samedi 9 août 2008

L’ÉTÉ MEURTIER : UNE PIERRE, CINQ VICTIMES


Il va vraiment falloir mettre un terme à ce massacre. Je n’en peux plus. Depuis le début de l’été, il n’y a pas un seul jour sans que l’on retrouve soit une jeune fille dans un fossé breton, soit un enfant dissous dans une voiture ou encore poignardé à côté de son vélo. Et même quand on les retrouve vivants, il y a toujours une chaîne de désinformation pour annoncer qu’un petit Louis a été retrouvé mort. Encore bravo TF1 et ses cerveaux décidément indisponibles.

Bien que je sache que le pourcentage de détraqués tend à rester constant, ce qui ne fera qu’augmenter le nombre de victimes, la démographie aidant, si l’on peut parler d’une aide, il m’apparaît quand même vital de trouver des solutions pour faire baisser la courbe des températures du réchauffement psychotique global. C’est que j’en fais des cauchemars tous les soirs. Et quand ce n’est pas l’événement en lui-même qui m’empêche de dormir, ce sont les traumatismes d’enfance qu’ils ravivent, qui me travaillent toute la sainte journée.

Je pense notamment à cette histoire de bébé de huit mois décédé suite à un jet de pierre par deux gosses corses. Un tourment dantesque. Une pierre, cinq victimes. Le bébé, les deux malheureux parents et ces gamins dont les vies commencent bien mal avec un tel passif. Le fait d’une irresponsabilité meurtrière. Car bien que l’on prétende qu’à sept ans, on atteint l’âge de raison, je peux vous assurer que jusqu’à ce qu’enfance se passe, entre le maniement de nos lance-pierres et tous nos autres jeux compléments insensés, nous sommes tous capables du pire. Même les plus sages. Seule la chance nous sauve, le plus souvent.

Je ne lui en ai jamais parlé mais il me vient parfois en mémoire les images de ce jour où j’ai failli tuer mon petit frère. J’avais neuf ans. Il en avait six. Ce jour-là, nous faisions des courses de « carrinhos de mao ». Les « carrinhos de mao » sont des sortes de charrettes à bras métalliques d’un mètre cinquante de long, à deux roues, que presque toutes les familles de mon village galicien utilisent pour transporter ce qu’elles récoltent sur leurs lopins de terre. Bien que lourdes, elles se manient aisément et font de très bons chars de course.

Ce jour-là donc, avec les copains, copines, frangins, frangines, nous faisions des courses de charrettes. Mon petit frère à l’avant et moi qui poussait. Je ne sais pas ce qui m’a pris mais le fait est que j’ai lâché les brancards de la carriole. Peut-être histoire de voir qu’elle distance elle parcourrait toute seule. Au bout de quelques mètres, elle a basculé vers l’avant. Mon petit frère s’est retrouvé projeté ventre à terre. La charrette quant à elle, a continué son mouvement de bascule jusqu’à ce que le bord métallique de l’arrière retombe telle une guillotine sur la nuque de mon petit frère. J’entends encore le bruit.

Il n’a strictement rien eut, à peine un peu mal. Il ne s’en souvient apparemment même plus. Il m’a surtout insulté et moi j’ai accueilli ses insultes avec un bonheur indescriptible. Un bonheur dont je remercie le ciel au moins une fois par mois quand l’image de cette charrette s’abattant telle une guillotine sur le cou de mon petit frère chéri, me revient en mémoire à la moindre insignifiante imprudence.

Qu’elle aurait été ma vie si j’avais tué mon petit frère ? Je n’en sais rien. Je ne veux pas le savoir. Ce que je sais c’est que ce jour-là une bonne partie de mon enfance s’est envolée à tout jamais telle une nuée d’hirondelles dont on aurait détruit les nids.

Histoire de finir sur une note moins lourde, je demanderai bien aux parents du petit Louis de lui coller pour moi une petite tape de soulagement derrière le crâne. C’est qu’il nous a fichu l’une de ces frousses, ce petit gredin. Satanés gamins. Age de raison, n'importe quoi !

Un tout petit Sil

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