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Je reviens de chez mon psy. Ça va mieux. Ouf ! À un certain moment, j'ai cru que perdais les pédales. Comprenez-moi. Les bourses s'alarment, les Golden boys s'affolent, les banquiers s'inquiètent, notre président s'agite… tout le monde à la télé semble paniquer et moi pas. Inquiétant non ? D'autant plus que j'ai beau scruter tout mon monde d'un œil inquisiteur, personne autour de moi ne semble tarabusté par la crise des marchés financiers. Pourtant j'insiste. Je presse tout mon monde de questions du genre « t'es certain que la crise des subprimes ne te fait pas flipper ? » Et bien non, pas l'ombre d'un affolement. Une conclusion s’impose. Je suis entouré de malades. De quoi consulter. Franchement une telle absence de panique ne peut qu'être l'expression d'une morbidité latente. Donc je consulte
« La Finance a peur et pas moi ! Est-ce grave docteur ? » Mon psy accueille mon absence d’angoisse d'un air inquiet. Un signe. Un peu abruptement, il me demande si je ne cacherais pas derrière ce bien-être outrancier une jubilation quelconque face à la débâcle des marchés.
Je ne lui cache pas que de voir tous ces branleurs de courbes haussières, les bourses à vide, en train de s'éclater mutuellement, du bout des ongles d'une Main Invisible, les furoncles spéculatifs qu'ils se sont collés sur le visage, ne va pas sans me donner la trique. Que voulez-vous, je suis comme beaucoup de monde. Ce n'est pas que je déteste la finance, je méprise juste, comme pas mal d’autres cultes, celui de la spéculation et son clergé. Avec quelque chose d'accru chez l'ancien élève de Jacques Marseille que je suis. Celui-ci, avant de devenir un bon petit fonctionnaire de la Rente, nous avait expliqué que « les trente glorieuses » (1945-74), l'une des plus mémorables phases de croissance que l'économie mondiale a connu, ne devait presque rien à la Finance. Les bourses ayant joué un rôle marginal pendant toute cette période.
Par conséquent, si je ne rêve pas d'assister à des envolées de banquiers par les fenêtres, le mien m'étant particulièrement attaché par le soutien qu'il a toujours su accorder à l'activité de mon entreprise, l'idée de voir ces sales-gosses ramasser des pommes de terre dans un camp de rééducation par le travail, au lieu de jouer les fonds de ma banque à la roulette russe ou comme on joue à la Playstation, me ferait bien marrer ( !)
Comme me fait bien rire l’expression qui se fige sur leurs faces de monteurs de taureaux de rodéo financier lorsque goguenard je les alpague avec le jet de lasso suivant. « Dites-moi mes petits gars, vous qui prétendiez que le Marché peut tout et les États pas grand-chose, une interrogation me vient subrepticement à l'esprit. C'est moi où les États, en y incluant même les plus moisis, font faillite beaucoup moins souvent que ne s’écroulent vos temples de la Finance ? Sérieux, si les États devaient péter aussi souvent que vos méga-bulles spéculatives, où irait le monde, non ? Comme quoi l'État peut à l’évidence un peu plus que le Marché et nos gouvernants dirigent bien mieux nos affaires que vos capitaines d'industrie ».
« Mais non, le Marché a toujours raison » me rétorquent-ils en général et le professeur Guy Millière en particulier. Infaillible comme le pape, le Marché est. « Tout ce fourbi est le fait des méchants papas-États qui ont incité les marchés à accorder des prêts à des gueux en mentant sur la solvabilité de ces manants. Moralité, il faut déréguler ».
« Bonjour les enfantillages » réponds-je. « Si je comprends bien, le Marché a eu raison de se planter en suivant la direction indiquée par les États et ce alors que les agents financiers érigent en dogme la méfiance envers l'État. Le complot étatiste ayant été parfait jusqu'à ce que les premières faillites le mettent à jour. Ben tiens. Encore une victime du syndrome Bigard. »
À moins qu’il ne s’emmêle aussi mala-droitement qu’idéologiquement les pinceaux entre le principe de « régulation », aussi nécessaire (et évident) pour l’économie qu’un code de la route l’est pour les véhicules ou un code pénal pour les bestiaux que nous savons être, et le principe de « politique économique », pas toujours nécessaires, pas toujours utiles et parfois catastrophiques comme le démontre cette crise. Mais revenons à nos moutons du Marché…
À l'évidence le Marché n'est pas encore mûr. Le sens des responsabilités, il ne connaît pas. D'ailleurs pour preuve, que je rappelle assez souvent, et dont nous assistons ces jours-ci encore une fois à la démonstration, quand un « responsable » financier ou industriel commet une faute grave, au lieu de quitter honteusement l'entreprise qu'il a mis à mal, un peu comme tout salarié viré pour faute, il exige que sa sortie se fasse par un escalier monumental en or massif. Ah ben, c'est sûr qu'avec des parachutes dorée, nos financiers peuvent se défenestrer sans craindre le crash. Infaillibles qu'on vous dit, y compris dans la faillite.
« Infailliblement schizophréniques, n'est-ce pas docteur ? »
C'est là-dessus que mon psy interrompt mes sarcasmes d'une bien drôle de façon et sans trop de rapport avec ce que je venais de dire. Un peu comme si j'avais mis plus haut le doigt sur un point de fixation psychique et qu'il s'était retenu jusqu'alors.
Il me dit que depuis plus de vingt ans, il est indéniable que la Finance a servi de locomotive à la croissance de nos économies. « Toutes les courbes le démontrent y compris les miennes ».
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Sentant qu'il a besoin d'en parler, je me redresse sur mon divan, me tourne dans sa direction et lui demande de s'expliquer. Après avoir lâché le crayon avec lequel il griffonnait rageusement des courbes en dents-de-scie sur son carnet de notes , il se prend la tête à deux mains et me confesse en rougissants qu'une partie des payements effectués en liquide par ses clients sont soustraits au Fisc puis planqués dans des placements financiers à l'étranger. Jusqu'à présent il doit son enrichissement à ces placements mais depuis quelques temps, il s'inquiète. Je compatis.
« Vous voyez docteur que je ne fais pas dans le jubilatoire ». Il acquiesce et m'en remercie.
Je compatis mais surtout je comprends subitement pourquoi notre président, aux stalactites de sueur accrochées aux tempes et le teint particulièrement blafard, se démène comme un damné des marchés afin de sauver notre système financier. Car me revient en mémoire sa déclaration de situation patrimoniale effectuée lors de son élection présidentielle. Cette même déclaration qui me confortait déjà dans le fait de ne pas avoir voté pour lui. Comment faire confiance à quelqu'un qui dit vouloir une France de propriétaires alors que tous ses biens sont placés en actifs financiers. Même pas un petit pied-à-terre. Un peu comme s’il exprimait une volonté de pouvoir quitter le pays à tout moment. Désolé mais cela n'inspire aucune confiance au pécore que je suis. Chez nous c'est la pierre d'abord, les bas de laine ensuite. En tout cas pour revenir au pécule du président, je comprends mieux son angoisse. Il risque gros dans cette affaire. Pas loin de deux millions d’euros. Cet imprévoyant a mis tous ses œufs dans le même panier. Voilà pourquoi il se démène.
Et dire qu'on le taxe d'hypocrisie ou de cynisme, l'accusant de vouloir réguler à l'échelle du monde tout en continuant de déréguler à l'échelle du pays. Non c'est certain, il panique et dans la panique il ne sait plus trop à quel saint se vouer. En tout cas, sur la gestion de cette crise financière, je lui fais entièrement confiance pour le penser sincère. Bien plus confiance en tout cas qu’à sa Tocarde de ministre, prétendument au fait de ces questions. De toute façon notre président n'est jamais aussi bon que lorsqu'il flippe sa race. Je constate d’ailleurs qu'il a compris que dans un marché entièrement mondialisé mais pas encore galactisé, aux multiples puissances émergentes contrairement à 1929, les fonds ne s’évanouissent plus dans des Terra Incognita, restent bien à la surface du Globe et que par conséquent il nous faut établir des alliances financières afin que nos économies ne tombent pas dans des mains inamicales. Ce qui explique peut-être aussi son voyage en Inde.
En tout cas « vas-y mon Nico, je te soutiens, moi ! »
Cela dit comme il ne faudrait pas qu’il nous pète une durite à cause de cette vilaine affaire, j’ai tout de même envie de le rassurer. En moins de dix ans on nous a déjà annoncé la mort du capitalisme galactique à trois reprises, une avec la bulle Internet, deux avec The Bug de l’an 2000, trois avec un pétrole à plus de 100 dollars. Or force est de constater qu’il est toujours là. Peut-être qu’une multitude de couilles en or, cela rend solide les reins du capitalisme mondialisé. À peine besoin d’une petite dialyse de temps à autre.
« Vous voyez docteur, après moult introspections, toujours pas de jubilation particulière ».
De toute façon, je dois avouer que l’idée de partager celle affichée par nos cassandres gaugauches me file des plaques de psoriasis sur tout le torse. Or je refuse de somatiser à cause de tous ces dépressifs malthusiens. C'est que ces gens-là me font décidément penser à des témoins de Jéhovah. Après tout le Marx des premiers et le fondateur Charles Russell des seconds sont plus ou moins contemporains. Alors que le gourou biblique annonçait la fin du monde pour bientôt, le gourou du communisme annonçait que le capitalisme connaîtrait sous peu son apocalypse, selon la formule « à la fin, Profit = 0 ».
C'est ainsi que ces pigeons de mauvais augure annoncent fréquemment l'apocalypse sans jamais nous expliquer quels dangers bien réels nous guettent. Pour illustration, à part nous seriner que le système financier allait dans le mur, aucun n'avait prévu la crise des subprimes. Seuls quelques économistes très classiques y sont parvenus. Normal après tout. Les anticapitalistes ne sont que des loosers, des météorologues du lendemain de la veille, des découvreurs d’eau bouillante. « Si vous laissez faire le capitalisme, il nous mènera tous à notre perte ». Ben oui, si vous laissez faire la vie, elle vous mènera à la mort. La voilà, la grande découverte de Marx-le-morbide. Il était juste incapable de comprendre que le capitalisme à l’instar de l’humain adore contrarier la mort en cherchant des remèdes aux maladies de la vie.
Se caressant sa barbe de trois jours, mon psy jette son diagnostic. « En effet, pas l’ombre d’une tendance morbide ». « Mais dites-moi », poursuit-il dubitatif, « absolument rien ne vous inquiète dans cette histoire ? »
Pour tout dire, si! En marge de cette histoire, deux trois trucs me font perler quelques goûtes de sueur le long de ma colonne vertébrale. « Lesquels ? » me demande-t-il.
1- Les réactions lamentables dans mon camp politique. Entre Delanoë qui manifeste son soutien aux nord-américains en allant faire ses emplettes à New York du côté de Macy’s et notre espèce de gourou attalien sorti d’un ashram poitevin qui fait dans le Ségolène comédie club, sans Jamel ni Fabrice Eboué, se ramassant à l’écrit comme à l’oral dans cette tentative d’intégrer l’Ecole Nationale du Rire, on peut dire que l’on n’est pas sortis de notre auberge espagnole sise au 0 bis rue de l’impasse socialiste. Même mon Maître DSK est décevant dans cette affaire. Alors qu’il se retrouve avec une occasion « en or » de jouer les Boss au niveau mondial et d’escompter un bénéfice politique à terme, on ne le voit quasiment pas à l’oeuvre. Même si ses marges de manœuvre sont faibles, ça n’empêche pas d’en faire des tonnes, à l’instar de notre président qui sortira gagnant de cette histoire lorsque tout repartira à la hausse. Et oui, ça sert toujours de mouiller le maillot.
2- Les emplois et les maisons bien réelles dont pas mal de gens vous se retrouver privés pendant un certain temps.
3- Lorsque je rattache tout cela à la montée des extrêmes bons-à-rien de gauche et bon-aryens de droite, notamment en Autriche. Au passage vous pouvez lire à ce sujet l’excellente chronique de mon bon maître Adler qui pour une fois met en plein dans le mille ;-)
« Vous me rassurez », conclut mon psy. « Je peux vous laisser partir au lieu de vous interner d’office comme je le prévoyais au début de cet entretien ».
« Merci docteur, cela fera combien ? » « 100 euros » me dit-il en baissant les yeux. « Ben, c’est pas 50 d’habitude »… « Si mais comme je suis beaucoup plus inquiet que vous, vous comprendrez que… »
Finalement, je sens que les « Game Over » et autres symptômes dépressifs de nos Otaku de l’économie vont finir par me coûter fort cher en psych-analyses économiques.
SILacan
Addendum du 08-10-08 : Mon bon Maitre DokhoSK, s’est visiblement réveillé. Une très bonne chose.
Addendum du 09-10-08 : Dans le mille Mimile ou plutot SiSil. Quand je parlais de rachats possibles de nos économies nationales par des fonds souverains et autres bas-fonds inamicaux, je ne pensais pas si vite dire. J’apprends que la Russie rachète l’économie islandaise, ou pour ainsi dire, rachète l’Islande (!) Heureusement que la Russie est notre amie ;-)