dimanche 2 avril 2017

Alles Klar in Berlin #WillstNichtVergessen


Dernière journée à Berlin. Il est dix heures. Elle est là, devant le pavillon à thé du jardin anglais du parc Tiergarten, sa cigarette à la main, ses sublimes cheveux blonds ramassés derrière la nuque, laissant quelques mèches venir lécher son épaule gauche. A chaque fois, les mêmes mots me reviennent en tête, ceux de Cesare Pavese : « tes cheveux blonds sont plus évanescents et légers que la fumée de ta clope ; ce que je peux désirer sentir tes cheveux de rêve comme je respire cette fumée ». 

Je caresse son épaule. Elle se tourne vers moi. Son regard est bien différent de celui qu’elle arborait plus tôt ce matin, après notre réveil. A la suite du petit déjeuner, elle m’annonçait avoir une course à faire. Là elle me dit, à brûle pourpoint, « qu’est-ce qui a bien pu te plaire en moi ? ». Passée la surprise, je me dis, « entre autres choses, justement ça, cette fragilité lumineuse propre aux gens merveilleux », tout en comprenant que ça sent subitement le sapin dans le jardin anglais de Berlin.

Je décide de prendre sa question au premier degré et de lui répondre, un peu comme on saisit la dernière occasion de dire ce qui vous brûle les lèvres et l'esprit. 

« Tu es une très jolie femme. Cependant, au début, je dois avouer que ce côté taciturne et bougon que tu affichais souvent, n’était pas des plus avenants ; c’était avant de comprendre que ce n’était pas vraiment toi, que tu avais hérité de ce masque, comme de tes autres manifestations de morbidité. Je l’ai parfaitement saisi lorsque je t’ai vu sourire les premières fois. J’ai rarement vu un visage s’illuminer à ce point. Sans oublier tes yeux qui brillent à ces occasions de mille feux. Chez moi, on dirait que tu as les yeux du Bon Dieu. Puis j’ai découvert ta façon de relâcher tes cheveux, tes jolies boucles blondes venant voleter sur tes épaules. C’est dingue mais je crois que tu n’as toujours pas idée à quel point tu deviens désirable dans ces moment-là. Et je ne parle pas de ce splendide petit cul qui suscite en moi les plus ardents appétits ».

Je souris. Elle m’écoute, en me fixant de ses extraordinaires yeux bleus, un peu méfiante, comme à son accoutumée. Je continue. 

« Au vu de tout ça, je me disais déjà que ça allait être difficile de ne pas craquer. C’était avant de découvrir ta personnalité. Tu m’as livré ton intelligence, ton humour, ton autodérision, ta générosité, ton exigence envers toi ; cette si jolie manière de te cacher quand tu ne vas pas bien ; ton petit caractère mâtiné de cette délicieuse façon de rougir lorsque tu exagères ; toutes ces fêlures lumineuses qui lorsqu'elles s'expriment, me mettent sans dessus-dessous. Tu caches une reine en toi et tu ne le sais même pas. En découvrant tout ça, j'ai su que j'étais foutu ». 

Elle rougit. Elle ne sait pas quoi répondre. Sa question n’avait d’ailleurs pas pour but d’en discuter, mais, chose que j’avais bien comprise, était sa façon de se préparer à me dire qu’il s’agissait là de notre dernier weekend arraché à nos vies compliquées. 

« Nos échanges sont particulièrement intenses depuis plusieurs semaines, et je suis très heureuse d’avoir passé ce weekend, ici, avec toi. Mais j’ai des projets qui rendent toute suite impossible. Tu sais que je veux être mère et Patrick semble enfin tenté par l’idée. Je ne sais pas s’il sera un bon père. Il ne me fera jamais vivre ce que je vis avec toi. Il me fait souvent plus flipper que rêver avec son côté bobo-trompe-la-mort, mais je l’aime beaucoup, et j’aimerais bien fonder une famille dans les deux années à venir ». 

« Ah les femmes et leur manie de se coller, tels des post-it, des objectifs partout, comme pour conjurer leurs angoisses existentielles,  mais je comprends » me dis-je. Je le lui dis d’ailleurs. 

« Tu sais bien que je ne peux que le comprendre. Bien évidemment que j’espérais beaucoup plus. J’ai tellement envie d’aller partout avec toi, de découvrir ton royaume, te montrer le mien, te faire l’amour aux quatre coins de la planète, et puis un jour, sait-on jamais. Mais, effectivement, ma vie est un tantinet compliquée et risque de le demeurer encore un temps. Or je n’ai que trop de respect pour toi et tes envies pour ne pas l'admettre ». 

« Excuse-moi de t'annoncer cela, comme ça, maintenant » me dit-elle en se mordillant nerveusement l'intérieur des lèvres, chose qu'elle fait à chaque fois que le stress lui donne envie de fumer. 

« Oh ! Grands dieux non ! Ne t’excuse pas ! Enfin, pas trop ! Je ne t’en veux pas ! Enfin, pas trop. Certes la giflette est du genre subreptice et picote un peu, mais j’ai surtout envie de te remercier pour tout ce que j’emmène de beau t’appartenant. Tu m’as fait ressentir des choses que je n’espérais plus jamais ressentir. Mieux, tu m’en as fait connaitre des nouvelles, dont je ne soupçonnais même pas l’existence. Tout cela est beaucoup trop précieux pour le noyer  dans la bile. Et puis ton honnêteté, chose si rare, est un peu un dernier cadeau, de ceux qui ne gâchent rien, qui préservent l’amitié. Il faudra juste que tu me laisses redescendre de façon un tant soit peu contrôlée, des hauteurs où tu m’as emmené. Après ça, tu pourras toujours compter sur moi ». 

Ses yeux brillent de nouveau de cet éclat qui me rend fou. 

Elle me dit, « s’il te plait, plonge donc encore une fois ton museau dans mes cheveux, comme tu aimes tant le faire, et passons une merveilleuse journée »...


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