lundi 9 février 2009

L'ISLAM DES LUMIÈRES, UNE VULGAIRE ÉCLIPSE LUNAIRE (2/3)


Le 16 août dernier, en conclusion d'un petit billet traitant des éclipses de Lune, islamique y compris, je vous avais promis que lors de la prochaine éclipse, à savoir le 9 février 2009, de plus amples explications seraient données au sujet de la phrase sibylline « finalement pour ce culte lunaire qu'est l'islam, son fameux âge d'or ou des lumières n'est que le fait d'une vulgaire éclipse lunaire ». Qu'entendais-je par cette magnifique métaphore astronomique. Tout simplement que l'âge d'or de l'islam ou sa variante actuelle « islam des lumières » sont dûs bien plus à un défaut d'islam qu'aux possibilités offertes par la nature même de l'islam.

En fait par « âge d'or de l'islam », on entend cette période allant du VIIIe au XIIIe siècle, pendant laquelle la philosophie et les sciences connurent leur heure de gloire en terre d’islam. Une période mais aussi un espace, celui d’une mythique Andalousie heureuse où s'y seraient mêlées harmonieusement traditions islamiques, judaïques et chrétiennes. Un ensemble marqué par de brillantes figures telles qu'Averroès ou Ibn Arabi et par de non moins brillantes écoles de pensée, au cœur même du califat, telle que le Mutazilisme, école se voulant islamique tout en se basant sur une logique et un rationalisme d’inspiration grecque.

Un âge d'or que d'aucuns voudraient voir reparaître, à l'image d'une renaissance européenne, sous la forme d'un « islam des lumières ». Parmi ceux-ci on trouve Malek Chebel et Abdelwahab Meddeb, des philosophes se voulant islamiques tout en œuvrant en dehors des terres d'islam, dans leur nouvelle Andalousie, l’Eurabia. Un fait qui illustre aussi ironiquement que parfaitement notre problématique.

En effet, il est assez cruel de constater que tout comme quelques paillettes d'or ne pouvaient suffire à rendre aurifères les terres d'islam, notre poignée de lucioles actuelles ne parvient pas, ne parviendra jamais à éclairer l'islam. Ces petites poignées ayant même quelque chose de pathétique. Alors pourquoi ces paillettes et ces lucioles existent-elles quand même ? En dehors de ce goût très humain pour la liberté, pour une raison tout aussi simple que logique.

Voyez-vous, grâce au mauvais génie de Mahomet, l'islam possède un atout facilitateur d'empire tout à fait considérable. Comme l'explique d’ailleurs très bien Malek Chebel dans un entretien accordé pour Le Monde à Henri Tincq le 16 septembre 2006, l'islam marche sur un trépied très efficace. « les "guerriers" qui se réclament du djihad, les "théologiens" qui leur fournissent une légitimation sacrée, et les "marchands" qui financent. » Marchands qui peuvent s'avérer également aussi efficaces que les guerriers pour repousser les frontières de l'islam, puisque ceux-ci les ont repoussées à l’Est de l’Indus jusqu'au pacifique indonésien. Théologiens qui demeurent quant à eux le pilier central comme nous le verrons.

Cependant, trépied « en béton armé » ou pas, aucun empire dilaté de plusieurs milliers de kilomètres, depuis l’Indus jusqu'à l'atlantique dans le cas qui nous occupe, en à peine un siècle, ne peut s'unifier au même rythme que son avancée. Même Rome ne s'est pas faite en un jour et ce malgré son ingénierie impériale. Dans le cas romain, on peut même dire que l'homogénéisation de l'empire ne fut réussie qu’après sa chute, l'Église romaine ayant fait beaucoup plus pour latiniser l'Europe et l'uniformiser culturellement.

Aussi l'expansion rapide de l'Islam (aire islamique), en mettant en contact de nombreux peuples dans un nouvel ensemble, ainsi que par le brassage des idées qui en a découlé, a nécessairement créé pendant un laps de temps, les conditions de la fertilité et de l'innovation. L’âge d’or étant donc celui de la confusion et non de l’islam. Un laps de temps voué à une fin étant donné que l’outil d’uniformisation de l’empire islamique ne manquerait pas de faire son travail. Cet outil n'étant rien d'autre que le clergé, gardien de la tradition et de l'orthodoxie. Le clergé qui allait défaire les écoles peu fidèles à la lettre du Coran et au message de Mahomet, mais aussi tous ces intellectuels hétérodoxes qui, à l’instar d’Averroès, Ibn Arabi et autres, se verront condamnés ou marginalisés. Fin du trouble et de la confusion. Une logique inéluctable, réglée comme une orbite lunaire, la partition étant écrite dans un livre aussi clair qu’une pleine Lune.

C’est vrai quoi, pourquoi voudriez-vous que Mahomet se soit échiné à « clarifier » un message biblique qu’il estimait perverti, pour que des rationalistes s’amusent de nouveau à discutailler ou à embrouiller les ordres de Dieu ? Mais aussi, au nom de quoi voudriez-vous que son clergé permette cela ? Immanquablement ils se devaient de rappeler la lettre, de réciter le Coran, l’unique message uniformisateur, faute de quoi ils auraient menti, trahi la lettre, ce qui tout aussi immanquablement leur aurait été rappelé tôt ou tard.

Et oui Malek Chebel a raison de dire que « les intellectuels, les libres-penseurs, les philosophes » sont toujours à la « marge ». Comme il a raison de préciser que le « redoutable » trépied islamique « fonctionne encore aujourd'hui : le souverain gouverne ; l'autorité religieuse (les oulémas) approuve, émet des fatwas destinées à faciliter l'action du politique ; le financement par le "marchand" toujours prêt à assister les deux autres dans l'espoir d'y faire des bénéfices. Dans ce rôle aujourd'hui, on aura reconnu l'Arabie saoudite. »

Cependant s'il a raison, force est de constater qu'il ne pousse pas la logique de ses constats jusqu'au bout car oui la machine islamique donne actuellement, grâce aux revenus pétroliers et à la finance islamique, toute la pleine mesure de son potentiel expansionniste et uniformisateur. Le Saoudiens ne financent-ils pas à tour de bras la minaretisation de régions entières, faisant ainsi inexorablement reculer les clairières de la philosophie et de la raison. Oui, la logique islamique est en marche, au pas de course.

Comme force est de constater que Malek Chebel et d’autres semblent ignorer qu’ils se trouvent doublement marginalisés. En marge comme leurs prédécesseurs d'un point de vue de l’orthodoxie, leurs idées n'étant pas prêtes d'être entendues, ni chez nos musulmans et encore moins là-bas. Au fond, il n’y a que nous autres, non musulmans qui les écoutons et les lisons. En marge aussi spatialement parlant puisqu'à obligés d’œuvrer hors des terres d'islam, chez nous, là où le brassage des idées est encore possible. Plus pour très longtemps, l’orthodoxie s’imposant également grâce au même trépied, en dehors des terres d’islam.

Mais surtout nos néomutazilites semblent esquiver la seule option possible pour que « les intellectuels, les libres-penseurs, les philosophes » soient moins marginalisés. Celle qui consiste à s'attaquer de front au pilier central du trépied islamique, le clergé, mais aussi aux fondements même du dogme dont ce clergé est le gardien, le Coran et son prophète. En gros, en éclipsant l’islam et en refondant une spiritualité arabe.

« Comment faire ? » Je les laisse chercher et leur donne rendez-vous lors de la prochaine éclipse lunaire, le 7 juillet 2009, si d'ici-là ils n'ont rien trouvé. Car franchement, ces histoires d'islam des lumières ne sont qu'un mirage dans un bac à sable. Pas de quoi éblouir un bédouin. L'islam s'observant uniquement de nuit, là où seule la Lune éclaire.

SILimalikoum

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