mercredi 14 juillet 2010

Viva la RévoluXion sexual-democrata : la partouze républicaine géante, une manifestation qui fait pschitt ou presque (Ce n’est que partie-fine remise)


Il est beau le pays de Don Juan, du marquis de Sade, du french kiss et des french lovers, c’est moi qui vous le dis. « Impossible n’est pas Français », parait-il. Que de la gueule, oui ! Ah ça, pour se démonter la trogne à coup de gnole, il y a du monde qui se bouscule dans les apéros géants. Mais pour un bon gros câlin, quasiment personne qui se déplacerait. Pendant un instant, j’ai vraiment cru que j’allais me retrouver tout seul pour cette première grande manifestation sexual-démocrate. Merci pour ce grand moment de solitude.

Je n’avais certes pas choisi la facilité. Et l’on peut même dire que tout allait contre ma brillante initiative. Tout d’abord notre président vénéré qui avait décidé d’installer sa tribune officielle au pied de l’obélisque de la place de la Concorde, notre point de rendez-vous. Copieur ! Ensuite, les éléments. Particulièrement contrariants que ces éléments. Un vrai déluge. De quoi doucher tout désir, y compris le plus brûlant. Cela dit, il suffisait de faire preuve de patience. L’amour n’est-il pas patient comme l’enseigne la Bible ? Une option que je semblais être le seul à prendre puisque vers 13 heures, pas l’ombre d’un partisan de la révolution sexual-démocrate ne m’avait rejoint aux abords de l’obélisque. Les sexuels-démocrates français sont d’un frileux, je vous jure.

Cependant, ne craignant ni le ridicule, ni la mise à l’épreuve de la foi inébranlable que je nourris envers l’être humain, je décidais d’attendre, là, sous une pluie battante, qu’un miracle se produise. Miracle qui finit par se produire. Et oui, gens de peu de foi, il se produisit bel et bien ce miracle.

Vers 15 heures, accompagnant une éclaircie, une limousine d’une blancheur immaculée s’arrête à ma hauteur. Un couple à l’allure angélique descend de celle-ci puis accomplit le geste délicat que vous pouvez voir sur la photo, référence évidente au tableau d'Eugène Delacroix où la Liberté, sein nu, guide le peuple. Le signal révolutionnaire sexual-démocrate, et l’invitation à m’engouffrer dans le carrosse, ne peut pas être plus explicite.

Je trouve à l’intérieur de la limousine, des gens à l’évidence aussi délicats que de qualité. Pour preuve, les présentations comme les échanges préliminaires sont des plus agréables. François, qui se présente comme le secrétaire général de cette cellule révoluXionnaire sexual-démocrate, m’annonce qu’un partisan particulièrement fortuné s’est proposé, au vu des conditions climatiques, d’accueillir l’événement dans le somptueux jardin exotique qu’il entretient à l’intérieur des monumentales serres attenantes à son manoir situé à une heure de Paris. Notre bon secrétaire général, visiblement de gauche, tient à préciser que malgré le décorum ancien régime, tout a été fait pour que l’aspect républicain de la manifestation soit préservé. Pour cela des invitations ont été adressées aux diverses cellules sexual-démocrates sans distinction de lieu et donc de catégorie sociale. Quant à moi, en guise d’invitation, me fut réservée cette sympathique surprise.

Ces doux propos se trouvent confirmés dès mon arrivée dans cette très belle propriété castrale. La centaine de partisans de la révoluXion bonobo, qui un peu plus loin discutent chaleureusement autour d’un apetissant buffet, semblent bien d’origines aussi diverses que variées. Tout cela reste donc on ne peut plus républicain. Me voilà soulagé, du moins d’un point de vue politique.

Je m’approche de cette assemblée en suivant mes compagnons de route. L’aboyeur m’annonce alors, me laissant tout surpris. Les partisans se tournent vers moi, tout sourires, puis applaudissent. Me voilà intimidé. Ils viennent vers moi en même temps que je vais vers eux. C’est beau. Ils me saluent, m’embrassent, me touchent. J’aime ça. Les regards sont emplis d’excitation mais aussi et surtout d’émotion. De cette émotion propre aux pionniers impatients de poser le pied et surtout les mains sur un nouveau monde à découvrir, à caresser, à chérir. Car oui, ce qui s’annonce est nouveau. Même si tout cela n’est pas encore très clair dans leur esprit, ils savent qu’il ne s’agit en rien d’une vulgaire expérience libertine de plus. Non, il s’agit de quelque chose de beaucoup plus grand, d’infiniment plus beau, de véritablement révolutionnaire. Ils commencent d’ailleurs à me presser de questions. D’autres réclament un discours. Très justement, les partisans de la république des sens réclament du sens. Ils ont raison. Le moment est venu. Venons-y.

L’hôte de ces lieux, avec qui je m’entretiens, m’informe qu’il a prévu à cet effet une petite estrade en forme de coquille Saint-Jacques renversée, à l’image de celle que l’on voit sur la représentation d’Aphrodite sortant des eaux par Botticelli. C’est un peu kitch mais bon. Je grimpe sur la conque d’Aphrodite. Ça m’excite. Je frémis légèrement des testicules, comme tout homme qui s’apprête à prononcer un discours important, et me lance enfin, maître de moi, même si je sens poindre une légère turgescence.

« Mes amis, très chères amies. Oui point de retenue. Faisons comme le ciel d’aujourd’hui. Lâchons-nous ! Donc, chers amis, compagnons, partenaires. Vous ici, moi là, pourquoi ? C’est simple.

Sauf à réduire l’humain à ses moments d’égarement, il est clair que l’humain est beau, que l’humain est bon, que l’humain est foncièrement aimable. C’est une évidence. Par conséquent l’humain mérite de tout recevoir, surtout le meilleur, ne serait-ce que parce que l’humain est fait pour le don, le don de soi, le don de ce qu’il possède, le don et le contre-don. Donner, recevoir, toutes choses qui expliquent pourquoi le bonheur de l’être humain est bien plus lié à la qualité de ses échanges qu’au simple fait de posséder. C’est ainsi que face à cette certitude se pose un problème qu’il convient enfin de résoudre.

Alors que tout ou presque se redistribue, que dire à ceux qui sont frappés par la misère affective, par l’indigence des sens, par un assèchement progressif ou forcé de toute sensibilité à l’autre ? Les inviter à s’y habituer ? À l’inverse, que faire lorsque la nature nous a généreusement doté en capacités affectives, en inclinations émotionnelles et appétences sensuelles ? Tout garder pour soi, des moitiés de soi, ou ces autres avec qui tout commerce ne viserait qu’une satisfaction égoïste ?

Non ! Pour citer l’inattendu, rappelez-vous de cette sentence biblique qui demande « qu’as-tu fait de ce que tu as reçu ? ».

Oui ! Il nous faut donner. Il nous faut échanger, faire circuler tous ces remèdes à l’assèchement ou à la douleur, que son l’affection, l’amour, le plaisir partagé ; faire circuler ce fluide fécond qui découle de l’interpénétration des êtres.

Se pose toutefois, une autre question, fondamentale, elle aussi. Celle du respect du libre arbitre. Cet échange doit être volontaire, faute de quoi nous passerions d’une société du cloisonnement à celle du viol, l’autre extrême à combattre. L’individu doit être prêt à donner et à recevoir. Le sujet ne doit jamais devenir un objet. Aussi l’ouverture se doit d’être une démarche consciente. Et en ça, le communisme-sexuel ne doit pas devenir plus tolérable que l’égoïsme-sexuel. D’où le concept médian de sexual-démocratie.

Ces principes et ces limites posées, passons à l’action, aujourd’hui, dès la fin de ce discours, mais aussi demain, à travers une proposition concrète en faveur de laquelle je vous invite à militer.

Demandons aux autorités d’accorder le droit à tous les citoyens qui souhaiteraient s’insérer dans le projet sexual-démocrate, de s’inscrire dans un fichier géré par les services de la Sécurité Sociale. Services dont les ordinateurs mettront en relation deux fois par mois, par tirage au sort de numéros d’affiliés, des paires de citoyens afin qu’ils partagent un moment privilégié d’échange et d’ouverture à l’autre. Parallèlement, il sera possible aux adhérents de signifier à ce service de la Sécurité Sociale des options d’ordre homosexuelles ou bisexuelles, afin que le tirage au sort soit adapté en conséquence. Bien évidemment, on admettra que l’échange ne soit pas toujours total, pour des raisons d’absence absolue d’attrait. Néanmoins, compte tenu de la démarche d’ouverture à l’autre, il conviendra lorsque le cas se produira que ce moment se fasse tout de même le plus agréable possible.

Pour terminer et pour des raisons que vous comprendrez, je n’inscrirai pas cette démarche dans le cadre républicain de la fraternité et ne vous appellerai pas par conséquent mes frères ou mes sœurs, le tabou de l’inceste étant une avancée civilisatrice non négligeable, mais plutôt dans celui de la libre association, du partenariat ou du compagnonnage. Aussi, chers amis, très chers partenaires, compagnes, compagnons, me voici tenté de conclure par un vive la république bonobo mais aussi la Liberté, l’Egalité, et le Partenariat.
»

Ouf, voilà la partie verbeuse terminée, me dis-je lors du point final. La fin de mon discours est accueillie par des jets de vestes, de cravates et de chemises. Deux, trois soutiens-gorge traversent également les airs. François, dont j’apprendrais plus tard qu’on le surnomme « la souche », se dirige vers moi. Il me félicite à moitié amusé. « Bravo pour le discours ! Bravo pour le concept ! »

Je le remercie en répondant tout aussi amusé que je me suis limité à l’essentiel. À titre d’exemple, je n’ai pas abordé la notion bonobo d’apaisement des tensions sociales par le biais de micro-partouzes au sein des entreprises ou plus massives au sein de collectivités territoriales en crise. « Ce sera pour une autre fois », me dit-il en rigolant avant de me lancer un « place à la garden-partie-fine », le tout accompagné d’une tape sur l’épaule.

La suite peut se résumer à ce qui était prévu au programme. Un bel et grand moment d’échange et de partage, où des liens plus ou moins profonds, plus ou moins durables, furent tissés. Je suis pour ma part pas peu fier d’avoir tout, absolument tout, donné. J’ai bien évidemment beaucoup reçu, les mercis faisant particulièrement chaud au cœur.

En partant, notre très agréable hôte, psychanalyste de son état, me demande quel déclic a mis fin à la période de latence idéologique qui transparaissait dans mes écrits, en somme ce qui m’a finalement fait sauter le pas et tout le reste. Vous le saurez demain…

SIL Invictus

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