mardi 14 avril 2009

LE VIEUX PIPEAUPULISME ANTICAPITALISTE


Bon, bon, bon, puisque même les gens les plus raisonnables perdent tout sens commun avec la crise actuelle, il est de mon devoir d’aider à remettre un peu d’ordre dans tout ça. C’est que ça tourne au grand n’importe quoi, quand même. Regardez ma Ségolène. Après s’être dit blairiste, avoir vanté les mérites du Marché et qualifié le très libéral rapport Attali de « cadeau pour la France » voici qu’elle se met à voir tout rouge, justifie la révolte, voire appellerait même à la révolution. Vous me direz que ses sautes d’humeur n’étonneront pas grand monde mais bon, quand même.

Par contre les dérapages populistes de mon François Bayrou m’inquiètent un peu. Attention au fossé mon fanfan.

Car même s’il a raison de dire que le « capitalisme est amoral par nature », on ne peut pas s’empêcher de se sentir pris pour un jambon lorsqu’il rend synonyme amoral et immoral en prétendant que le capitalisme s’oppose à l’humanisme, que par conséquent il nous faut s’opposer à lui, avant de conclure par un « le capitalisme est inégalitaire par essence et l’humanisme égalitaire par vocation ». Une forme de populisme très catho-démocrate que l’on va de ce pas remettre à sa place étant donné que moi le populisme quel qu’il soit, ça me gave. Explication.

Oui, mon Fanfan, le capitalisme est amoral, au sens où il ne porte pas de morale en lui ; pas plus qu’une bétonneuse, un tracteur, une autoroute, une centrale nucléaire ou une navette spatiale. Pour la bonne raison que le capitalisme est un outil et que tout outil, y compris une charrue, peut devenir une arme par destination ou par négligence. La morale, le droit, la régulation, appelle ça comme tu voudras, s’applique à l’utilisateur et non à l’outil. L’humanisme étant par conséquent l’ensemble de valeurs qui guide notre action et non ce qui serait intrinsèque à l’outil, ce qu’il nous transmettrait. Et oui, ce n’est pas le katana qui fait le samouraï mais l’inverse.

Aussi, opposer le capitalisme à l’humanisme est un non-sens car utilisé comme il se doit, l’outil capitalisme peut servir des idéaux humanistes. Rappelons quand même que ce n’est pas le socialisme, ni le communisme mais bien le capitalisme qui a été et demeure le moteur de la prospérité de notre république sociale.

Rappelons également, puisqu’il nous faut tout rappeler, que c’est l’argent produit avec l’outil capitalisme qui fournit le crédit nécessaire à nos projets personnels ou économiques, qui génère les salaires du secteur public et privé, qui alimente notre système de répartition, notre sécurité sociale, tout quoi. François Bayrou a beau nous dire « le capitalisme ne peut pas être un projet de société », ce que je peux comprendre au sens où le moyen n’est pas une fin en soi, le capitalisme n’en reste pas moins le moteur, la principale turbine de nos sociétés.

Une réalité bien comprise, de toute façon, par un grand nombre de citoyens. Car la grande majorité des salariés sait très bien qu’ils ont besoin de patrons pour assumer à leur place les responsabilités et les risques dont ils ne veulent pas. Patrons qui sont bien contents de trouver une oreille attentive chez leur banquier quand ils débarquent avec leurs projets. Banquier qui sert également l’intérêt de la majorité des citoyens quand il accepte de leur octroyer un crédit auto, habitation ou autre. Et oui, le peuple a bien compris que le capitalisme est un outil plutôt intéressant. Il finit donc par comprendre également qu’on insulte son intelligence lorsqu’on cherche à canaliser ses frustrations du moment afin d’en tirer un bénéfice électoral.

Moralité, il va falloir tenir un discours un peu plus centriste et moins pipeaupuliste mes cocos car à part donner raison à tous nos branleurs de gauchistes et autres parasites d’extreme-groite ou drauche, vous ne convaincrez pas grand monde sur la durée. Ce genre de discours très loin de favoriser la responsabilité des acteurs, de tous les acteurs que nous sommes, tend plutôt à susciter l’inverse.

Mais bon, je ne me fais pas trop d’illusions pour savoir que ces tendances nous viennent de loin.

Parfois j’imagine les discussions qui ont dû avoir lieu à chaque innovation, et ce depuis l’invention du biface, il y a 1.5 millions d’années. « Tu ne peux pas faire ça, tailler du silex pour en faire un biface crée forcément une situation inégalitaire par rapport à celui qui n’en disposera pas. C’est amoral, anti-humaniste et patati et patata. Nous ne sommes plus des bêtes quand même.» Réponse du philosophe-capitaliste erectus, « tu te trompes car vois-tu, avec mon biface, je vais pouvoir chasser des bêtes bien plus grosse, ce qui permettra de repartir plus de viande au sein la communauté ». Une réponse qui aura énervé notre homo erectus pipeaupuliste, lui aura suscité une saine révolte, et lui aura fait se saisir du biface en question pour le planter entre les omoplates de notre pré-capitaliste au nom de l’humanisme erectus.

Ce qui n’est rien sans doute à côté des débats qui ont eu lieu lors de la domestication du feu. Imaginez les controverses enflammées lorsque des manieurs de feu un peu désinvoltes ont incendié par inadvertance un bosquet habité par des petits camarades. « Faut-il moraliser le feu ? » « Le feu ou le fléau de la modernité ». « Pour une civilisation sans feu ». Ah ça, ils ont dû bien se quicher la tête nos philosophes pyrophiles et nos pipeaupuliste pyrophobes.

500 000 ans plus tard, face à l’outil capitalisme, mêmes débats, mêmes tentations et toujours la même incapacité à voir, de toutes parts, que l’outil n’est qu’un moyen et non une fin en soi. Un outil qui a démontré en matière économique sa supériorité par rapport à tous les autres, mais qu'il convient de garder bien en main faute de quoi, aïe, aïe, aïe. Un peu comme pour le biface en somme…

SILex Silurien

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