement le lourd passif qu'elle entretient avec l'image paternelle, maternelle ou je ne sais quoi d'autre de tordu. J’ai connu le même modèle moi-aussi...

-  Quelque part tu as de la chance, se permit d’intervenir Amin. Mon ex m’a fait à peu près le même plan à ceci près qu’elle m’annonça m’avoir cocufié, avoir pris du plaisir à le faire, tout en me demandant de quitter l’appartement dont je payais le loyer. Je l’ai renvoyée chez son père et gardé ma fille dont elle était, de toute façon, incapable de s’occuper, bien plus préoccupée qu’elle était par les sorties avec ses copines de cité.

- Les enfants, en effet, reprit Cyrille. C’est ça le plus dur à vivre. Dire que cette petite dame aux grands airs, fait venir déjà son dépanneur de quartier sur le lieu de vacances où je vais voir mes enfants et que je dois supporter les remarques diverses et variées de ceux-ci à son sujet. Oh, rien d’extraordinaire en soi, si ce n’est au fond le décalage par rapport à l’indignation dont elle m’avait fait part il y a quelques années de cela. Elle avait trouvé absolument scandaleux que l’ex-mari de l’une de ses amies se soit rendu à Disneyland avec ses enfants en compagnie de sa nouvelle compagne… le tout après deux ans de séparation…

- Quelle hypocrite ! Hypocrite, je peux, demanda Joël. A moins qu’elle ne cherche à te rendre jaloux.

- Oui, je le pense aussi. A peine notre rupture consommée, elle me parlait de son garagiste pour tout et pour rien, sans me dire qu’elle était avec lui, un peu comme si elle cherchait à me rendre jaloux pour des raisons absconses. Ce qui laisse augurer la parfaite place de jouet de ses divagations qu’elle lui alloue déjà. Refusant d’entrer dans son délire ou de chercher à comprendre ses élucubrations, et quelque part simplement  heureux de me sentir libéré de ses manipulations ou qu'elle ait trouvé un nouveau punching ball sur qui défouler ses névroses, je n’en avais cure, ressentant juste, à la limite, un peu plus de mépris. Ce qui est moins le cas quand j’entends mon fils me dire au téléphone, lorsque j’appelle mes enfants, que le mécano est là, et qu’il s’amuse bien avec eux. Sans me rendre jaloux, cela me met hors de moi. Encore que tout cela se conclut hier soir par un éclat de rire…

- Comment ça, demanda Joël ?

- Sous le coup de la colère, va savoir pourquoi, j’ai googolisé son rouleur de mécaniques. Un vrai régal tant il a l’air aussi égocentrique que hautement intelligent. Tout y est. Figure-toi que je suis même tombé sur son profile Badoo, le site de plans cul à la mode. Tout correspond. Le plus drôle étant qu’il y était actif il y a de ça deux semaines, soit avant même de partir rejoindre ma conne d’ex-femme en vacances. Le bougre doit être du genre à aimer voyager les bourses légères…

- Excellent ! Exulta Joël.

- Moralité, conclut Rémi, ton ex-garce risque de se retrouver pas seulement avec «un gras aux mains grasses»  vu qu’autre chose ne va pas tarder à sentir l'huile de vidange…

Éclat de rire général.

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