vendredi 26 juin 2009

JEUX DE POUVOIR : NOS MEDIAS ET L’IRAN


Difficile de parler des événements iraniens et ce pour au moins deux raisons, le manque d’informations mais aussi l’état de « stupeur et tremblements » dans lequel tout cela plonge une partie d’entre nous.

Je ne sais pas pour vous mais moi, ça fait deux semaines que je tremble pour le peuple iranien. Je tremble pour tous ces gosses qui défient ce clergé aussi criminel que corrompu, qui n’hésite pas à semer la mort au hasard de ses crises de folie. Je tremble et pleure devant la photo de la jeune Neda (photo ci-après), morte pour avoir voulu vivre, et dont les yeux me font penser à ceux de mes filles.

Je tremble de tristesse, de rage et d’impuissance. Les manifestations de soutien au peuple iranien sont quasi-inexistantes et mon appui moral dans mon coin, n’est rien. J’ai même peur que mon soutien ne leur porte la poisse. Oui, la poisse, car même si je leur souhaite de réussir, je ne la sens pas vraiment leur révolution. Faute d’une sorte de Gorbatchev qui ouvrirait de larges brèches dans les murailles du régime ou faute d’un appui militaire capable de contrecarrer les milices et autres hyènes enragées de cette tyrannie, je ne vois pas comment ces gamins vont pouvoir faire. J’aimerais tant voir de jeunes capitaines marcher sur Téhéran…

Cela dit, peut-être qu’ils existent ces appuis. Il est vrai que les medias institués nous informent si mal de ce qu’y si passe, de ce qui se joue, qu’il est très difficile de penser les événements iraniens et ce depuis le début des élections présidentielles du 12 juin. Quel ramassis de couards et d’incapables que nos journaleux. La majorité d’entre eux ne sert absolument à rien, si ce n’est de relais à la propagande du régime. Toutefois qu’ils se rassurent, je viens de leur trouver une utilité. Faute de pouvoir mettre des grandes peignés sur les tronches des caciques de ce régime fascislamique, je vais pouvoir au moins me défouler sur nos connards de scribouillards.

Ah, ça il tombe plutôt bien, le film « jeux de pouvoir », décrivant la splendeur comme la misère du journalisme. Chez nous, à quelques rares exceptions près, c’est bien de misère dont il s’agit. C’est que jusqu’à présent nos journaleux nous ont offert la totale.

Que c’était émouvant la présentation qu’ils ont faite des élections. Ce taux de participation non pas soviétique mais à limite de l’exemple pour nos démocraties. Un taux de participation qui s’expliquait bien évidemment par la qualité de l’offre en matière de candidats. Peu importe que les candidatures doivent être validées par les cerbères du régime à travers le Conseil d’Evaluation. Peu importe que seules des nuances de ce vert totalitaire étaient proposées sur les présentoirs électoraux. Peu importe car un fascislamique « ultraconservateur » (à sec), face à trois fascislamiques dits « d’ouverture » (à vaseline), c’est déjà merveilleux, la preuve que cette république est un exemple de démocratie. Vive la tyrannie modéré ! Une voie à suivre ?

Qu’elle était merveilleuse la présentation qu’ils nous ont faite du malheureux et très humanislamiste candidat Mir Hussein Moussavi. Un brave p’tit gars dont les tendances humanistes remontent loin, à cette époque où il était le premier ministre (de 1981 à 1989) du très éclairé Ayatollah Khomeiny, et qui n’ont cessé de se vérifier depuis, à tous les postes qu’il a occupé au sein de cette dictature. De se vérifier également dés les premiers jours de manifestations. Face à la foule des manifestants, ce grand opposant a fait trois petits tours et puis s’en est retourné à la niche.

Ils ont dû bien se marrer à Téhéran. À tel point qu’ils se sont dit qu’ils pouvaient pousser le comique de situation jusqu’à expulser tous nos touristes de l’information sans que cela ne leur occasionne pas plus de désagréments. À peu de choses près, ils n’ont pas eu tort. Suite à l’expulsion de nos lucides observateurs, une réaction inattendue s’est produite. Nos journalistes ont manifesté leur mécontentement. Hors de question qu’on les empêche de faire si brillamment leur travail. Et ils l’ont fait savoir en défilant non pas pour le peuple iranien mais pour leurs prérogatives médiatiques. Ils se sont même vengés en donnant la parole à ce qu’ils croient être l’opposition.

Ignorant les Libéraux et autre Démocrates iraniens en exil, ils sont allé voir les amis de Moussavi et autre opposants très modérés tels que la supposée défenseuse des droits de l’Homme Shirin Ebadi ou la cinéaste engagée (tu parles) Marjane Satrapi. Mieux encore, toujours pour illustrer l’opposition, ils ont tendu leurs micros aux très allumés moudjahiddins du peuple, sorte de secte islamomarxiste iranienne. Tout bonnement à pleurer.

Pourtant des véritables opposants iraniens, Libéraux et Démocrates, il y en a. Ils font d’ailleurs partie des rares à tenter de nous informer sur ce qui se passe là-bas. Par exemple les fondateurs de l’incontournable site iran-resist.org, qui nourrissent en grande partie les revues de presse que mon confrère JCDurbant nous propose depuis deux semaines sur son site ou sur celui d’Extremecentre où nous collaborons conjointement.

Ce sont les rares à nous informer que depuis deux semaines, les manifestations se succèdent de même que les victimes ; que les figurants du régime scandant « Moussavi, Moussavi » n’arrivent pas à couvrir l’assourdissant silence réprobateur exprimé par des centaines de milliers d’autres Iraniens, mais aussi les « Allahu Akbar » un brin provocateurs puis les « na Ahmadi, na Moussavi, faghat Azadi » (ni Ahmadi, ni Moussavi, seulement la liberté), ou encore les « marg bar jomhuri eslami » (mort à la république islamique) qui ont fait suite aux premières dizaines de victimes.

Les rares à nous raconter des scènes telles que celle qui s’est produite le jeudi 18 juin à Téhéran. Alors que le pantin Moussavi avait proposé la veille aux Iraniens de se rassembler vêtus de noir dans des mosquées afin de commémorer la mémoire des sept victimes admises par le régime, les habitants de Téhéran ont préféré se réunir sur la Place des armes, où cent ans plus tôt les Téhéranais avaient pendu l’un des héros de Khomeiny, le mollah intégriste Nouri. Sur cette place, ils ont chanté « Ey Iran », l’ancien hymne national interdit depuis la révolution islamique, ils ont brandi des écriteaux où l’on pouvait lire « la liberté a un prix et nous la payerons de notre sang ».

Mais aussi les seuls à nous transmettre la parole des Iraniens, comme celle de cette femme qui le vendredi 19 juin se demandait « Ce soir, on entend encore plus fort les cris d’Allah Akbar. Quel est cet endroit où toutes les portes sont fermées ? Quel est cet endroit où le peuple interpelle uniquement Dieu ? Quel est cet endroit où ce cri devient chaque nuit plus fort ? Tous les jours j’attends la nuit pour voir si les cris vont s’élever davantage ou pas. J’en frissonne. Je ne sais si Dieu en tremble aussi ou pas. Quel est cet endroit où nous sommes si opprimés, pris au piège. Quel est cet endroit où personne ne nous aide ? Quel est cet endroit où on doit nous faire entendre du monde entier avec notre silence ? (elle est très émue) Quel est cet endroit où le sang des jeunes coule dans les rues, mais d’autres font leurs prières au même endroit ? Ils se mettent sur ces tâches de sang pour prier ! Quel est cet endroit où ses habitants sont qualifiés de voyous ? Tu veux savoir : cet endroit est l’Iran, ta patrie et la mienne. Cet endroit est l’Iran. »

Ces mêmes véritables opposants qui se posent des questions au sujet des très timides réactions du président de « l’espoir » qu’était censé incarner messire Obama. Alors que de son côté l’ancien candidat John McCain se permet de signaler que « on tue et on bat les gens dans les rues de Téhéran et dans tout l’Iran et nous devrions les défendre. Comme nous l’avions fait pour les ouvriers polonais de Dantzig ou pour le peuple tchèque lors du printemps de Prague et comme nous avons défendu la liberté dans chaque partie du monde. Ce n’est pas ce que nous faisons en ce moment ».

En effet, pendant que l’on assassine en Iran, le président Obama préfère mettre la pression sur le gouvernement israélien. « Modéré avec les fanatiques et fanatique avec les modérés » comme le disait Jean-François Revel. Soit le principe du couard.

Nos médias préférant de leur côté, selon un principe similaire, se poser des questions quant à la crédibilité des vidéos montrant l’assassinat de la jeune Neda, plutôt que de mettre le nez du régime de Téhéran sur ses marres de sang.

Et moi d’être assez tenté de les inviter à interroger cet immense journaliste qu’est Charles Enderlin. Peut-être détient-il la preuve que le tir provenait d’un sniper israélien...

Vous savez quoi, je suis même certain que le gouvernement israélien serait prêt à rendre service en suggérant son implication. À rendre service au peuple iranien bien sûr, histoire que les medias occidentaux braquent enfin leur camera sur le sort de ce peuple. Car voyez vous, comme l’expliquait récemment Jean-Paul de Belmont pour Primo-Europe, on ne s’intéresse vraiment « aux malheurs de ce monde que quand des Juifs sont dans les parages » avec leurs fusils.

SIL

PS : je signale un meeting de soutien à l’initiative des organisations de jeunesse dimanche 28 juin. Ce meeting aura lieu à la Belleviloise à 18h30 (19- 21 rue Boyer 75020 Paris, arret de metro Gambetta ou Ménilmontant). Merci les enfants, merci pour vos petits camarades qui tombent par dizaines dans les rues de Téhéran. Juste un truc en passant. Evitez de venir avec vos keffiehs, je crois que ce serait pour le coup, particulièrement de mauvais goût…

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