mardi 4 mai 2010

Linguistique amusante : Tout, tout, tout, vous saurez tout sur le caralho


Histoire de continuer à apaiser le chagrin de certains Portugais de France, je m’en vais d’un pas de clavier aussi leste qu’assuré faire la promotion auprès de toute la bordure externe de la galaxie, lieu où se trouve notre système solaire, et même au-delà, de l’un des trésors de la langue portugaise. « O caralho ». Ce qui me permettra par la même occasion d’expliquer plus longuement l’origine du « caralho » à tous ceux qui m’interrogent parfois sur cette expression qu’ils entendent souvent aussi bien dans la bouche des Portugais que dans celle de leurs rejetons plus ou moins assimilés. Le « caralho ». Comment vous l’expliquer. Oui comment, car si d’un point de vue strictement littéral, ce mot désigne très banalement le sexe de l’homme, d’un point de vue linguistique, il remplit une fonction bien plus vaste et vitale que ce banal aspect.

En fait, le « caralho » employé à tout bout de champ par nos Hobbits de la péninsule celtibérique serait l’équivalent du mot « schtroumpf » employé à toutes les sauces par les célèbres nains belges.

C’est que l’on peut tout dire avec des caralho. Les expressions à base de caralho sont d’ailleurs à ce point nombreuses qu’il nous est possible d’affirmer que nul ne peut prétendre maîtriser vraiment le portugais tant qu’il n’aura pas maîtrisé son caralho. Pour la bonne raison supplémentaire que le caralho demeure principalement à l’honneur, là où est née la langue portugaise, soit dans le nord du pays, en Galice. Alors qu’à Lisbonne, on sent bien que le caralho leur est franchement étranger. Certains n’osent pas en parler. Et nombreux sont ceux qui ne savent visiblement pas ce que c’est.

Mais trêve de bavardages. Passons aux choses sérieuses. Exposons donc le caralho dans son plus simple appareil afin que vous puissiez briller en société lors des braisiers organisés par vos amis portugaulois, auprès de votre concierge, votre femme de ménage ou de votre décorateur d’intérieur. Ne me remerciez pas. Chez moi le caralho tient du don…

Apprenez tout d’abord que le caralho sert absolument à tout, à faire dans l’emphase, à décrire le monde ou encore à se designer entre semblables. Toutefois, avouons-le sans aucune pudeur, le caralho n’a pas son pareil pour illustrer les émotions et ce jusque dans la moindre nuance. Oui, il nous est possible d’avancer sans ambages que le caralho est du genre émotif.

C’est ainsi que pour décrire les choses, un Portugais pourra dire « é bonito como o caralho » (c’est beau comme le caralho) ou « é grande como um caralho » (c’est grand comme un caralho), ce qui en fonction des localités ne signifiera pas forcément la même chose. Par exemple, dans le village de mes ancêtres, où les mâles sont connus pour disposer d’un membre aussi beau que majestueux, beau et grand comme un caralho sera connoté positivement. Alors qu’à Lisbonne, encore une fois, ce sera tout le contraire.

Pour convaincre, le Portugais pourra allier le geste au caralho en disant par exemple « toma là caralho », prends donc ce que je te donne caralho, ou encore « anda là caralho », mets toi donc en route caralho. Le dernier exemple valant aussi bien pour une personne que pour une voiture, votre dernier Windows ou tout autre outil de travail qui se refuserait à répondre aux exigences d’un Portugais du Nord.

Mais passons à l’univers des émotions, domaine ou le caralho donne toute la mesure de ses immenses possibilités. Je vous sens surpris. Ça tombe bien. Nous commencerons par la surprise.

« Mas que caralho », mais quel caralho, « olha que caralho », voyez-moi ce caralho, servent à marquer la surprise. Le « ô que caralho », quel caralho, plus bref, permet quant à lui de se rendre compte que la personne n’a pas eu le temps d’intérioriser sa surprise. Nous dirons qu’il s’agit d’un caralho de réflexe. À l’inverse, en beaucoup plus imagées, vous trouverez les expressions « essa foi do caralho », celle-ci (parole, action…) ne peut que venir du caralho, ainsi que le « pintaram-me o caralho », ils m’ont barbouillé un caralho. Cette dernière expression s’emploie par exemple lorsque vous rentrez chez vous et que vous constatez avec surprise que vos crétins de gamins vous ont mis la maison sans dessus-dessous pendant votre absence. Une expression qui permet de marquer également une colère certaine.

La colère. Le « caralho », très bref, claquant tel un coup de fouet, prononcé les dents serrées, exprime déjà très bien ce sentiment. Il s’agit en général d’une colère d’origine indéterminée. Lorsqu’elle est dirigée contre quelqu’un, elle peut donner lieu à un « vai pro caralho » ou bien à un plus développé « vai pro caralho que te foda », l’équivalent de notre « va te faire foutre ». Ou encore à un « vai mas é pro caralho », une façon d’envoyer vers le caralho qui mêle colère et lassitude. À ne pas confondre avec le « pôe-te no caralho », lorsque vous envoyez quelqu’un se faire voir d’une façon aussi énervée que résolue. Soit le pendant du « anda aqui meu caralho », un viens ici meu caralho, franchement marqué par l’irritation et l’impatience.

Le top question caralho en colère demeure toutefois le « me cague no caralho », on me chie sur le caralho. Imaginez la colère…

Traiter quelqu’un de « cara de caralho », face de caralho, marque également un sentiment de colère auquel se mêle une volonté de pousser votre courroux jusqu’à la confrontation. Cependant on pourra l’employer de façon goguenarde et presque amicale. Tout dépendra du ton. D’ailleurs vous trouverez à Porto ou dans d’autres localités du nord du Portugal des gaillards pour se saluer avec des « olha o meu caralho », voici mon caralho, « como vais meu caralho », comment vas-tu mon caralho. En Galice, le caralho est une fraternité. Chose qu’un Lisboète est là encore incapable de comprendre, trop honteux de son caralho, qu’il est.

Et oui, lorsque je vous dis que l’emploi du caralho est tout un art, c’est un fait.

Un art qui vous permettra également de l’employer pour marquer des sentiments amoureux, l’espoir ou la fatigue.

« Que caralho me foi acontecer », mais quel caralho m’arrive-t-il, peut certes marquer la stupeur face à une situation désagréable mais également le désarroi face à la passion amoureuse qui vous tombe subrepticement sur le coin du caralho. Même chose pour un « ando metido com o caralho », me voici empêtré dans un caralho.

Un « Estou à espera do caralho », j’attends le caralho, pourra vous être répondu lorsque vous tomberez sur un ami qui semble attendre quelque chose, un événement qui n’arrive toujours pas, ou sa bonne femme encore perdue en bavardages dans un magasin avec ses copines.

L’expression de la fatigue à base de caralho, et nous terminerons par là, fait quant à elle de toute évidence référence aux rares moments de panne capables de laisser tout porteur de caralho galicien dans le désarroi le plus complet, aussi bref soit-il. C’est ainsi que si d’aventure un Portugais du nord vous dis un jour « ando como o caralho », je fonctionne comme un caralho (en panne), c’est que cela ne va du tout, mais alors pas du tout, du tout…

C’était là l’ultime secret du « caralho ». Vous savez tout maintenant. N’en abusez pas trop ou plutôt… c’est à vous de voir.

Hermann JoSIL

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