Certains
d’entre vous se rappelleront du titre du vieil essai d’Alain Peyrefitte,
« quand la Chine s’éveillera, le
monde tremblera » paru mon année de naissance. Pour ceux qui
n’auraient pas suivi les soubresauts du monde depuis 1973, cela fait longtemps
que la Chine s’est éveillée. Ce que je n’imaginais pas, c’était à quel point j’allais
aimer me réveiller dans ses draps, le corps traversé de doux frémissement plus
que par de rudes tremblements. Le contraste avec mon déplacement du mois
précédent, à Athènes, ayant été d’ailleurs particulièrement saisissant. Car autant je suis revenu de
Grèce passablement déprimé par la pesante léthargie collée aux basques des
Grecs que j’ai rencontré, et par le sort
collectif qui les attend s’ils ne se réveillent pas, autant en Chine, j’ai eu
l’impression d’être en permanence sous amphétamines tant la bouillonnante énergie
ressentie dans ce pays m’a inondée de toutes parts.
Quel
merveilleux séjour ! Quand j’y pense, c’est fabuleux comment la vie nous invite
parfois à la fête. Huit mois auparavant, après une reprise de contact, un vieil
ami m’annonce qu’il va épouser sa prof de Chinois, rencontrée peu après son
arrivée à Qingdao, où il avait atterri un peu sur un coup de dés du destin, mariage
auquel je suis invité. Apprenant la nouvelle, je me dis que je ne peux pas rater
ça, d’autant plus que je compte bien rencontrer la belle Chinoise qui est
parvenue à ravir le cœur de ce passionné du Japon et des Japonaises.
Donc
en ce mois de juin 2015, me voilà dans l’un des Airbus flambants neufs de la
compagnie China Eastern, direction Shanghai où je dois prendre un autre avion
pour Qingdao.
Lorsque j’ai pris mes billets, j’avais le choix entre une escale
courte dans l’aéroport international de Pudong, ou bien une escale un peu plus
longue avec changement d’aéroport, l'avion pour Qingdao se trouvant alors à
l’aéroport de Hongqiao, celui des vols intérieurs situé de l’autre côté de
l’agglomération de Shanghai. Un peu comme si vous atterrissiez à Roissy et que
le vol suivant se trouvait à Orly. Ayant trop envie de sentir Shanghai, j’optais
pour la deuxième solution. Renseignements pris, pour relier les deux aéroports,
en traversant Shanghai, j’avais le choix entre : la liaison via le métro, ce
qui ne me permettait pas de voir la ville, ou un bus reliant les deux aéroports
passant au plus près de la ville. J’opterai pour le bus, estimant qu'il fera un très bon
premier contact intime avec Shanghai et les Chinois.
Finalement,
le premier contact intime se fera dans l’avion. On a beau adorer l’Asie et
penser connaitre une population, on en est toujours assez loin. Là grâce aux
toilettes de l’avion, le contact s’est fait bien plus proche. Comment vous dire
ça, avec un tant soit peu de poésie. Ah oui ! Voilà !
Après
avoir passé les cinq premières heures de vol la tête collée contre le hublot à
contempler les côtés de la Baltique puis les plaines de la Mère Russie, des
considérations bassement corporelles me poussent à aller me soulager. Rien à
signaler lors de cette première pause technique. J’en retourne scruter les
torchères des champs pétroliers russes qui se détachent dans la nuit tombante,
et ce jusqu’à ce que le sommeil me prenne. Au réveil, nous sommes à une heure
de Shanghai. Pendant que les hôtesses pulvérisent dans l’appareil un produit
désinfectant et que des exercices de tai-chi-assis pour passagers sont diffusés
sur les écrans de l’appareil, je m’en retourne aux toilettes. Et là, stupeur et
tremblements. Je revois encore mon étonnement face à la cuvette métallique dans
un état déplorable, entre le complètement rayée et le totalement dégueulasse,
aussi innettoyable que bonne à changer. Je me demande ce qui a bien pu se
passer et me perds en conjectures pendant que je tente de ne pas aggraver la
situation avec les turbulences.
Je
suppose que ce suspens sanitaire vous est tout aussi insoutenable et que vous voulez une réponse à mon interrogation. Et bien figurez-vous qu’une fois en
Chine, je découvrirai que les latrines sont presque toutes « à la
turque », chose que je déteste, et que lorsqu’elles sont à l’occidentale,
comme dans l’avion, les Chinois grimpent sur les cuvettes pour s’accroupir
au-dessus de celles-ci. Outre l’exercice d’équilibriste d’un haut niveau, à
plus forte raison dans un avion, l’état de la cuvette s’explique par toutes les
chaussures qui sont passées dessus. En guise de solution marrante à mes
problèmes de chiottes, une fois sur le sol chinois, je découvrirai également
que je pourrai trouver des toilettes à l’occidentale dans les WC pour
handicapés. Ne rigolez pas ! Vous aussi, vous y passerez !
L’avion
posé, je prends mon sac à dos et je file. Il est 7 heures, mon prochain vol est
à 11h15, Shanghai s’éveille et j’espère éviter les embouteillages. Il
faut que je prenne l’un des premiers bus. Comme je n’ai pas de valise à récupérer,
je prends l’une des portes de sortie située juste après la zone de réception
des bagages. A une vingtaine de mètres sur la gauche se trouvent des guichets d’achat
de tickets pour la navette de liaison entre les aéroports. La guichetière qui
ouvre sa guitoune me dit que je peux
acheter le billet à bord du bus qui se trouve juste derrière moi et qui s’apprête
à partir. Chouette ! Je monte, m’installe parmi tous les Chinois, souvent
en famille, qui s’y trouvent, puis achète à la préposée aux billets pour une
somme modique mon aller simple pour Hongqiao. Je suis le seul Occidental à bord
du bus. Un enfant devant moi me regarde amusé. Je lui souris puis je fixe la
route qui défile, tout d’abord dans un paysage suburbain. Ça roule plutôt bien.
J’observe les types de véhicules. Il y a tout ce qui s’est fait en Chine ces
trente dernières années, depuis la fourgonnette aux allures soviétoïdes ayant
largement dépassé la date de péremption, jusqu’à la berline de luxe.
Le
bus circule désormais sur l’une des voies expresses périphériques de l’agglomération
de Shanghai, la S20. La circulation se fait de plus en plus dense mais reste
fluide. Le paysage se fait quant à lui plus industriel et urbain. On longe
parfois des secteurs constitués de forêts d’immeubles d’une vingtaine d’étages
plantés par dizaines, tous bâtis sur le même modèle.
Lorsque
vient le pont enjambant le très large fleuve Huangpu, mes yeux s’écarquillent. Au
loin les buildings de Shanghai cherchant à s’extirper du smog matinal. Dans le
fleuve, l’impressionnant spectacle offert par les nombreuses immenses barges chargées
de matériaux industriels, serpentant bien alignées les méandres du fleuve tels des
dragons aquatiques. La terre, l’eau, l’air, le feu, tous les éléments d’un pays
en parfait ordre de marche vers l’avenir.
Le
fleuve traversé, je remarque que ce boulevard périphérique enjambe des avenues.
En contrebas, au niveau des sémaphores routiers, se trouve tout un fatras de véhicules, encore
plus divers que ceux que je croise sur la voie expresse. Vélos, motos, motos-taxi,
bus, voitures en tous genres, prêtes à foncer vers une journée de labeur. On sentirait presque la détermination de tous les conducteurs, là, à l’arrêt, face au feu
rouge.
L’aéroport
de Hongqiao n’est plus très loin. J’aurais mis une heure pour effectuer le
trajet en période de pointe. Un trajet qui aura été bien plus stimulant que
tous les cafés que j’aurais pu prendre. La Chine vient de me réveiller de la
plus énergique des manières…
2 commentaires:
Ah mais tu ne m'avais pas raconté ça. Faut dire que je ne me suis pas énormément occupé de toi lors de ton passage à Qingdao. Mais que veux-tu, famille, famille...
En même temps, il y aurait tant à dire ; j'ai tant de merveilleux souvenirs de ces cinq jours... attends de lire la suite, dans les prochains jours, work in progress ;-)
J'espère que vous allez bien. Vous me manquez, vous savez !
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