samedi 19 janvier 2008

CHAPITRE 1 LE RAPT (2/2)


Ce qu’ignorent la forêt en colère et Constitutionnix, c’est que BadBercix revient tout juste de sa retraite méditative de mi-semaine, dirigée télépathiquement par son maître Dark Spéculator. Retraite au cours de laquelle son maître lui a enseigné de tout nouveaux sorts. Il brise donc la parade de Constitutionnix par un suraiguë « Décentralisation ! Synarchie !»

Constitutionnix, surpris, les tympans en sang, laisse choir son sceau magique, brisé en mille morceaux, puis sans avoir le temps de reprendre ses esprit, encaisse, avec les autres sages, une série d’attaques jusqu’au coup fatal. BadBercix prenant le temps d’engager ses cibles venait de lancer une salve de sorts inédits à tête chercheuse : « Via recta est, mais la pente est raide ! » ; « Bonne gouvernance ! » ; « L’avenir est une suite de quotidiens ! »… « Etat de Droite ! ».

Tous les grands sages tombent les uns après les autres dans un profond sommeil. Une fois cela fait, BadBercix lance un signal indiquant que c’est au tour des hélicoraptors d’entrer en action. Il s’agit d’une espèce de dragons, mi-bêtes, mi-machines, créée de toute pièces dans les laboratoires secrets du complexe militaro-industriel de Dark Spéculator. Des hélicoraptors qui s’étaient illustrés quelques années auparavant par la capture d’un procureur sur les contreforts de l’Himalaya. Procureur qui fut prié de lancer des sorts de classement sur un dossier qui engluait un ami de Démagogix.

Cette fois-ci, montés par d’autres Nazekools, ces hélicoraptors se chargent de transporter nos sages vers les geôles de leur lieu de captivité. Les geôles d’une prison horriblement connue sous un nom que seuls les initiés peuvent prononcer. Craignez son nom mes amis ou, si votre esprit est trop fragile, ne lisez pas ce qui suit. Elle se nomme, « les oubliettes de Communicatium ».

Mais ce n’était pas là assez. D’autres hélicoraptors se mettent à hisser le Pommier de sagesse après que les Nazekools au sol ont pris le soin de déraciner l’arbre sacré qui hurle à la mort telle la Mandragore. Un cadeau pour Démagogix qui souhaite se repaître à l’envie de ses fruits. « Notre maître sera grandement satisfait » se félicite BadBercix.

Le temps passa. On reconnu l’hiver aux mois Du Bilan Comptable sous le patronage de Saint Pacioli et celui du Carnaval. Puis arriva le mois des Pâques.

Après tout ce temps sans nouvelles, les amis de Constitutionnix s’inquiétèrent au-delà du supportable, moi y compris. « Qu’est-ce que je fous-là ? » à vrai dire, je ne saurai vous le cacher plus longtemps. Outre l’excellent narrateur de cette épique aventure, je fais également partie de cette bande de héros. Mais pour tout vous dire nous avons rencontré un problème. Un problème difficile à résoudre. Chacun d’entre nous, dans le cadre d’une démarche participative, tenait à raconter l’aventure à sa façon, à tour de rôle, un peu comme dans le nouveau testament. Face aux risques qu’encouraient la crédibilité et la cohérence de ce magnifique récit, l’un de nos conciliants amis, doué pour la synthèse, nous fit accepter l’idée que l’un d’entre nous serait l’unique narrateur à condition qu’il se fasse discret dans le récit. Aussi je me ferai discret. Promis juré !

Aussi donc, l’attente se faisant insupportable, Syndicaline et Didactix, nos héros, se mettent à demander partout si quelqu’un a des nouvelles de Constitutionnix. Or personne n’en a, pas même Démocratix le chef. Staracademix a bien une idée, mais elle s’avérera stupide comme d’habitude. Didactix poursuit les recherches sur Internet. Ce faisant, il tombe sur l’intéressant site « arrêt des mirages », créé par Médiatix et ses amis, écartés du panel officiel pour un professionnalisme désormais déviant. Site qui parle de la mystérieuse disparition des Grands-Druides du Pays, sans toutefois donner plus de détails si ce n’est une vague mention sur « les oubliettes de Communicatium ». L’inquiétude ne fait qu’augmenter.

Didactix se met alors à consulter méticuleusement toute la presse en quête de la moindre brève qui les mettrait sur une piste. Toujours rien. Jusqu’à ce qu’un banal article, sur la menace de grippe aviaire qui pèserait sur les pigeons urbains, fasse que Didactix se souvienne enfin de celui qui sait tout. Le Vieux Pigeon de la Sorbonne, l’un des neuf plus vieux animaux de Belle France, qu’il avait connu lors de ses études. Un Vieux Pigeon qui avait élu domicile dans la cour de la Sorbonne. Lui qui avait lu tous les livres de La Sorbonne avait pour habitude d’aider les étudiants à réviser, contre des boulettes de falafel, qu’il adorait tant.

Après en avoir parlé avec Syndicaline, nos deux compères décident de partir pour Lutetia, non pas sur le champ mais plutôt vendredi soir. Dans deux jours. « Pourquoi pas sur le champ » ? Vous êtes marrants-vous. Il se trouve tout simplement que nos héros travaillent comme tout le monde pendant la semaine et ne peuvent pas se permettre d’abandonner ainsi leur poste pour courir l’aventure et ce même s’il s’agit d’une opération de sauvetage. Je vous pardonne va ! Il est vrai que bien des récits d’aventures nous ont habitué à ce genre d’incohérences.

Le Vieux Pigeon de la Sorbonne est toujours bien là. Toutefois, ils ne le reconnaissent pas immédiatement. Aucun pigeon ne sort vraiment du lot. Tous ces petits ovipares sont loqueteux, sentent fortement le gasoil et ont l’œil malade. Didactix finit par en remarquer un, au milieu de la cour qui traîne sa misère entre les étudiants avec ce qui semble être un vieux morceau de falafel dans le bec. On croirait qu’il attend le coup de pied ou l’écrasement libérateur.

Didactix qui a sur lui des boulettes de falafel toutes fraîches, en fait rouler une vers ce vieux pigeon. Alors que les autres pigeons restent indifférents à ce geste, ce vieux-ci a soudain les yeux qui se mettent à briller. Tournant la tête vers Didactix, il le reconnaît de suite. Fou de joie, il secoue ses plumes et se rend magnifiquement présentable. Nos deux amis assistent à la transfiguration du vieux pigeon. Après la transfiguration et les présentations d’usage vient le temps des questions. Didactix demande tout d’abord à quoi est due cette tristesse qu’il remarqua tout à l’heure dans son regard.

Le Vieux Pigeon, un peu gêné, dodelinant la tête d’en arrière vers l’avant, lui explique que plus aucun étudiant ne veut s’instruire avec lui. Son savoir n’intéresse plus personne. « Regarde cette cour, mon fidèle Didactix, regarde et vois comment la pensée se déprécie, comment les sciences Biactol polluent tout. Cette cour de Savoir ne tardera pas à devenir un Skate-Park. Or je refuse de voir ça. Pas chez moi ! »

Didactix comprend parfaitement ce que veut dire son vieux maître. Après cela, il lui explique le pourquoi de sa venue. Le Vieux Pigeon plonge son bec dans ses plumes du cou pour marquer sa perplexité.
« Je comprends mieux pourquoi j’ai fait récemment ce rêve étrange. Des corneilles se levaient en grand nombre depuis la forêt de Meudon. Ces bêtes qui naissent pour les charniers, se multipliaient et dévastaient les nids des moineaux et des mésanges. Un mauvais présage.»
« S’agissant de votre Druide, je suis ici depuis que le premier écrit est entré dans ce bâtiment et j’ai beau les avoir tous lus, je n’ai jamais lu quoi que ce soit sur les oubliettes de la Communicatium. Toutefois je connais un animal qui est arrivé à Lutetia avant moi et qui pourra peut-être vous aider.
»

Le Vieux Pigeon de la Sorbonne les conduit chez Le Vieux Caniche du riche bourg de Passy. Vieux Caniche de Passy qu’ils reconnaissent par contre, tout de suite, dés son arrivée dans le hall d'entrée du bel immeuble haussmannien où il demeure. Fier, après avoir uriné nonchalamment contre la porte de la gardienne de l’immeuble, un magnifique Caniche Royal se dirige vers Le Vieux Pigeon.

Après les présentations et autres bavardages protocolaires, maître Pigeon flatte le Vieux Caniche d’un « ça m’a l’air d’aller plutôt bien pour toi, vieux compère ». « Plutôt en effet. Que veux-tu, les affaires se portent bien. Que dis-tu d’ailleurs de mon nouveau gilet Burberius ». « Assez seyant, en effet», lui répond notre Vieux Pigeon avant de lui demander s’il n’a pas entendu parler du rapt des Grands-Druides et des « oubliettes de la Communicatium ».

« Je suis ici depuis l’arrivée du premier bourgeois et j’ai beau avoir assisté à tous les brunches, causeries et commérages, je n’ai jamais entendu parler des oubliettes de la Communicatium. Toutefois, je connais quelqu’un qui était là bien avant moi. N’ayant pas de course importante à faire, je veux bien vous y conduire. Ce n’est pas très loin d’ici. »

C’est ainsi que le Vieux Caniche les conduit chez La Puce dorée. Une Puce Dorée qui habite une superbe maison de ville dans le très riche bourg de Neuillius.
« Tiens c’est marrant, la sonnette ressemble à un bouton de démarrage », se dit Syndicaline.
En effet, dès que Le Vieux Caniche appuie dessus, ce ne sont pas des portes classiques qui s’ouvrent mais ce qui ressemble à une session. Tous nos compagnons se retrouvent après un long couloir de démarrage dans un gigantesque bureau de réception, entièrement tapissé de peaux de dalmatiens, décoré de quelques icônes et percé de fenêtres aux vitraux style « Windows PX ».

Le Vieux Caniche qui les guide se dirige vers le centre de la pièce, où nos héros distinguent progressivement une petite tache brillante. À leur grande surprise, il s’agit d’une véritable puce protégée par une carapace en or. La plus vieille puce du monde.

Après les présentations d’usage et autres bavardages protocolaires, nos amis posent leurs questions concernant le rapt des Druides. La Puce réagit en éclatant de rire et en vociférant avec sa voix de vieille puce. « Depuis que je suis née, on se moque de moi, on me piétine. Or voilà que maintenant je suis au cœur de tout, au cœur de tous les systèmes, de tous les réseaux, de tous les hardwares, de tout le savoir. Je suis supraconductrice ; je conduis tout, tous les destins de la Terre et je ne vous dirais rien. Je ne vous ouvrirais pas ma mémoire vive ! »

C’était sans compter sur le hasard, capable de retourner bien des situations et autres scénarios bien ficelés. Didactix qui a attrapé pendant le voyage, à cause de la climatisation du train, un tout nouveau rhume de type troyen, éternue sans le vouloir sur la Puce.

Celle-ci qui riait encore se met subitement à tousser et à transpirer, contaminée qu’elle est par le virus troyen de Didactix. Elle est prise de spasmes. Syndicaline a alors l’idée de reposer les questions sur le rapt de nos druides. Une très bonne idée puisque dans ses convulsions, tout en les traitant de « Pirates ! », la Puce imprime sur l’un des kleennix de Didactix, les précieuses informations recherchées par nos amis. Puis la Puce se met à hurler de plus en plus fort. De la bave de silice corrosive se met à remplir toute la pièce. Entendant dans le couloir le pas de course du féroce service d’ordre et de l’impitoyable service d’administration réseau, nos héros se sauvent en fermant sur eux l’une des fenêtres.

Une fois à l’abri, ils déchiffrent sur le kleenix de Didactix « allez vers la rue de la couronne en fuite et vous trouverez vos Druides dans les cryptes du donjon baptisé Communicatium. »

Pour ceux qui s’inquièteraient pour la Puce Dorée, rassurez-vous ! La Puce s’est auto-sauvegardé grâce à un download raëlien avant de se réinitialiser, retrouvant ainsi son orgueil d’avant l’attaque virale. Par contre si certains d’entre vous voulaient la voir, ce sera maintenant beaucoup plus difficile. Elle se protége derrière un mur de feu supranaturel.


BONNE NUIT LES PETITS ET A DEMAIN POUR LA SUITE, JUSTE UN PEU PLUS BAS

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