jeudi 9 juin 2011

Elizabeth Taylor : un superbe hommage pour une sublime salope


Juste histoire de rappeler à toutes
Nos petites garçonnes
Que dans féminisme, il y a Femme.


A l’heure où des dévergondées d’un jour croient qu’une vulgaire « marche des salopes » (que j’approuve par ailleurs) pourrait aller à contre-courant de quoi que ce soit dans leurs très confortables bobo quartiers (qu’elles aillent déambuler dans les ghettos à excision, juste pour voir), et que d’autres s’évertuent à faire du féminisme un garçonnisme, voici le sublime hommage qu’adressait Ziyad Makhoul, journaliste libanais à Orient le Jour, à Elizabeth Taylor. Un texte superbe, drapé dans cette forme de vulgarité qui habille si bien la pudeur de tous les véritables hommes à Femme…

Elizabeth Taylor est une salope. Une grande, une très grande salope. Une salope pure, une vraie. Une hiératique salope. La tsarine des salopes.

De ces insensées salopes qui ont pour nom Jeanne d'Arc. Ou Simone de Beauvoir. Ou Jane Fonda. Ou Aung San Suu Kyi. Ou Catherine Deneuve. Ou Simone Veil. De ces sublimes salopes qui n'hésitent pas à s'en aller en guerre contre une injustice, contre une méchanceté, contre un diktat, une oppression. Contre les lois débiles et la bêtise des hommes. Contre le laid. A coups de scandales. A coups de cœurs. A coups de souffles coupés.

Elizabeth Taylor est une salope. Belle par-delà tous les rêves pornos. Richard Burton savait. Tous savaient. Ces yeux ! Ses yeux. Mais pas qu'eux : quand elle sourit un peu, en retroussant les lèvres un peu, féline beaucoup, prête au sang, prête au carnage, les cardiaques meurent. Un peu.

Elizabeth Taylor est une salope : à une ou deux exceptions près, elle jouait comme une cruche. Sauf que c'était pour elle que les caméras bandaient comme jamais. Même Katharine Hepburn, la Marie Curie des actrices, ne faisait pas le poids. Suddenly Last Summer (Soudain, l'été dernier) : tomber en amour. A vie. Tragiquement. La regarder, folle icône à pédés, le beau et friable Montgomery Clift à un bras, le macho queer Rock Hudson à l'autre et le renversant Jimmy Dean sur ses seins endiamantés, la Virginia Woolf-Taylor piétine une à une les discriminations, les lazzis, les quolibets, les petits fascismes du quotidien et rameute, "queenesque", agrippée à sa Sharon Stone comme d'autres à leur déambulateur, toutes celles et tous ceux qui préféraient bavasser plutôt que d'agir.

Elizabeth Taylor est une salope. Son petit nez retroussé est un long-métrage à lui seul. Son indolence – sa dangereuse indolence : son cinéma et sa vie sont siamois. At seventeen : elle expliquait qu'elle ne voyait pas comment elle pouvait se concentrer sur ses études alors que Robert, le mari premier du nom, n'arrêtait pas de fourrer sa langue dans sa bouche. Elizabeth Taylor est une salope. Une Constitution, un Etat-nation, un temple. Une Libyenne, une Egyptienne, une Yéménite, une Syrienne, une Américaine, une Japonaise, une Amazon(ienn)e, une Terrienne. Voilà pourtant qu'elle s'en va. Voilà que son cœur, encore lui, son cœur tout doux, tout fou, tout blue, lâche. Richard et Michael sont happy. Monty, Jimmy, Rock et les autres aussi. Soit. Mais Elizabeth Taylor est une salope. Elles boivent du gin, elle et Greta Garbo. Reviens. Vite. Ici, c'est maintenant le désert : il n'y a plus de salope. Habibi ["Mon amour" en arabe].

Ziyad Makhoul

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