dimanche 17 août 2008

E-VANGILE SELON SAINT SIL : « QU'AS-TU FAIT DE TON HERITAGE ? »


Aujourd'hui c'est jour d'office. Or mes précédents billets ayant fortement stimulé mon lobe temporal droit, siège cérébral du sentiment religieux selon certains neurobiologistes, comme quoi c’est dieu qui siège à la droite du cortex et non l’inverse, posons nos baluchons républicains et parlons religion.

En des temps fort reculés, voir carrément arriérés, y compris pour votre divinité, Loth, un petit gars tout sauf du genre à se démonter essaya de raisonner son dieu. Celui-ci qui ne pouvait plus voir Sodome en pâture voulut la détruire. Loth en bon marchand de tapis, après avoir reproché au bon dieu de ne pas laisser sa chance au produit, lui fit remarquer très judicieusement que tous les habitants de Sodome n’en étaient pas forcément et que d’aucuns préféraient de loin une posture plus missionnaire. Son dieu lui dit « chiche, trouve m’en cinq et j'épargnerai la ville ».

Et bien il en va de même avec la cité vaticane. S'il venait un jour l'idée au dieu romain de détruire cette cité de perdition où s'entremêlent les serpents de l'orgueil, de la luxure-péderaste comme de tous les autres péchés capitaux, je dirai à ce dieu que tous les curés ne sont pas mauvais. J'en connaissais au moins un qui dans ses prêches me réconciliait un peu avec la curie. Le père Gabriel de la paroisse Saint Jacques le Majeur, dont j'appréciais certains sermons, ces samedis de messe où je daignais accompagner ma mère du temps d’une adolescence moins rebelle.

C'était le genre de curé à prier contre l'antisémitisme mais pas seulement puisqu’il appelait clairement les fidèles « à respecter nos frères aînés dans la foi ». Une sacrée marque de respect. Dans la même veine, son goût de la fraternité le fit commencer un jour son homélie par la question que j'ai placée en titre, avant d’enchaîner sur la parabole de l'enfant prodigue.

Rappelez-vous, il s’agit de l’histoire d’un homme qui a deux fils et dont le plus jeune demande un beau matin la part d’héritage qui lui revient de droit. Avec celle-ci, il part faire la fête à Ibossim, une colonie phénicienne sur l’actuelle Ibiza, connue pour ses vins et son ambiance festive. Immanquablement, ce qui devait arriver arriva. Ses ressources se tarissent, en même temps que s’abat sur Ibiza les fléaux de la sécheresse, du phylloxera, de la chtouille et de la famine. Il tente bien de travailler y compris dans un élevage de porcins mais cela ne suffit pas à le sustenter.

Ce faisant, travaillé par la faim comme par les remords, il nourrit le projet de retourner chez son père. C’est ainsi qu’il repart et rejoint la terre d’Israël en proposant ses services à un capitaine de galère phénicienne qui passait par là. Lorsqu’il franchit enfin et en loques les limites du domaine de son père, celui-ci l’aperçoit au loin. Il le reconnaît immédiatement. Le vieil homme court vers son fils et se jette à son cou. Son enfant amaigri et gêné lui dit alors « Mon père, j'ai péché contre le ciel et contre toi, et je ne suis plus digne d'être appelé ton fils ; traite-moi comme l'un de tes domestiques ».

Que nenni ! Ce père fou de joie d’avoir pu retrouver son fils le fait habiller de la plus belle tenue qui soit et donne une fête en son honneur. Le fils aîné rentre de sa longue journée de labeur alors que la fête bat son plein. Entendant des chants en provenance de la maison et croisant un serviteur qui en revient, il lui demande les raisons de ce tumulte. Le serviteur lui dit : « Ton frère est de retour et ton père a tué un veau gras, parce qu'il l'a recouvré en bonne santé ». L’incompréhension et la colère le saisissent. Tout en refusant de rentrer dans la maison, il fait appeler son père.

Celui-ci sort et demande à son fils aîné l’objet de sa colère. « Voici, il y a tant d'années que je te sers, sans avoir jamais contrevenu à ton commandement, et tu ne m'as jamais donné un chevreau pour me réjouir avec mes amis. Mais quand ton fils que voici, qui a mangé tout son bien avec des femmes débauchées, est revenu, tu as fait tuer un veau gras pour lui ». Et son père lui dit : « Mon fils, tu es toujours avec moi, et tout ce que j'ai est à toi. Mais il fallait bien faire un festin et se réjouir, parce que ton frère que voilà, était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu , et il est retrouvé ».

« Qu’as-tu fait de ton héritage » fut la question qu’utilisa le père Gabriel aussi bien pour conclure cette parabole que pour introduire son sermon. Un sermon que je n’ai pas vraiment écouté tant cette question me raisonnait dans la tête. Un son de cloche qui finit par me faire entendre cette parabole d’une autre façon.

Jésus n'est pas celui qui condamne une vie de bohème ou qui la justifie. Jésus est tout simplement le frère sans colère, celui qui ne se satisfait pas de la chute de son frère dans le dessein de prendre toute la place dans le cœur du père. Jésus est celui qui accueille avec bonheur son frère prodigue et qui l’aide à se relever quand celui-ci comprend enfin qu'il a chuté. Car Jésus est en effet « le digne fils de son père », l'héritier qui honore son héritage en respectant non seulement les commandements du père, mais surtout son amour. Jésus est donc l’homme de l’héritage. Il ne peut pas être celui de la rupture avec ses frères. « Que fait-il de son héritage ? » Il le partage avec ses frères.

En ça il pourrait rejoindre les républicains. Il ne se sert pas de son héritage afin d'établir un pouvoir sur ses frères, comme marque de distinction, d'élection ou de séparation. Son héritage est le fruit du travail et non de la rente, du respect des lois et surtout d'une spiritualité qui pousse au partage fraternel, à la réjouissance en commun, sûrement pas à l'exclusion.

Et vous religieux juifs, chrétiens, musulmans ou autres, qui tous vous revendiquez du même père, qu’avez-vous fait de votre part d’héritage ? Vous qui vous querellez sur le fait de savoir lequel d’entre vous serait le digne fils du père, n’avez-vous pas l’impression d’agir en enfants capricieux, souhaitant pour eux seuls la maison de leur père ? Un comportement très loin du respect et de l’amour entre enfants de la même maison, que prônait Jésus, l’un des enfants de votre père.

« Qu’as-tu fait de ton héritage ? » Une question qui m’en rappelle une autre. Celle que ce dieu posa à Caïn après qu’il a tué son frère. « Qu’as-tu fait de ton frère ? ».

Saint SILpice

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