vendredi 8 avril 2011

Débat UMP : La laïcité à la croisée (oups) des chemins


Ayant pour habitude de ne rien vous cacher, apprenez que j’ai dû coucher pour obtenir mes entrées à l’hôtel Pullman, lieu où s’est tenu ce mardi 5 avril, le débat ou plutôt la conférence UMP sur la laïcité. Le fait de coucher avant même d’arriver à l’hôtel méritait d’être relaté, non ? De coucher mais aussi de jouer des coudes pour accéder au saint des saints, vu que les organisateurs ont fait preuve d’un laisser-aller bien plus libertaire que conservateur. Si je dis ça, c’est pour la bonne raison que j’ai été à deux doigts de me retrouver à quatre pates en train de faire du bouche à bouche à une militante UMP particulièrement avancée en âge qui faillit se trouver mal dans toute cette cohue. Tout de même, un parti de gouvernement se doit de penser à ce genre de détails, enfin !

Mais venons-en à cette conférence, forte de contributions particulièrement remarquables et de trois enseignements.

Au préalable vous voudrez bien m’excuser si les transcriptions qui suivent ne sont pas totalement fidèles aux propos d’origine. Anne Levade (ci-dessous), une juriste aussi ravissante que troublante, présente sur l’estrade, a quelque peu distrait mon attention.

Parmi les contributions, signalons tout d’abord celle d’un Magic Copé en très grande forme qui, au-delà des petites claques appliquées sur la nuque d’une gauche et d’un FN « qui posent les problèmes sans apporter de solutions », nous gratifia d’une métaphore politique fort romanesque. « Les valeurs de la république sont à l’image des trois mousquetaires. Il y a Liberté, Egalité et Fraternité. Et puis il y a Laïcité, le quatrième mousquetaire, qui à l’instar de d’Artagnan vient au secours de ses camarades lorsque ceux-ci sont en danger ». Pas mal non ? Il ira loin ce petit, c’est moi qui vous le dis.

Signalons également les interventions du grand rabbin de France, Gilles Bernheim, présentant la laïcité comme "un art du vivre ensemble" et de l’intégration dans la société ; celle d’un curé aux accents tout jésuitiques, Mathieu Rougé, venu nous expliquer que l’Etat doit savoir être à sa place sans se prendre pour « l’instance suprême » ; celle du très laïcard député Jacques Myard qui tint à rappeler que « c’est aux religions de se plier aux règles de la laïcité et non à la république de se plier aux règles religieuses » ; et celle d’un représentant du culte Sikh qui signala que sa communauté parvenait à financer seule la construction de ses lieux de cultes.

N’oublions pas la très remarquée intervention de Xavier Lemoine, maire de Montfermeil, venu rappeler que des populations entières étaient prises en otages par un système idéologique et religieux ; ou encore les interventions de Farid Hannache, co-auteur avec Hassan Chalghoumi, ancien imam de Drancy, de l’ouvrage « Pour l'Islam de France ». Ce dernier, non content de tailler des barbes en pointe du côté de l’UOIF, du CFCM et de la grande mosquée de Paris, mais aussi des croupières à Riposte Laïque qualifiée de mouvement hostile aux musulmans, prôna le refus de tout abandon de souveraineté nationale sur l’Islam de France, arguant du fait que "tout comme il y a un Islam turc, iranien, ou tunisien, il faut absolument qu’il y ait un Islam adapté au contexte français".

Concluons sur la non moins remarquable absence de dignitaires musulmans et venons-en aux trois enseignements que j’ai retirés de cette journée :

1) La droite et Jean-François Copé en tête ne sont tombés dans aucun des travers attendus. En responsables politiques, ils se sont saisis d’une question aussi délicate que primordiale ; n’ont pas versé dans la stigmatisation, appelant plutôt au rassemblement, militant pour une laïcité du dialogue, du droit, et du « vivre ensemble », s’opposant à une laïcité de « combat » ; et ont recherché des réponses pratiques à un ensemble de problèmes, tout en restant dans le cadre juridique national et européen, évitant ainsi l’écueil des conflits de droits.

Un bémol cependant. Ce « vivre ensemble » se ferait sous l’égide de « la pédagogie ». Apparemment d’aucuns voudraient faire « reculer l’ignorance » en nous offrant, ainsi qu’à nos enfants, des cours de catéchisme officiel, où on nous expliquerait via « l’enseignement du fait religieux » ce que serait le véritable islam ou toute autre religion. Il va de soi, que toute tentation de ce genre, visant à nous prendre pour des gosses, voire même pour des cons, est vouée à l’échec. Encore une fois, s’ils tiennent tant que ça à faire de la « pédagogie » qu’ils commencent par convertir à la tolérance tous les fanatiques.

2) La gauche, porteuse en principe des valeurs émancipatrices telles que la laïcité a encore une fois démontré qu’elle est complètement aux fraises, soit par l’abandon ou carrément par la trahison de ces valeurs indispensables au bon fonctionnement de notre république, soit par la diabolisation de ceux qui s’en saisissent. A quand un réveil aussi indispensable que salutaire ?

3) Les intellectuels, vont devoir faire leur travail. Les responsables politiques en indiquant qu’ils comptent s’en tenir, avec prudence et raison, à leur rôle juridique et politique, laissent ainsi le terrain de la polémique religieuse, de la confrontation idéologique à ceux dont c’est le rôle, les intellectuels, les polémistes et autres. Ils ont bien raison. C’est à eux, c’est à nous, de critiquer l’islam, de vilipender les islamistes, de porter, à l’instar des philosophes passés, ce combat des lumières, afin de permettre aux musulmans de faire comme les chrétiens d’antan, s’émanciper des prétentions politiques de la religion islamique. Ce qui nous permettra par la même occasion de voir où se trouvera le courage intellectuel. Chez les bavasseurs qui se contentent de commenter les actions de nos politiques. Ou chez ceux qui s’attaquent aux ennemis, anciens et nouveaux, de la démocratie et de l’esprit des Lumières.

Sur ce, je m’en vais me coucher. Avoir approché d’aussi près les cénacles du pouvoir m’a provoqué un surcroit de testostérone, ce qui ne manquera pas de me maintenir actif, une bonne partie de la nuit. Chérie, attention, me voici…

SILaïcard

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