lundi 26 février 2007

LES INTERMITANTS DU SPECTACLE SOCIAL


Dis donc mon petit Augustin Legrand, alors comme ça entre deux tournages, on se rendrait enfin compte que dans la vie, on peut être amené à se battre contre des moulins à vent. Eh ! Mon pote, il eut été bienvenu de lire l’ouvrage de Cervantès avant d’entériner l’appellation « Don Quichotte » de votre association. Avec un tel nom, c’était couru d’avance que vous engendreriez plus de frustrations que d’espoirs.
En parlant de frustrations et puisqu’il est venu le temps où les gens équilibrés se retrouvent coincés entre la loi du plus fort et celle du plus frustré, je tenais à te signaler, la mienne, de frustration. Je suis frustré de raison et gavé d’émotion.

Oh, il s’agit d’un ras-le-bol plus que d’une critique puisqu’au fond t’as eu raison d’agir ainsi : 1- Parce que c’est très efficace 2- A une époque où le libéralisme nous pousse à plus d’efficacité, cela ne pouvait qu’impressionné ses tenant ou lieutenants au gouvernement 3- J’ai moi aussi pour série culte « Le Caméléon ». Cette série télé où le héros, prénommé Jarod, se met d’épisode en épisode à la place de tout le monde histoire de mieux sauver le monde. Mais voila si j’ai aimé la saison 1 et 2 de cette série comme de la tienne, dés la saison 3, j’ai trouvé que ça tournait en rond et me suis rendu compte que le diktat de l’émotion, du compassionnel, de l’empathie compulsive, ça me gavait. Si mon cœur était plus que rassasié, mon cerveau criait famine.
Rajoute à cela que le charity-bizness me sort par les trous de nez. Surtout quand une partie des acteurs de ce show sont sujets à planquer leur trésor dans les sables des îles des caraïbes plutôt qu’à le déposer dans le trésor public. Ce qui démontre encore, s’il en était besoin, que le narcissisme de l’artiste est plus compatible avec la charité bien ordonnée qu’avec une solidarité de masse nourrie par l’impôt anonyme. Mais je sens que je m’énerve… Je m’énerve alors que je devrais expliquer pourquoi ça me gave. Ça me gave parce qu’avec l’émotion, y compris de masse, on justifie tout et son contraire. L’émotion, c’est comme la foule, c’est bien joli mais c’est très con. Illustrons notre propos.

Mettez des badauds dans des tentes et ceux-ci aimeront les SDF. Laissez ces mêmes badauds suffisamment longtemps dans le voisinage d’une troupe de SDF, au voisinage de ses citoyens déchus qui ne sont pas toujours des anges et vous aurez transformé l’amour en haine. Et oui, le propre de l’émotion est son inconstance. Se laisser gouverner par l’émotion c’est comme placer un canot de sauvetage en plein océan.
Dans le même genre, j’ai vu récemment un reportage sur les militants anti-Guantanamo de chez nos cousins d’Amérique. Le seul argument de ces mêmes êtres « sensibles » était la mise en situation. Ils proposaient au badaud de se faire enfermer quelques heures afin de subir quelques mauvais traitements, dans une version light. Le badaud sortait de là, convaincu de la barbarité de Guantanamo comm de la torture. Et moi de me dire alors : Mettez donc le même badaud devant autant d’heures de témoignages de familles des victimes du 11 septembre et ce badaud ira lui-même épiler au napalm la barbe des terroristes.
Mais bon, tout ça, est après tout très cohérent. Dans nos démocraties d’opinion, il est normal que ce soit l’émotion qui guide le badaud-citoyen et non plus la Raison. Oh, je sais ce que vous allez me dire, j’en rigole même d’avance. Vous allez me dire qu’après une journée de travail, nous avons besoin de nous distraire, de penser à autre chose. Lire ça prend du temps. C’est chiant. Et moi de répondre, bande de cons, que lire c’est aussi penser à autre chose et quand il y a du temps pour jouer les piliers de bar, les supporters de foot ou de stars d’académie, jouer le téléspectateur moyen, le drogué de jeux vidéos, le lécheur de vitrines… ce n’est visiblement pas le temps qui manque pour lire, s’informé tout azimuts, exercer son esprit critique et musclé son cerveau plutôt que la glande à émotions, la glande lacrymale…bande de glandus va ! Bon ! Pour mes concitoyens c’est fait ! Passons à nos représentants…

Dites-moi les gars et les garces (c’est ma façon de faire la fête à la parité), il me semble bien que gouverner c’est prévoir, non ? Vous ne pouvez pas dire que depuis l’hiver 54, voir même depuis que la ville est ville, que vous n’étiez pas prevenus des questions liées à l’indigence. Eh, les cocos, si on vous met là où vous êtes, c’est pour réfléchir à notre place, à plein temps, aux problèmes de notre société et surtout pour chercher à les résoudre du mieux possible, avec les moyens budgétaires que nous vous donnons. Alors au boulot les gars et les garces. Le patron c’est nous !
Je dis ça parce que , bien que ce ne soit pas mon boulot, j’ai toujours trouvé hallucinant que la solution qui vous passe par l’esprit quant aux problèmes des sans-abri, ce soit le fait d’imposer à des gens désocialisés des tracas que n’accepteraient d’aucune façon tout être socialisé. Mais vous avez peut-être une explication logique à me donner. Sérieux, c’est quoi ces conneries de parquer comme du bétail, dans les box superposés de vos étables sociale, entre 21h et 7h, ces êtres en errance puis de les renvoyer dans les pâturages urbains avec une dose de foin pour la journée. Forcement, le troupeau, sans berger (travailleur social) traîne aux abords de l’étable ce qui emmerde des riverains légitimement agacés.
Je n’arrive toujours pas à comprendre comment vous n’avez pas encore penser à créer dans toutes les communes, des petits centres disséminés, aux conditions humainement acceptables par tout un chacun et acceptables pour le riverains. Des petits immeubles aménagés en studios ou petits appartements pour les familles avec des travailleurs sociaux pour les plus fragiles.
Quand je vois tout l’argent claqué dans des animations à la con, en projets épars, en animateurs ou plutôt en guignols de quartier, alors que le minimum vital n’est pas assuré pour tous, je sens monter en moi la bile.
Quand je vois l’argent claqué dans un provisoire devenu permanent, je comprends mieux cette phrase d’Augustin Legrand. Face à un ministre qui l’appelle « à prendre ses responsabilités », c'est-à-dire à lever le camp, ce petit gars lui a répondu : « Quelles responsabilités ? Je ne suis pas là pour en assumer. Je suis là pour vous mettre face aux vôtres ! » Tout juste Auguste. Cela dit mon Augustin, ne crois pas que tu vas t’en tirer avec une conclusion dithyrambique.

Comme il est hors de questions que je vois encore déambuler ici ou là, tous ces agitateurs d’émotion, tous ces Don Quichotte, Sancho Pansa, Zorros ou sergents Garcia, à la face auréolée, je demande au ministre de la culture de faire le nécessaire pour que les allocations chômage « du spectacle » soient retirés jusqu'à nouvel ordre à tout ces acteurs du cinéma social, devenu permanent.

SILgné Furax