dimanche 13 novembre 2016

Mon 13 Novembre 2015 en Israël (2/4)


Vendredi 13 novembre 2015. 6 heures du matin. Je suis à Ben Gourion. Après avoir quitté l’avion et avoir répondu à deux trois questions de l’officier de l’immigration, reçu mon visa d’entrée, je suis l'un des premiers passagers devant le tapis de réception des bagages. Je suis pressé.

Surprise ! Mon sac à dos est le premier bagage à se retrouver gerbé sur le tapis. Je le réceptionne et l’ouvre pour voir si tout est OK à l’intérieur. Je pense comprendre, alors, un peu mieux certaines réactions de David et Salomon. Mon sac a été intégralement fouillé. Passé ce constat, j’imagine la tête qu’ils ont dû faire devant mon pingouin Ulis en peluche et la petite fée Clochette que mes filles glissent toujours dans la plus petite poche de mon sac, histoire de me porter chance lors de mes voyages.

Je me dirige, toujours aussi pressé, vers l’aire de stationnement des « sherout », les taxis collectifs. Je dois me rendre à Jérusalem et j’ai une heure de retard sur le programme initial. D’autant plus pressé qu’il me faudra quitter Jérusalem pour Tel Aviv par l’un des derniers bus avant que le service routier ne s’interrompe pour Shabbat. Un sherout est sur le point de partir. Je règle les 60 shekels (12 euros) pour la course. Et c’est parti mon kiki… 

Je suis assis au deuxième rang derrière le chauffeur. Devant moi, un couple de touristes américains et une française juive d’une cinquantaine d’années ayant tout de la bourgeoise parisienne faisant le saut à Jérusalem pour le weekend. Le sherout avale l’asphalte des infrastructures routières en croissance permanente. Des massifs forestiers défilent sur les côtés. Puis nous voilà arrivant dans la banlieue de Jérusalem. Le taxi dépose les premiers passagers dans un quartier où des pancartes d’accueil en espagnol, visiblement adressées à la communauté juive sud-américaine, ponctuent le paysage urbain.

Au tour de la bourgeoise parisienne maintenant. Avant de déposer tous les autres passagers à la gare routière, le sherout doit en effet laisser notre Géraldine au pied d’un hôtel. Mais il y a un problème. Du fait de travaux de voirie, le chauffeur signifie à notre parisienne qu’il ne va pas pouvoir la déposer en bas de l’hôtel, faute de se trouver dans le sens de la marche du taxi, mais sur le trottoir en face de son hôtel. Madame manifeste son mécontentement. Elle ne veut pas traverser l’avenue avec ses bagages. Le conducteur lui signifie qu’il lui faudrait effectuer un grand détour pour la déposer au pied de l’hôtel. Oubliant toutes ses bonnes manières parisiennes, vociférant dans un mélange d’hébreu et de français, la Géraldine pète un scandale. Le couple de touristes américains rigole discrètement en se disant « ah les Françaises ». Le chauffeur du sherout explique impassible qu’il ne peut pas faire autrement et s’arrête face à l’hôtel, de l’autre côté de l’avenue. Géraldine vocifère de plus belle, telle une môme dont on n’aurait pas satisfait le tout dernier caprice. Un malaise s’installe dans le sherout. Un jeune homme, à l’arrière du sherout se propose d’aider notre Géraldine à porter ses affaires jusqu’au pied de l’hôtel. Géraldine se calme immédiatement.  Ravie, elle suit ce brave jeune David qui l’aide à porter ses bagages. David revient en courant. Nous pouvons repartir. Quelques minutes plus tard, nous voilà à la gare routière de Jérusalem.

Je remonte l’avenue de Jaffa à pied en direction de la vieille ville. Il fait particulièrement beau et doux en ce mois de novembre. Le ciel est d'un bleu flamboyant. En marchant, je reconnais la vitrine du salon de coiffure devant lequel une tentative d’attentat au couteau avait eu lieu sur des passants quelques jours auparavant. Le gérant était sorti de son salon et avait neutralisé l’un des assaillants avec une chaise, pendant que l’autre jeune terroriste arabe, sacrifié lui aussi sur l’autel du nationalisme antisémite arabo-islamique, se faisait abattre par un israélien armé.

Avant de faire un crochet par le marché « Mahane Yehouda »,  je passe sous les lampadaires coquelicots de la place Valero. Les pétales se soulèvent sous mon passage. Ça me fait rire. Je file derechef. Après plusieurs centaines de mètres, je rentre dans la vieille ville de Jérusalem par la Porte de Jaffa et me dirige vers les pavés de la rue de David, direction l’esplanade du Mur Occidental du Mont du Temple, mieux connu en France sous l’appellation de l’esplanade du Mur des Lamentations. C’est là que failli se terminer mon périple. A peine j'emprunte les premiers pavés de la rue de David, jalonnée d’échoppes tenues par des arabes israéliens, que je dérape. Les pavés sont particulièrement glissants. Heureusement que je me rattrape à temps. L’idée de finir la tête dans la vitrine d’un magasin de souvenirs ne me plaisait pas plus que ça, sans oublier les titres des journaux que cela n’aurait pas manqué de produire : « sioniste intégriste français vandalise une échoppe palestinienne dans la vieille ville de Jérusalem AFP ».

Je dévale donc la rue de David, en faisant un peu plus attention, pas tant aux terroristes éventuels, qu’aux pavés glissants. Je croise quelques soldats en faction et je remarque que les marchands arabes semblent bien plus inquiets par l’absence de touristes générée par la récente vague d’attaques au couteau que par « l’oppression sioniste ».

Je m’emmêle un peu les pinceaux routiers dans les dédales du vieux souk, où des marchands désœuvrés devisent entre eux,  mais je finis par trouver l’entrée de l’esplanade du Mur Occidental. Il y a un portique de sécurité. Le soldat est un peu surpris de me voir avec un gros sac à dos, m’examine attentivement, passe mon sac aux rayons X, puis me laisse passer.

Séquence émotion. Me voilà au Kotel, sur l’esplanade du Mur Occidental du Mont du Temple. J’observe la foule présente. Il y a de tout, du juif, du chrétien, comme du musulman. Une très grande tolérance règne en ce lieu. Toute personne peut s’approcher du Saint des saints du monde spirituel juif. Chacun peut y célébrer sa foi comme il l’entend. Aussi bien en silence qu’en chantant. Personne ne juge qui que ce soit. Chacun est pris dans son dialogue personnel avec le Sacré. Nulle part ailleurs je n’ai perçu cela. Ce lieu est réellement unique.

Je quitte le Kotel particulièrement ému. « L’an prochain à Jérusalem », pour moi, c’est fait. J’effectue un passage par le Saint-Sépulcre quasi déserté par le tourisme, puis par le siège du patriarcat arménien. Je quitte la vieille ville, dépose ma très attendue carte postale dans la boite aux lettres, et reprends fissa l’avenue de Jaffa dans l’autre sens direction la gare routière. Il faut que je me presse avant que les rideaux ne tombent pour shabbat.

La Gare routière se situe, en fait, dans un centre commercial de 7 étages. Au rez-de-chaussée se trouvent deux portes d’entrées munies de portiques à rayon X. Ces systèmes n’empêchent pas la fluidité des allées et venues dans le complexe, ce qui me fait dire qu’ils sont donc facilement adaptables à toutes gares et autres sites sensibles. Je prends la mesure du complexe tout en gravissant les escalators vers le 4e étage.

Il est 13 heures. Dans une heure, les services de transports devraient cesser de fonctionner. Je me dirige vers un guichet et demande un trajet pour Tel Aviv. La guichetière m’annonce le prix : 19 shekels soit 5 euros. Le faible coût des transports publics en Israël m’étonnera toujours. Je prends mon billet et me dirige vers la plateforme numéro 15, d’où partent les bus pour Tel Aviv. Je fais la queue comme tous ces jeunes gens qui souhaitent quitter Jérusalem la religieuse pour Tel Aviv la fêtarde. Un bus part toutes les dix minutes. Je finis par prendre place à bord du mien. Un vieux bus qui fonce sur Tel Aviv.

Une heure plus tard, j’y suis. Changement de décor. Autant Jérusalem sent la prière. Autant Tel Aviv transpire la vie. Celle d’une ville au niveau de vie ibérique mais au dynamisme et au développement  économique beaucoup plus appuyé. Je suis bien là !

Je contacte Dod Z pour lui dire que je suis bien arrivé à Tel Aviv et que je me dirige du côté de chez lui, dans la banlieue tranquille de Ramat Gan. J’y arrive enfin vers 15 heures. Ce que je peux être content de les voir, lui et tante Belle. Après les embrassades d’usage, la remise du ballotin de chocolats demeuré intact, je dépose mon paquetage, prends une bonne douche et me prépare pour une première sortie. Histoire de laisser tante Belle préparer tranquillement le repas de shabbat, Dod Z m’emmène du côté de la vieille gare ferroviaire de Jaffa. L’endroit est absolument charmant. Des petits bars ou restaurants sont l’un des cadres idéaux de la dolce vita Telavivienne.

Repas de shabbat. Nous discutons de choses et d’autres. Puis la conversation se fait plus politique. Paradoxalement, la situation en France les inquiète plus que celle en Israël. Je suis bien d’accord avec eux. Je leur dis qu’étonnamment, je me sentais bien plus en sécurité à Jérusalem, malgré les dizaines d’attaques, entouré de gens calmes en mesure de réagir, qu’en France, entouré de lapins aux yeux pris dans les phares du 4x4 de l’Histoire, n’ayant toujours pas pris la mesure de la lame de fond qui menace nos sociétés. Ils voient parfaitement ce que je veux dire. Je leur fait part de mon pessimisme. Au vu de la fatigue du voyage et du périple de la journée, je décide de me coucher assez tôt.

Nous sommes le 13 novembre 2015. Il est 22 heures à Tel Aviv,  21 heures à Paris. Dans 20 minutes, les attentats du 13 novembre auront lieu.

Aucun commentaire: