mercredi 24 mars 2010

Comme un retour d’automne un jour de printemps : les raisons de ce coup de blizzard sur les branchages de l’UMP (régionales 2010).



Petit retour sur le bilan des dernières régionales, car pour ne pas avoir misé sur un effeuillage d’une telle ampleur, j’ai ressenti le besoin de réfléchir aux mécanismes politiques qui expliqueraient ce retour d’automne électoral un jour de printemps. Voici le résultat en neuf petits points.

1) Il est évident que les 53 % d’abstention démontrent que bon nombre d’électeurs se fichent éperdument des régionales et des régions, ces entités plus administratives que politiques, dont presque tout le monde ignore les missions comme les moyens.

2) Il est certain également que faute de cette lisibilité, un tel scrutin a de fortes chances de servir de défouloir ou de moyen d’exprimer l’opinion politique du moment plutôt qu’un réel choix politique. De quoi expliquer la gifle de dimanche dernier. Une gifle accentuée toutefois par d’autres éléments. À commencer par la question de l’enjeu.

3) En cette période de crise, pas mal de Français sont inquiets pour leur emploi et avenir. Or si la droite n’a pas réussi à donner un enjeu à ce scrutin, la gauche a pour sa part su lui donner un sens, même s’il est totalement fallacieux. j’ai entendu en effet des dirigeants de gauche, tel que Jean-Paul Huchon, parler de régions protectrices, de « bouclier social » , ce qui est totalement hors sujet vu que les régions sont incapables de servir à cela (la compétence des régions se résumant surtout aux lycées, aux transports et à la formation professionnelle). La gauche a cependant profité de cette méconnaissance pour bourrer le mou d’électeurs rendus sensibles à ce genre de message. Étant donné que l'UMP n’a pas su contrer cette stratégie, celle-ci a donné le résultat escompté. Bien joué !

Viennent ensuite les erreurs tactiques du président Sarkozy.

4) Par ces temps de crise, au lieu d’avoir une droite qui nous explique la marche du monde (au moins économique), ainsi que la nécessité de gérer les problèmes qui se posent cycliquement, on a vu la droite tenir un discours apocalyptico-hollywoodien, du genre « nous avons échappé de justesse à l’apocalypse économique et nous tachons de faire en sorte que cela ne se reproduise plus ». Or ne voyant pas tout s’écrouler autour de nous, nous avons du mal à croire à ce scénario catastrophe. Nous avons même plutôt l’impression que nos dirigeants en font de tonnes afin de se donner un pouvoir et une importance qu’ils n’ont pas. bref, on se fout de notre gueule, ce qui énerve toujours un peu. Ensuite, par ce discours, la droite induit l’idée que les politiques libérales sont catastrophiques (alors qu’elles sont les seules à avoir permis à des régions entières de la planète de sortir de la misère, notamment en Asie, les mêmes régions qui tirent nos économies du pétrin actuel) et que les recettes social-protectionnistes sont la solution.

5) Ce que semble confirmer également la drague continuelle de la gauche par le président, avec missions, postes et responsabilités accordés sans arrêt à des membres de celle-ci. Or à force de draguer la gauche, ne la rend-on pas séduisante, plus légitime pour gouverner ?

6) Même chose pour les dérives écologistes du clan présidentiel. Si l’écoresponsabilité est une idée tout à fait louable, ne risque-t-on pas de légitimer les écologistes et tous leurs délires (sur la taxe carbone, les OGM, le nucléaire) en voulant se faire plus vert que vert.

7) Mais il n’y a pas que sur le front gauche que les erreurs s’accumulent. Sur le front droit, prenons la question du débat sur l’identité nationale. D’aucuns prétendent que ce débat a permis le retour du FN. En effet mais comme ils le pensent. L’électorat frontiste qui a voté Sarkozy en 2007 pensait que notre président avait des solutions à proposer sur ce thème, le retour à l’assimilation, à l’affirmation d’une identité porteuse de cohésion nationale. Or au lieu d’une politique voici qu’on offre un débat avec des intervenants gouvernementaux sans ligne directrice, ni message cohérent, qui un jour parlent d’assimilation, l’autre d’identité multiple, voire de l’inexistence du peuple français. Comment ne pas rendre ainsi de nouveau plus attractif le discours extrémiste internationaliste ou nationaliste.

8) S’agissant de la sécurité, il en va de même. « Le candidat Sarko avait promis, de nettoyer le pays au kärcher, or que nenni ». Voici, là encore, d’une part un électorat qui espérait que les problèmes d’insécurité se règleraient très vite, à grands renforts de cavalerie, et de l’autre le président d’un Etat de droit qui ne va pas, d’un claquement de doigts, mettre au pas tout le petit et grand caïdat. Du coup, voici l’extrême droite (sans doute prête à mettre le pays à feu et à sang pour accomplir son programme) qui récolte le résultat de toutes ces frustrations après avoir tiré sur une république et un président présentés comme impotents.

9) L’impuissance sera le dernier point. Il me semble, exception faite d’une minorité, un peu immature ou désespérée, qui attendait des miracles et qui déçue, s’en retourne vers les marchands de miracles, que la majorité sait faire la part des choses. Que cette majorité, bien que fatiguée parfois par certains excès de l’omniprésidence, ou amusée par ses cuisants échecs et autres fanfaronnades, n’en sait pas moins gré au président Sarkozy de l’énergie qu’il déploie. Si je dis cela, c’est parce qu’il semble tomber d’un excès à l’autre, de l’omniprésence à une prise de distance qui pour le coup ne rassurera personne. Ce qui explique peut-être, pour partie, sa chute dans les sondages.

Dans le monde complexe, ouvert et incertain qu’est le nôtre, tout repose de plus en plus sur l’énergie, la volonté et l’engagement déployés par les individus. Or c’est sans doute ça qui plait chez Nicolas Sarkozy. Aussi, il ne faudrait pas qu’il perde cet avantage surtout par ces temps de crise, encore plus incertains, où les gens ont besoin d’un capitaine qui ne flanche pas mais au contraire qui mobilise et fédère les énergies…

Tiens, ça bourgeonne.

ClemenSIL

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