Lorsque j’ai
étudié la protohistoire européenne, je me suis particulièrement intéressé à la culture nuragique de l’île de Sardaigne. Sans doute parce que j’avais remarqué
un certain nombre de points communs avec la culture galicienne de la même
époque, celle de l’âge du bronze, notamment ce goût pour les forteresses
mégalithiques bâties au sommet des collines qui sont devenues depuis, dans la
mythologie locale, les « domus de janas », les maisons des fées.
« Janas »…
figurez-vous que dans la mythologie celtibérique, c’est comme ça également que
nous nommons nos fées, les « xanas », « janas » ou « mouras ». Des xanas censées vivre dans les mêmes vestiges
mégalithiques, leur servant par ailleurs de puits sacrés et de cavernes aux
trésors qu’elles réservent à ceux qui ne craignent pas de les aimer ou
simplement de se laisser happer par leur très envoutant regard.
Des xanas
que l’on avait plus de chance de rencontrer la nuit du 1er mai. Les élus de leur cœur, ou bien
leurs protégés, repartaient alors avec une pomme de pin qu’ils devaient garder une
année durant, avant de la jeter dans le feu du 1er mai suivant, dans
lequel elle deviendrait un merveilleux trésor.
Or parfois,
je me dis, dans mes douces rêveries, qu’une pomme de pin m’attend peut-être,
quelque part, sur l’île de Sardaigne. Pourquoi ça ? Et bien parce
qu’il y a de cela deux ans, à la même période, je me suis réveillé au beau
milieu de la nuit en hurlant le doux nom de ma déesse adorée, la déesse Athéna,
dans un dialecte qui s’avéra être, après une petite vérification, la langue
sarde.
« Appeler
ma déesse la nuit du 1er mai dans la langue des janas, voilà un faisceau
d’indices, aussi peu rationnel que troublant » m’étais-je dit, tout en
contemplant l’image d’une autre vieille déesse sarde, que j’aimerais bien voir
figurer dans mon autel personnel. Celle qui se trouve en illustration de
l’article, la « Madre Mediterranea ».
Oui, je
sais, les plus rationnels d’entre vous me diront que je file un
mauvais coton, de celui qui fait de très mauvaises chaussettes pour rationalistes péripatéticiens dans mon genre. Que voulez-vous, à
chacun sa part de rêve et d’irrationnel, voire de douce folie.
Après tout,
mon bon maitre Socrate, rationaliste parmi les rationalistes, n’était pas pour
autant un ennemi du religieux, du spirituel ou du magique. Ses dialogues
avec son « daïmon », son esprit familier ou sa voix intérieure, sont
même restés célèbres. Il estimait simplement qu’il ne fallait pas tout
mélanger, qu’il fallait laisser ce qui relève du domaine des dieux aux dieux,
sans prétendre savoir, contrôler ou en faire un pouvoir, et rationaliser ce qui
est rationalisable, le monde des hommes…
C’est ainsi,
qu’en cette veille de fête celtique de Beltaine, entre deux interrogations
diverses et variées, je m’en vais accomplir certains vieux rites chers à mes
ancêtres, recueillir une pomme de pin, tout en espérant qu’elle aura été
déposée là par une Xana ou mieux une Jana, sa cousine sarde de passage en
région parisienne.
SILotzorai
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