vendredi 13 novembre 2009

L’instinct parental, gène dominant ou bien recessif ?


Parfois, ici ou là, vous entendrez parler de gènes dominants et de gènes récessifs. Que les marxistes se calment tout de suite. Il s’agit de génétique et non de la théorie de la lutte des classes appliquée au niveau allélique. Comment vous expliquer tout ça.

En fait certains gènes (à vrai dire allèles mais on ne va pas tout compliquer) ont le pouvoir d'intimer aux autres l’ordre de ne pas se manifester. On parle alors de gènes dominants pour ceux qui s'expriment et de gènes récessifs pour ceux qui se taisent. Au niveau des traits physiques, les gènes dominants sont ceux qui codent les couleurs les plus sombres et les traits les plus typés. Ils font taire les gènes qui codent les couleurs claires et les traits neutres. Par exemple entre un père brun au nez busqué et à une mère blonde au nez droit, on peut parier, sans trop de risques de se tromper, que leur enfant ressemblera plutôt à son père. Cependant, la nature aimant tout autant les surprises que la diversité, rien n'est joué à 100% ! Ce que confirme la sagesse populaire avec son fameux « les tares, ça saute parfois une génération ».

Du coup je me demande s’il n’en va pas de même de l’instinct maternel, paternel ou tout simplement parental (je vous expliquerai pourquoi « parental »). Notamment quand j’observe chez le quidam des comportements très récessifs. Laisser son gosse rôtir dans une voiture garée en plein soleil, par exemple. Ou dans un genre moins dramatique, laisser brailler son bébé dans un voiture pendant que l’on danse en boite de nuit, et surtout avoir pour argument ce qui suit. « J’avais l’intention de venir voir régulièrement si tout allait bien, mais comme le vigile m’a dit que toute sortie était définitive, j’ai préféré rester danser avec mes copines. C’est la faute du vigile ». Logique !

Mais pas seulement car à voir certaines intellectuelles ferrailler contre l’instinct maternel, je me demande si ce qu’elles considèrent comme une tare n’a pas sauté une ou deux générations chez celles-ci. N’est-ce pas ma chère et tendre Elisabeth Badinter. J’ai beau vous aimez comme un fou, des fois j’avoue ne pas vous comprendre. Enfin si, mais je commencerai par jouer le contrariant.

Malgré tous les progrès accomplis par notre pensée, c’est dingue comment pas mal de nos esprits n’arrivent toujours pas à connecter entre elles, deux évidences indissociables, le fait biologique et le fait culturel, n’arrivent toujours pas à assimiler ce théorème d’Einstein. « L’humain, c’est 100% inné, 100% acquis, 100% hasard ».

Il va falloir se muscler le corps calleux, mes petits cocos. Allez ! On respire ! Et une flexion ! Et re-flexion ! Vous m’en faites 100 comme ça !

En effet, à l’évidence, pour certains, nous serions des êtres éthérés, des papillons de lumière, faits de mots, voire de verbeux. Que le Verbe soit et l’homme fut, à son image. Pour d’autres c’est tout l’inverse. Nous ne serions qu’un amas de chair soumis aux lois de la matière et rien de plus.

Deux concepts qui, pour recouvrir dans le premier cas l’aire d’influence latine ou catholique et pour l’autre celle plus anglo-saxonne ou protestante, me font penser que tout ce petit monde reste englué jusqu’à l’hypothalamus dans le substrat chrétien. Les anglo-saxons voyant de la prédestination protestante partout, ce qui expliquerait en partie leur goût pour le déterminisme génétique. Les latins s’attachant plutôt aux actes ou mieux encore, à ce qui est devenu une spécialité culturelle, celle des bonnes paroles. De quoi expliquer le succès chez nous de la religion freudienne, celle-ci n’ayant fait que remettre au goût du jour le « dis seulement une parole et je serai guéri » cher aux catholiques.

Or s’agissant d’instinct maternel, le dogme de la religion freudienne est catégorique. « L’instinct maternel n’est pas inné ! Il s’agirait plutôt d’une tendance à reproduire ce qui a été donné dans l’enfance. Une femme qui a vécu avec une mère froide aura tendance à reproduire ce même schéma. » Un credo que partage mon Elisabeth Badinter quand elle récuse l’instinct maternel. Un prêchi-prêcha que je réfute à mon tour. Pour l’évidente raison que les rondeurs charnelles dont nous sommes faits sont aussi palpables que le sont devenues les rondeurs de la Terre depuis Galilée.

« Mais alors c’est quoi l’instinct maternel, gros malin ? » me demanderez-vous.

Côté instinct maternel, il va m’être difficile de vous en parler pour des raisons tout aussi charnues, situées notamment du côté de l’entrecuisse. Cependant s’agissant de l’instinct paternel, je vais pouvoir vous en dire deux mots.

Ben déjà, il ne s’agit pas d’un savoir génétique qui se réveillerait à l’instant où on vous dépose votre premier enfant dans les bras. Certes on sent bien s’exprimer deux trois intuitions que l’on écoute plus ou moins, mais on ne peut pas vraiment parler de savoir génétique. Avec un bébé dans les bras, on se sent tout aussi perdu que lui et je peux vous jurer que tous les conseils du monde sont alors les bienvenus. On se met même à rêver de ce jour où l’on pourra, comme dans le film « Matrix », se télécharger dans la cervelle tous les manuels de puériculture disponibles sur Terre.

Toutefois s’il ne s’agit pas d’un savoir génétique, je peux vous assurer que lorsque vous vous rendez compte que vous faites des trucs que vous ne feriez jamais en temps normal, vous vous dites que quelque chose s’est visiblement réveillé en vous. Ah que oui !

Comme d’accepter dans une joie tout indicible de ne quasiment pas dormir, alors que jusque-là vous pensiez tenir du loir ou de la marmotte plutôt que du lapin aux quatre heures de sommeil par jour. D’être réveillé par les gazouillis de votre nourrisson. Grands dieux que c’est bon. C’est rassurant. « Il va bien ». Que c’est doux de se rendormir à son écoute.

Dans un autre genre, prendre du plaisir à accrocher le linge de votre bébé ou tenir à passer l’aspirateur toutes les semaines pour pas qu’il évolue dans les poils que perdent abondamment vos pelotes de laines félines, sont des sensations assez insolites. D’autant plus que jusqu’à l’arrivée de vos enfants, en bon mâle, vous fuyiez les taches ménagères comme un chat peut fuir un aspirateur.

Et ce ne sont là que quelques exemples. J’en ai des dizaines qui illustrent à merveille ce basculement dans l’inhabituel comportemental. Or si ce n’est pas de l’inné, ce n’est sûrement pas de l’acquis. Personne ne m’a jamais transmis ces attitudes étranges.

Un inhabituel que l’on observe également chez les femmes et qui caractérise sans doute ce fameux instinct maternel. Faits généraux qui me font parler d’instinct parental plutôt qu’uniquement « maternel ».

Pour revenir aux aspects récessifs de nos caractères innés, si je voulais me montrer taquin, je pourrais conclure qu’après tout, peut-être que ces caractères se sont tus chez Elisabeth Badinter, ses gènes dominants faisant hurler le blabla freudien. Je ne le ferai cependant pas car je comprends parfaitement bien pourquoi elle s’arqueboute sur son dogme. Un dogme à contextualiser.

Jusqu’aux mouvements féministes, la phallocratie, aussi bien innée que transmise par l’idéologie patriarcale d’inspiration judéo-chrétienne, s’est lourdement appuyée sur l’instinct maternel pour cantonner la femme à la domesticité procréatrice. Une insistance sur l’inné qui relève de l’acquis, puisque tenant du fait culturel. Preuve encore une fois que les deux notions s’imbriquent.

Or c’est grâce à des intellectuelles comme Elisabeth Badinter que les femmes ont pu s’arracher à cette définition disons-le « domestiquée » de la femme. C’est grâce pour partie à la réfutation de cet instinct, que les femmes se sont senties libres de désirer la parentalité ou pas, le domicile ou le professionnel et bien d’autre choses.

« Alors pourquoi contrarier cette démarche ? » Parce qu’il se trouve juste que l’on ne construit rien de durable sur un mensonge.

D’autant plus quand on ne comprend pas que le problème n’est pas l’inné mais parfois la construction culturelle que l’on bâtit dessus. Si nous sommes également des êtres de culture c’est parce que la culture a pour fonction de réguler ou d’accentuer l’inné. Or jusqu’à présent, ni le système culturel patriarcal, ni le système culturel matriarcal n’ont régulé cet inné parental de façon assez harmonieuse à mon goût. Vous ne voyez pas où je veux en venir. C’est normal. J’y viens.

Je rappelle en effet à mon Elisabeth Badinter que le cadre culturel donné à l’instinct maternel n’a pas toujours été patriarcal ou phallocrate. Avant que le patriarcat indo-européen, accentué par le christianisme, ne règne, nos déesses étaient des mères. Des bonnes mères aux rondeurs bien soulignées. Les détentrices du pouvoir divin de vie, et sans doute aussi de mort, étaient les femmes. Elles étaient sans doute non seulement les déesses du foyer mais aussi les prêtresses de la cité. La maternité devait être source de pouvoir et non d’asservissement.

En ce sens, je parierai même que les époux, surveillés par les frangins de sa femelle, devaient se retrouver dépouillés de toute autorité domestique. Devaient se retrouver plus généralement cantonnés à des activités de bras armés de la Vulve. La guerre et la chasse bien loin du feu sacré. Des jouets entre les mains de la déesse de la vie. Des jouets, des outils. Peut-être une explication au retour de bâton, lorsqu’ils ont plus ou moins compris tout cela.

La place de la femme était-elle plus enviable ? Je ne sais pas. Peut-être que l’instinct maternel divinisé était plus facile à vivre que lorsqu’il est devenu domestiqué.

Et celle de l’homme ? Entre l’absence d’autorité en son foyer et un autoritarisme ne permettant pas plus l’expression de son instinct parental, je ne vois pas lequel est préférable.

Non, décidemment, j’aime bien l’idée de pouvoir donner libre cours à mon instinct parental, de laisser mon inné s’exprimer, de pouvoir dorloter la vie au creux de mes bras, à ma mâle façon sans doute, à ma façon quand même. J’aime bien l’idée d’un contexte culturel où la femme ne se résume pas à un ventre et l’homme à une trique, où chacun peut chercher sa place au mieux de ses dispositions naturelles. J’aime bien l’idée aussi d’un cadre culturel harmonieux, où l’on ne culpabilise pas les individus qui ne désirent pas devenir parents et où l’on ne rend pas coupable non plus ceux qui considèrent le fait d’être parent comme la plus belle chose au monde.

Et oui, nous sommes des êtres de chair, aux dispositions naturelles générales comme particulières, mais aussi des êtres de culture aussi bien familiale que sociétale. Avec de l’inné on peut faire de bon comme du mal acquis. Avec du mal acquis on peut pervertir de l’inné pas trop mauvais. Personnellement, je préfère que l’acquis laisse s’exprimer ce qu’il y a de meilleur dans l’inné et fasse taire le pire. Donnant ainsi aux mèmes (fait culturel comme entité « vivante ») un rôle dominant-recessif équivalent à celui des gènes.

Pour conclure je ferai dans le pontifiant. Car j’ai quand même envie de dire que ce n’est pas en niant nos déterminismes que l’on avance. Mais plutôt en les examinant puis en essayant de les corriger ou de les faire fleurir grâce à la loi et la culture.

Notre Moi est un marin qui navigue comme il peut entre nos antagonismes. Il n’avance sûrement pas en faisant fi du vent et de la mer. Il les prend en compte. Il se sert même des étoiles. Il lui arrive aussi parfois qu’à force d’observations et d’essais, il réussisse à se fabriquer une voile qui lui permet de naviguer contre le vent.

Voilà ma chère Elisabeth. Nom d’une Venus de Lespuge, ce que je peux vous aimer…

Venus de lausSIL

2 commentaires:

Anonyme a dit…

En fait j'ai lu que le début et je voulais rectifier quelques choses.Un allèle est la partie du chromosome et le gène est plutôt le résultat visible de l'allèle. De plus le gène récessif ne se tait pas. Il s'exprime lui aussi, mais pas assez pour masquer l'autre. Un gène dominant produit une quantité de protéine suffisante pour cammoufler l'expression du gène récessif. De plus, le vert pour les yeux est aussi un gène dominant alors cela n'a rien a voir avec la couleur la plus foncée et les traits les plus typés. Un gène dominant est celui qui produit assez de protéine pour masquer l'autre en fait.

SIL a dit…

Merci pour toutes ces précisions dans un domaine qui est loin d’être ma spécialité, et que je traitais ici de façon vulgaire ;-)