En cette fin de novembre, notre avion est en approche de
l’aéroport Atatürk. Ma belle Ottomane m’embarque à Istanbul. Cette cité me
fascine depuis des années. Je rêve d’y aller tout en avouant un apriori pas
très positif de par mon contentieux avec les Turcs au sujet du génocide des
Arméniens, mais aussi du fait de l’islamisation galopante de la Turquie
d’Erdogan.
Nous débarquons de l’avion au petit matin, prenons le métro
jusqu’à la station Zeytinburnu, quittons la rame et nous dirigeons vers le quai
du tramway qui nous mènera au centre-ville. En plus de l’aspect pratique, je
remarque que les équipements du Tram sont aussi flambants neufs que ceux
du métro. Je jette un œil sur les passagers présents dans la rame au sein de
laquelle nous grimpons. Il s’agit en grande partie de travailleurs s'en
allant vers le centre-ville et finissant leur nuit au rythme des balancements
du tram.
En balayant la rame du regard je remarque plus
particulièrement, derrière nous, un jeune homme qui somnole contre la vitre à
côté duquel se trouve assis un vieux travailleur d’une soixantaine d’années,
pas mal usé par toute une vie de dur labeur. Nos regards se croisent. A cet
instant, il tapote sur l’épaule du jeune type à côté de lui, lui demande de se
lever, se lève lui aussi et vient vers moi. Il plonge ses yeux dans les miens
et nous invite, mon Ottomane et moi, à aller nous assoir à leur place.
Interminable moment de solitude. En fixant son regard, certes
fatigué mais extraordinairement chargé de dignité pour ne pas dire noblesse, je
comprends très vite qu’il s’agit là d’une marque d’hospitalité accordée à des
touristes. Il n’empêche que nous voilà gênés au point qu’une fraction de
seconde, j’hésite à décliner l’offre avant de me raviser. C’eut été l’insulter.
J’accepte en le remerciant et je rassure ma princesse Ottomane en lui disant
que visiblement ce vieux Stambouliote a reconnu chez elle la descendante
de Bey. J’en profite pour échanger quelques mots et optimiser ma prononciation
du turc. J’imagine également, en rigolant intérieurement, comme il serait
truculent de voir nos Parigots, faisant perpétuellement la gueule, céder leur
place aux touristes dans le métro.
Premier contact avec Istanbul où notre séjour sera ponctué
d’autres instants magiques de cet ordre, de rencontres chargées de civilité, un
peu comme si les Stambouliotes se vivaient en tant que représentants d’une succession
de civilisations. Toutes choses qui feront en sorte que le jour du départ,
assis là, sur un banc de la place Sultanahmet, à mi-chemin entre la Mosquée
Bleue et la Basilique Sainte-Sophie, je serai pris, en mangeant ma petite
brioche au sésame, d’une très choupinette mélancolie.
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