dimanche 24 août 2008

METHODE ASSILMIL : DIASPORA, DIASPORA PAS


Souvent sous-tendant l’antisionisme comme l’antisémitisme latent ou déclaré, on trouve l’obsession du Juif. « Mais le chuif ceci ». « Et le chuif cela ». Parlez avec un antisémitionniste de n’importe quoi, de la propulsion subluminique ou de la parthénogenèse du poulpe et il ne pourra pas s’empêcher du fait de son cerveau crochu de faire un crochet par le « chuif ». L’esprit crochu, la marque distinctive de l’antisémitionniste (fusion d'antisémite et antisioniste).

C’est ainsi que suite à mes billets du mois de juin sur l’immigration et le devoir d’intégration pour les immigrés et d’assimilation pour leurs rejetons, sous peine de retour au pays, je me suis vu rétorquer péremptoirement que « les chuifs ont aussi un pays ; ils n’ont qu’à retourner chez eux s’ils ne sont pas contents ». Une turgescence linguale un peu molle que j’ai dégonflé d’un « c’est pas faux mais pas vrai pour autant». Devant l’air circonspect de mon interlocuteur non-circoncis, qui frisait le hagard voir la rupture d’anévrisme, je me suis senti obligé de développer.

« C’est pas faux » car, depuis la re-création de l’état d’Israël, s’il venait l’idée à des Français juifs de vouloir bâtir Israël en France, il ne serait pas incongru de leur rappeler, que la France est la France et rien d’autre que la France. De leur rappeler également que depuis la Révolution française nous sommes tombés d’accord, égalité oblige, sur le fait de « tout refuser aux Juifs comme nation mais de tout leur accorder comme individus ; il faut qu'ils soient citoyens » selon la formule de Stanislas de Clermont-Tonnerre lancée en 1789 à la tribune de l’assemblée constituante.

C’est ainsi que les Français juifs comme les autres Français, qu’ils soient catholiques, protestants, agnostiques, athées, bretons, occitans, flamands ou alsaciens ont intégré le nouveau modèle français, celui de la citoyenneté, s’assimilant tous ainsi à la France. Par conséquent, assimilation oblige, d’égaux en droits et en devoirs, ils le sont également, tout comme les autres Français, égaux en matière de récriminations. Il ne me parait donc en rien anormal qu’un Français juif peste autant qu’un autre Français. Le contraire m’inquiéterait.

« Ce n’est pas vrai pour autant » car on oublie la composante « diaspora ». Celle d’une vieille nation privée d'état.

Et oui, si les Juifs sont présents chez nous (chez eux) depuis deux mille ans, ont bâti ce continent et ses nations, au même titre que d’autres communautés ethniques, sociales ou spirituelles, si les Juifs se sont adaptés, spirituellement comme conceptuellement, aux conditions d’un peuple vivant en diaspora, conjuguant ainsi le particulier et l’universel, le fait du peuple juif n’en disparaît pas pour autant. Tout comme ne pouvait pas disparaître totalement l’envie de redevenir une nation à part entière.

Alors certes, je n’en veux pas à la République d’alors de ne pas avoir réfléchi à la donnée « diaspora », afin que la nation juive soit préservée. Les priorités étaient autres. J’estime par contre qu’il est temps que nos démocraties intègrent ce concept, dans le cadre de la préservation de nations en diaspora comme dans celui des politiques d’immigration.

Je distingue en effet dans ce propos, deux types d’immigration. Je distingue celle de refuge de celle plus classiquement économique.

Dans le deuxième cas, le deal est clair. Le pays d’accueil offre à des chômeurs étrangers la possibilité de travailler et d’y construire une vie bien meilleure que dans leur pays d’origine mais exige que les immigrés intègrent ou du moins respectent sans chipoter les valeurs et les lois du pays d’accueil. Libre à eux si nos lois, notre langue, notre culture ne leur conviennent pas, de faire comme deux de mes oncles.

Le premier a laissé femme et enfants au pays. Il leur envoyait le fruit de son labeur jusqu’au jour où satisfait de sa récolte, il s’en est retourné chez lui. Le second a fondé sa famille ici mais après vingt-cinq ans « de France », comme disent les Portugais, est retourné lui aussi au pays, avec mon cousin, né, élevé et formé en France mais bien plus attaché à la nation de ses parents qu’à la sienne de naissance.

Ce sont là des démarches parfaitement cohérentes et respectables que j’opposerai toujours aux Portugais, pour ne parler que de cette immigration parmi les mieux intégrées, dont certains éléments semblent chercher à bâtir une excroissance portugaise en France. Tous ce drapeaux portugais aux fenêtres parisiennes pendant les compétitions internationales de football m'ont particulièrement gonflé. Or que nenni les amis ! Le Portugal existe en tant que nation. Si vous y êtes attachés au point de vouloir bâtir des pans de Portugal, retournez donc chez vous.

Dans le cadre d’une immigration de refuge, il en va tout autrement. Demander l’assimilation à de réfugiés, aux membres d’un peuple en fuite, privé de sa terre ou persécuté, c’est comme si vous finissiez le travail de l’oppresseur. L’effacement d’une nation et de sa mémoire.

En ce sens, s'il nous venait un jour le courage de chercher à sauver des Darfouris ou des Chrétiens d’Orient persécutés, des Tibétains dans la mesure où le pire se déchaînerait, et que sais-je encore, il conviendrait de leur offrir les outils qui leur permettraient de préserver leur mémoire et les racines de leurs nations saccagées, en attendant qu’ils puissent un jour les replanter dans leurs terres promises d’origine. Il va sans dire qu’il ne s’agit pas d’empêcher leur descendance de s’assimiler à la nation de refuge. Chacun est libre. Il s’agit juste de ne pas empêcher la préservation.

Alors pour revenir à la diaspora juive, la re-création de l’état d’Israël simplifie bien des choses, s’agissant notamment de choisir entre assimilation totale aux nations où leur présence est de toute façon pluri-centenaire, l’héritage juif ne devenant plus que religieux ou spirituel, comme pour tout autre religion, ou de partir bâtir la nation d’Israël, restée deux millénaires en friche.

De même pour parler d’une autre diaspora historique, l’existence d’une république arménienne indépendante pose la même alternative aux réfugiés arméniens et leurs descendants. Se revendiquer Arménien n’a de sens qu’en Arménie. Manifester des exigences au bénéfice de la communauté arménienne n’a aucun sens en France. Ils auront beau me rétorquer que l’Arménie actuelle n’est pas vraiment celle dont ils ont été chassés, la nation arménienne avec sa langue, son héritage spirituel et historique existe bel et bien.

Personnellement si d’aventure, histoire de rigoler un peu, la France se faisait envahir par l’Italie jusqu’aux berges de la Somme, j’irai continuer ma France à Lille. Il est vrai que mes ancêtres celtibériques ont dû me transmettre la manie du réduit de résistance. Les Asturies ayant été le refuge de mes ancêtres face à l’invasion islamique. Un refuge à partir duquel ils s’en sont allés récupérer tout ce qui était à eux.

Mais je conclurai sur une dernière nation dispersée, souvent persécutée, dont presque tout le monde se fiche, exception faite des journalistes de « Courrier International » qui leur ont consacré un numéro spécial cet été. Les Roms.

Il est vrai qu’ils sont initialement un groupe social plutôt qu’ethnique, qu’ils ne semblent pas avoir été chassés, il y a dix siècles, du nord de l’Inde dont ils sont originaires, et que la route pour nation semble provenir d’un choix. Cependant pour faire partie intégrante de notre continent depuis plus de 700 ans, et même de « son âme » puisque ces nomades ont longtemps servi de vecteur culturel, cette nation qui semble avoir les routes de l’Europe pour terre promise doit être préservée et non assimilée. Il va sans dire, là aussi, qu’il leur revient de choisir mais également, histoire d’éviter une certaine condescendance symétriquement opposée au mépris dont ils sont victimes, de leur rappeler qu’ils ont des devoirs envers les collectivités nationales au sein desquelles ils vivent ou passent. Nous en reparlerons.

AsSILmil

Illustration : « la destruction du temple », marquant le début de l’exil du peuple juif, vue par Francesco Hayez.

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