mercredi 7 août 2013

Université : le voile de la dispute (si seulement)


Un rapport officiel du Haut Conseil à l’Intégration (HCI) préconise l’interdiction du voile à l’université, ce qui fait grand bruit. Tu m’étonnes !

Que l’on assiste «à une montée des revendications religieuses» comme l’indique si bien Jean-Louis Auduc directeur adjoint de l’IUFM de Créteil, et ancien membre de la mission laïcité du HCI, est un fait. Que ces revendications soient le fait à 90% des très zélés thuriféraires d’une « grande religion » en particulier, comme personne n’ose le dire pour ne pas rendre ses représentants hystériques, est une autre évidence. Qu’il faille trouver des solutions à cette offensive religieuse et communautariste, qui suscite en réaction des sentiments de rejet toujours plus grands (le résultat du sondage ci-dessus en étant l’une des illustrations), et des risques d’amalgame, exploitables par notre extrême-droite nationale comme par l’extrême-droite islamique, est un impératif.

Cependant, ce n’est pas en proposant des mesures liberticides, en chatouillant la paranoïa islamique, et en donnant une définition kémaliste à notre laïcité que l’on y parviendra. Précisons en effet que là où la conception kémaliste (du nom du père de la Turquie moderne, Mustafa Kemal Atatürk) de la laïcité se définit par une religiosité soumise à l’autorité de l’Etat, notre laïcité se définit par la stricte séparation du religieux et de l’Etat afin d’assurer le respect des libertés individuelles.

Or, justement, si les signes religieux ostentatoires peuvent être interdits dans des écoles où un public mineur forme une conscience en devenir, comment adopter la même logique dans des établissement universitaires alors que l’on a affaire à un public d’adultes exerçant pleinement leurs droits et devoirs ?

Au nom de la neutralité ? S’il y a bien un lieu où la neutralité est hors sujet c’est bien là. L’université ne saurait être un lieu neutre, propre, lisse, pour la bonne raison que sa tradition et ses origines plongent justement dans tout l’inverse. Je parlerai de la disputatio, cette tradition de dispute argumentée théologique et savante qui est la marque de fabrique de nos universités depuis le moyen-âge.

Aussi, au lieu d’interdire et de favoriser la victimisation d’une minorité, que l’on se quiche la tête joyeusement autour de ces questions, de l’islam, du voile ; du port de ce symbole obscurantiste dans un lieu de lumières et de savoir ; du port d’un symbole de soumission par des jeunes femmes dans un pays ayant conquis l’égalité des sexes et ayant la liberté pour valeur fondamentale. Retrouvons nos traditions, bon sang ! Ressaisissons nos valeurs, martelons-les, confrontons-les, pour aller de l’avant, au lieu de battre en retraite en adoptant des postures d’assiégés.

Il existe assez de lois pour contrecarrer le prosélytisme agressif et les troubles à l’ordre public des petit(e)s islamistes à l’université et ailleurs, sans toucher aux libertés. Certes cela suppose que chacun prenne ses responsabilités. Par conséquent, aux différents responsables d’en faire preuve et surtout d’exercer leur devoir d’autorité au lieu de se planquer dans leurs bureaux comme c’est bien trop souvent le cas. A la limite, on pourrait envisager une mesure, si elle n’est pas déjà existante. Celle d’obliger les étudiantes voilées à se découvrir lors des examens, pour de simples mesures de sécurité et d’équité devant les épreuves. Histoire tout simplement de s’assurer qu’elles ne dissimulent pas des dispositifs de fraude via écouteurs sous leur voile. Imparable, non ?

Pour conclure, nos universités, tout comme notre société, ont besoin d’un très sain retour à la dispute argumentée, d’aller à l’essentiel, c’est-à-dire au débat de fond, surement pas de verser toujours plus dans la censure, d’origine étatique mais aussi religieuse, dans les tentations liberticides, ou dans une forme hygiéniste ou maniaque de la laïcité qui ferait la chasse à tout ce qui lui chatouillerait le nez.

En cela je partage totalement l’avis du député UMP Hervé Mariton opposé à une telle proposition :

« J’ai participé aux travaux qui ont conduit à l’interdiction du port de signes ostensibles de religion à l’école. C’est une loi efficace, respectée, qui a permis de résoudre des problèmes apparemment sans fin. J’ai voté la loi interdisant le port de la burqa dans l’espace public. Mais l’interdiction de tout signe ostensible ne me paraît pas pouvoir s’appliquer à l’université comme au collège, à l’école ou au lycée. D’une part, on est avec des adultes, qui prennent leurs responsabilité, d’autre part il faut trouver – c’est la vie politique et c’est la vie tout court – le bon équilibre entre l’exigence de laïcité, de neutralité de l’espace public et le choix des personnes d’exprimer une conviction religieuse. Oui à la laïcité et oui au respect des convictions des personnes, c’est un équilibre subtil, il est de notre responsabilité de le respecter »

Ceci étant dit, longue vie au HCI, en espérant que ce rapport datant un peu, et soudainement mis en lumière, un peu comme un lapin sorti du chapeau, n’affaiblisse pas cette vénérable et indispensable institution.

Sil

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