mercredi 11 juin 2008

MON ROYAUME POUR UN DATE AVEC DATI


Madame le Garde des Sceaux, vous m'excuserez de ne pas vous tutoyer malgré tout ce qui nous rapproche mais voilà, il se trouve que je vous respecte trop pour oser ne serait-ce que le classieux tutoiement propre aux Scandinaves. Ce faisant c'est sur ce registre-là que j'assurerai votre défense en cette heure où il est de bon ton de vous faire tutoyer la disgrâce.

Une défense non pas aveugle puisque je ne vous cacherai pas les principaux griefs que je nourris à votre encontre, mais une défense qui n’en demeurera pas moins vierge de tout soupçon ; sincère en somme.

Des griefs dont l’exposé se justifie doublement. Votre charge publique fait de vous l'un des réceptacles des doléances du Peuple, y compris de celles exprimées contre vous. Lorsqu’on refuse de prendre des coups, à plus forte raison quand on les distribue, il convient de s’adonner à tout sport autre que cet art martial public qu'est la politique. Aussi commençons par ouvrir les deux dossiers disposés sur ma commode à procédures.

Un premier dossier en lien avec cette regrettable affaire de mariage annulé par le TGI de Lille pour vice de forme virginale. Certes, l'exposé de votre expérience personnelle et la conclusion un tantinet cynique voulant qu'après tout cette annulation fût le meilleur moyen de protéger cette jeune femme d'un mariage qui commençait fort mal, a bien évidemment droit de cité. Après tout, ma chère Elisabeth Badinter, bien « qu'ulcérée », en est arrivée à la même conclusion que la vôtre. Il se trouve juste qu’au-delà de l’avis du citoyen que vous êtes, le Garde des Sceaux semble s’être couvert les yeux avec le bandeau de la justice. Un colin-maillard qui vous a empêché de voir qu'une telle décision conforte l'époux dans son bon droit, lui donne le beau rôle et faute d'un drap taché de sang, lui accorde un blanc seing question honneur. Une erreur. Une erreur judiciaire conduisant, parallèlement aux crimes d'honneur, à une justice d'honneur. Quelle horreur !

Un deuxième dossier traitant du principe de Peter qui s'instruira à charge et à décharge. Pour être un peu plus exigeant avec les miens qu'avec les autres, j'ai commencé par vous reprocher d'aller trop vite en besogne. Qu’est-ce donc ces façons de passer de l’audit d’entreprise entre 1990 à 1993, au bureau d’études sur le développement urbain de la Lyonnaise de eaux en 1994, puis du conseil technique juridique de l’éducation nationale entre 1995 et 1996, à l’Ecole Nationale de la Magistrature où vous resterez de 1997 à 1999 ?

Une fois sortie de l’ENM, rebelote. Voici qu’après des postes d’auditrice de justice, vous êtes nommée substitut du procureur au tribunal d’Evry le 1er septembre 2003, soit deux jours avant d’être mis officiellement à disposition du cabinet du ministre de l’intérieur. Un certain Nicolas Sarkozy avec lequel vous travailliez déjà depuis décembre 2002, notamment sur le projet de loi sur la « prévention de la délinquance ». Le même Nicolas Sarkozy qui vous nommera Ministre de la Justice à peine sept ans après votre sortie de l’ENM.

S’il peut m’être aisément rétorqué que tout ceci ne ferait que démontrer votre très grande célérité en matière d’apprentissage, avouez cependant qu’il soit légitime de s’interroger sur la maîtrise de thèmes abordés. Comment peut-on approfondir la connaissance des spécificités de chaque métier en aussi peu de temps ? D’autant plus à ce niveau. Ce survol à haute vitesse n’est-il pas susceptible de vous placer face à un seuil de compétences que seul le temps et l’expérience peuvent rehausser, et d’expliquer ainsi vos erreurs ?

Un principe de Peter que j’ai rattaché à la culture familiale que nous avons en commun. Celle du BTP. En effet, nos deux pères étaient dans le BTP avec cette différence toutefois que le vôtre était maçon et le mien peintre en bâtiment. Or là où la peinture exige patience et perfectionnisme, le gros-œuvre demande que l’on ne s’attarde pas trop sur ce que le peintre affinera.

Alors pourquoi prendre votre défense ? Parce que sur les questions susvisées je vous accorde, en plus du bénéfice du doute, un courage certain. L’audace c’est vous ! Comme je le disais en introduisant le second dossier « j’ai commencé par vous reprocher ». J’ai commencé car en définitive il m’est difficile de vous reprocher de créer et de saisir les opportunités qui se sont présentées à vous.

Parce que je n’ai pas envie de laisser cet honneur aux flagorneurs et à ceux qui vous défendent par paternalisme de droite ou pépèrenalisme de gauche, avec cette toute mielleuse condescendance de classe collée à la commissure des lèvres. Je vous défends, avouons-le, par solidarité entre enfants d’immigrés qui aiment la France, sa culture, ses lois et la Liberté qu’elle nous offre. Et surtout parce que le parfum frelaté de certaines attaques maquillées avec ce talc rance des courtisans me donne envie d’ouvrir en grand les fenêtres.

Les attaques des petits princes de gauche qui vous jugent social-traître afin de ne pas écouter ce que vous avez à leur dire, mais au contraire pouvoir postillonner depuis les travées de l’Assemblée leur bile politicienne en bons Hérauts qu’ils demeurent du socialisme adipeux. Tous ces pépères du peuple que vous avez très justement placés devant l’échec tragique de leur politique communautariste. Un échec dont l’évidence aurait dû susciter la honte et non la hargne.

Les attaques de vos opposants de droite qui vous reprocheront éternellement de ne pas détenir les codes de bonne conduite et surtout d’être une arriviste même pas encore arrivée puisque, selon l’adage, « il faut cinq générations pour faire un bon bourgeois ». Adage qui appelle pour réponse cette demande. Que ces messieurs vous concèdent le respect qui vous est dû comme une avance sur les quatre prochaines générations de Dati qui ne manqueront pas sur votre impulsion de fonder l’une des dynasties de notre république.

En attendant que les Dati deviennent une dynastie, d’aucuns continueront à vous voir comme une vulgaire Maghrébine comparable au jardinier Omar Raddad, reconnu coupable d’avoir assassiné sa châtelaine et d’avoir mis en émoi la justice. Quel autre sens donner aux immondes pancartes « Rachida m’a tuer » que portaient certains avocats lors des manifestations en province contre la fermeture de tribunaux. Maîtres ou chiens, on s’interroge.

Vilenie pas loin de tenter certains journalistes qui préfèrent à la fonction de contrôle du pouvoir celle d’œil de judas sur les vestibules du pouvoir, celle d' aboyeur de salon, heureux de s’imaginer pouvoir faire ou défaire des carrières.

Des journalistes qui au lieu de nous offrir des analyses sur les reformes que vous menez ou les propos que vous tenez, préfèrent rendre leurs papiers baveux avec vos soi-disant caprices, votre supposé état de disgrâce à l’Elysée, ou une quelconque préméditation dans la juste colère que vous avez servit au banc social-communariste de l’Assemblée. Comme si cette éventuelle préméditation ou préparation, empêchait la sincérité et la justesse de votre propos. Mais il est vrai qu’avec nos journaleux, j’ai pris l’habitude d’avoir l’impression de me retrouver au milieu d’une grappe de collégiennes en plein persiflage.

Voila Madame la Ministre, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter de continuer à décrocher les étoiles de votre destin tout en ne vous perdant pas en route car si j’ai quelque chose à vous demander c’est bien de ne pas oublier d’où vous venez. N’oubliez pas également, je vous prie, que pour que les nôtres puissent grimper aux échelles sociales, il faut certes qu’ils daignent grimper mais également que les échelles restent en place. Même si vous devez votre réussite en grande partie à vous seule, n’oubliez pas, comme on le dit dans ma banlieue, que pour les nôtres, vous représentez. « Pour les miens je représente ».

Cela étant dit, pour conclure et en parlant de représentation, j’aime beaucoup la photo de vous, que j’ai placé pour couronner ce billet. Peut-être que je vous défends également parce que vous êtes très belle. Je sais, c'est laid. Une photo où vous me rappeler ces actrices d’antan, des actrices que j’adore, comme Ava Gardner dont le film « la comtesse au pieds nus » me sert encore de sagesse…

SILavinia Gardner

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