lundi 14 novembre 2016

Mon 13 Novembre 2015 en Israël (3/4)


Banlieue de Tel Aviv, samedi 14 novembre, 6 heures 30 du matin. Je revois encore la scène comme si c’était hier. Je me vois me dresser dans le lit en mode ressort avec Dod Z dans l’embrasure de la porte de la chambre où je dors, le visage stupéfait qui crie « Sil ! Viens vite voir ! Ils ont attaqué Paris ! Il y aurait 200 morts ! ». Je me vois sauter du lit, le palpitant en mode techno-transe puis me diriger vers la télé. Je m’assois sur le canapé et je reste là, comme si je dormais encore, subissant les images des attaques du Bataclan qui passent à l’écran. C’est un putain de cauchemar ! Dod Z me sert une tasse de café.

Nous zappons sur le bouquet international afin de recueillir le maximum d’informations possibles. Je me rends compte que les chaines israéliennes sont celles qui fournissent le plus d’informations et d’images sur les attaques d’hier soir à Paris. Les chaines françaises étant celles qui en diffusent le moins. Cela en est pitoyable de cécité et de commentaires. Seul Mohamed Sifaoui offre des analyses intéressantes sur le plateau télé occupé par nos habituels lemmings-jacasseurs-institutionnels. Nous parcourrons, pendant plus d’une heure, nos sites d’informations habituels. Le verdict est clair. Un commando islamonazi a frappé Paris. Parallèlement, nous vérifions via facebook et autres moyens, si nos proches vont bien.

Quelle ironie ! J’assiste depuis Israël aux résultats de l’attaque terroriste la plus meurtrière sur mon pays et ma ville. Intérieurement, je suis d’humeur hulkienne. Il faut que j’aie battre le pavé. Dod Z se propose de me laisser en ville puis de se retrouver en début de soirée. Il souhaite m’emmener voir une manif de gauche qui doit avoir lieu place Habima vers 19 heures.

Nous partons. Je descends de la voiture en face du siège de l’État-major et me dirige tout d’abord au hasard. Je finis par arriver sur l’un des oasis de quiétude de Tel Aviv, le quartier de Sarona, avec ses jardins publics et ses anciennes maisons de la colonie des templiers allemands installés là à la fin du 19e siècle, devenues de jolies échoppes et des petits restaurants. En ce samedi matin ensoleillé, des familles s’y promènent ou font jouer leurs enfants dans les aires de jeux. 

Je me dirige vers la place Habima où aura lieu la manifestation de ce soir, me promène dans ses jardins suspendus, puis remonte le boulevard Rothschild encadré de vieilles demeures style bauhauss et d’immeubles de haut standing beaucoup plus actuels. Je le remonte par son parterre central verdoyant où de jeunes bourgeois du quartier font leur jogging et où de moins jeunes habitantes discutent assises à la fraiche sur des bancs. Dans ma remontée, je croise la statue de Meir Dizingof sur son cheval, le premier maire de Tel Aviv, puis un kiosque à café en trouvant l’idée géniale. Non loin se trouve un autre concept intéressant. « Peace to the World ». C’est le nom d’un lieu culturel. Dommage que ce concept demeure totalement étranger à beaucoup de monde, à commencer  par les ennemis d’Israël, et tous ceux qui refusent de laisser ce peuple multimillénaire vivre enfin tranquille sur son petit bout de terre. 


Me voilà au bout du boulevard Rothschild. Je m’engage alors dans l’un des premiers quartiers de la future Tel Aviv. Neve Tsedek, sorte « de village en ville », constitué de ruelles étroites et de petites maisons peuplées de bobos et autres membres de la riche bourgeoisie culturelle telavivienne. Je prends plaisir à déambuler dans ce dédale, parfumé de senteurs méditerranéennes, croisant touristes, chanteurs de rue, et quelques graffitis intéressants. Je sors de ce labyrinthe du côté de HaTahana, du nom de l’ancienne gare ferroviaire de Jaffa, désaffectée puis rénovée en quartier « lounge » fait de petits bars et autres restaurants à l’ambiance détente particulièrement remarquable, où nous étions venus avec Dod Z la veille en début de soirée.

Puis viennent les portes de Jaffa, symbolisée par la vieille tour de l’horloge. Jaffa la belle, la magnifique vieille ville portuaire à l’histoire multimillénaire. J’y navigue entre jardins et ruelles à l’abri de murailles ; églises et mosquées ; touristes avec qui on échange sourires, mots et prises de vue photographiques (c’est tout de même plus sympa qu’un selfie) ; juifs, arabes ; sans oublier une cérémonie de mariage d’israélites éthiopiens aux habits colorés. Je finis sur le vieux port qui offre, non seulement un cadre plaisant, mais aussi de très jolis points de vue sur Tel-Aviv. 

Je décide de longer les quais en direction des plages de Tel-Aviv. Je dépasse la mosquée Al-Bahr et arrive sur le remblai des premières plages sud. C’est à cet instant que résonne l’appel à la prière depuis le minaret de la mosquée Al-Bahr. Tout d’abord surpris, je finis par me dire, « ah c’est donc ça le fameux apartheid en Israël, celui qui fait que les musulmans peuvent lancer librement des appels à la prière depuis leurs mosquées ». Puis je constate que la voix du muezzin est bien juvénile. Je me marre en me disant qu’étant donné que le minaret donne sur les premières plages, sur le sable desquelles bronzent de magnifiques naïades israéliennes, le muezzin a dû demander à son fils d’effectuer l’appel au micro pendant qu’il reluque de bien jolies sirènes.

En continuant de marcher, je remarque qu’au lieu de répondre à l’appel à la prière, des familles arabes aux femmes hijabisées s’en vont tranquillement vers la plage pendant que leurs gosses profitent des pistes cyclables sur le front de mer. Apartheid ! Mort de rire ! En cette mi-novembre, il fait pas loin de 28 degrés, et effectivement, c’est plus un temps à lézarder sur une serviette de plage qu’à frotter son crâne sur un tapis à prière.

L’ambiance est vraiment à la douceur de vivre. On bronze, on sirote des cocktails, on fait du sport, on joue de la raquette de plage par dizaines, ce qui donne une ambiance sonore aussi truculente que caractéristique des plages de Tel Aviv. Certes, on sent bien que les gens sont vigilants, qu’ils ont des réflexes visuels et autres de protection mais rien de paranoïaque, juste de la prudence tranquille, ce qui chez ces angoissés de juifs est presque étonnant. C’est en faisant ces constats tout le long de la plage jusqu’au port de Tel Aviv, situé au nord de la ville, que je prends conscience du flegme israélien. Une observation dont il n’avait pas forcément conscience mais qui parlera très bien à Dod Z lorsque je lui en ferais la remarque. 

Comme convenu, je le retrouve chez lui vers 18 heures. Le temps de se poser un peu et de discuter un brin, nous repartons vers la place Habima. Après moult galères, nous trouvons un parking privé où se garer dans une rue parallèle au boulevard Rothschild. 

J’observe que l’organisation de la manifestation est efficiente et que la gestion de la foule par les forces de sécurité est aussi discrète qu’efficace. La masse des manifestants est constituée de gentils gauchistes protestant contre l’accaparement par les oligarques proches de Netanyahou des récentes découvertes d’hydrocarbures au large d’Israël. L’ambiance est bon enfant. Tous les âges sont représentés. Différents milieux sociaux également. Ça chante, joue et scande du slogan. 

Je suis tout à mes observations lorsque Dod Z me tapote l’épaule et m’indique de regarder discrètement derrière moi. Vindiou de vindiou ! Je ne comprendrai jamais les femmes ! 

Derrière moi se tient un couple de jeunes gauchos. Elle, le type même de la déesse juive, mélange de Gal Gadot et  Angelina Jolie en version gothique. Brune jusqu’au vernis des ongles, les cheveux longs, de magnifiques yeux clairs, fuselée comme une Wonder Woman. Lui, l’épave gauchiste dans toute sa piteuse splendeur. Petit, tatoué de partout, ressemblant à rien, affublé d’une dégaine de branleur, mais visiblement apte à tirer la poussette qui porte le bébé du couple. Vindiou de vindiou ! 

Après un dernier tour dans la foule, on s’en va diner dans un très charmant restaurant italien du boulevard Rothschild. Alors que j’admire le sourire et les yeux de la serveuse qui nous apporte nos plats, Dod Z reçoit une alerte sur son portable lui indiquant qu’un rassemblement en hommage aux victimes des attaques de Paris a lieu en ce moment devant la mairie de Tel-Aviv. On se décide à accélérer le rythme du repas histoire de nous rendre au rassemblement sans toutefois faire l’impasse sur leur tiramisu particulièrement goûtu. 

Malheureusement nous arriverons trop tard pour chanter la Marseillaise devant la mairie, mais suffisamment tôt pour voir le siège de la municipalité aux couleurs françaises…


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