vendredi 7 août 2009

CHAPITRE 5 « LES FILS DE LLOEGR » (1/5)


Thatcheria entre dans la pièce où se tient l’assemblée atteinte de tremblante. Elle y entre courbée tout en jetant un regard affligé sur cette assemblée. Elle a vite compris la situation, un peu comme si elle revivait un lointain souvenir. Se redressant, elle tend ses mains griffues vers eux, les caressant, les rassemblant dans l’ombre portée de ses serres de vieille corneille carnivore. Ouvrant son bec de collagène, elle s’adresse à Monseigneur le Bossu en des termes qui se veulent rassurants.

« Monseigneur, ne crains pas la rumeur populacière. Hisse donc tes drapeaux et abats ta colère sur la nuque de tous ces renégats. Je te le promets, écoute-moi ; la victoire est à toi si tu procèdes comme mes ancêtres, les fils de Lloegr (ancien nom donné aux tribus anglo-saxonnes avant de devenir les Anglais après la conquête de l’île des Bretons). »

Se dirigeant vers toute l’assemblée, d’un ton sec comme un claquement de bec elle leur dit : «Avez-vous déjà entendu le son des nobles noms de Henguist et Horsa, ces deux fiers rois, sortis de ventre de Lloegr ? Non ! Dans ce cas écoutez comment mes pères ont posé le joug sur le cou bovin des viles Kymri (Bretons) et de tous les autres ruminants de l’île de Bretagne. »

Les regards sont interrogateurs. Quel rapport peut-il bien exister entre la conquête de l’île de Bretagne par les Anglo-saxons et la réaction houleuse des habitants d’Intérêt Général au projet de reforme du système des retraites ? Thatcheria prend une chaise où elle s’assoit avant de déclamer ce qui suit.

« Il y a de ça quinze siècles, le pleutre Vortiguern, roi des Kymri, s’allia aux premiers Lloegriens qui débarquaient sur l’île de Bretagne afin de mener une guerre contre les Pictes (tribu d’Ecosse). Grâce à cette alliance, il gagna sa guerre avant d’en perdre une bien plus importante. En effet, en échange de son aide, le noble Henguist, roi lloegrien, obtint du pleutre Vortiguern, deux choses. Primo, un promontoire sur la côte Est de l’île où Henguist allait bientôt installer un fort imprenable qui lui servirait de tête de pont à ses projets d’invasion. Deusio, les services du plus grand artisan de l’île de Bretagne, ceux de Gwyar le mélancolique. Gwyar appartenant à Vortiguern, il le céda à Henguist qui connaissait la réputation de ce grand artisan, celle de celui qui était capable de donner vie à des armes magiques ou à des chaudrons enchantés. Tout en livrant Gwyar à son nouveau maître, Vortiguern expliqua à Henguist qu’il ne devait jamais offenser le plus grand des forgerons, ni le brusquer dans son ouvrage, faute de quoi il n’obtiendrait rien de bon de ce fier artisan.

Henguist suivit le conseil de Vortiguern. Toutefois Gwyar, qui se languissait de son clan, n’avait pas le cœur à l’ouvrage. Il fabriqua bien quelques magnifiques pièces, mais cela était loin de contenter Henguist. Celui-ci chercha alors un moyen de faire oublier à Gwyar le souvenir des siens et de son pays. Après y avoir réfléchi, il décida d’emmener Gwyar de l’autre coté de la mer, dans les terres de tourbe qui avaient vu naître les Lloegriens.

Là-bas, il lui fit construire une magnifique forge mais surtout il lui donna pour épouse l’une de ses cousines, Olga la rousse, l’une des plus belles femmes du clan. Il espérait ainsi distraire l’esprit mélancolique de Gwyar et lui faire oublier le destin des armes que le forgeron usinerait ; le massacre des siens. Un échec puisque les bras de Gwyar demeuraient lourds de nostalgie. Un échec jusqu’à ce que Olga la rousse lui donna un fils. Cet enfant le rendit plus leste mais pas assez au goût de Henguist. Gwyar passait en effet beaucoup de temps avec son fils, à qui il avait donné un prénom Kymri, Melgwin. Gwyar lui enseignait ce qu’il appelait les trésors de l’enfance, lui montrait les soi-disant joyaux de la vie, les secrets de la nature ; des fadaises de Kymri. En grandissant, Melgwin reçu surtout de son père son art, une chose qui plut à notre roi Henguist, à plus forte raison qu’il sentait également grandir dans le cœur de Melgwin quelque chose qui échappait à son père Breton, à savoir la force du sang lloegrien transmis par sa mère...

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