mercredi 9 avril 2008

DE L’ECONOMIE OTAKU AU KAROSHI


Il y a de ça un an, je vous parlais du phénomène grandissant des suicides au travail aussi bien au Japon, désigné là-bas par le terme de Karoshi, que chez nous en France. Un an après, en même temps que de nouveaux cas se font connaître, notamment chez PSA et chez Renault, on s’attaque au problème non pas en prenant le veau d’or par les cornes mais en nous prenant pour des cons.

Chez PSA ou Renault, tout en augmentant les objectifs comme les cadences et par conséquent la pression, on décide de mettre en place des cellules de veille du stress et d’enseigner aux salariés comment le gérer. Toujours la même nouvelle rengaine. On fuit ses responsabilités sociales en les faisant reposer sur le salarié. « Après ce petit stage, si vous ne réussissez pas à gérer le stress que nous faisons peser sur vous, c’est que vous êtes trop nul pour rester dans notre entreprise… »

Au niveau de l’Etat, d’un côté, on commande des enquêtes sur le stress au travail, comme quoi il faut vraiment s’appeler Bertrand pour ne toujours pas savoir ce que c’est, ou on apprend de nouveaux mots tels que « risques psychosociaux » ou « troubles musculo-squelettiques », de l’autre, on suit à la lettre les nouvelles vulgates managériales. On cherche à accroître exponentiellement les facteurs de productivité afin de baisser les coûts. Par conséquent on fait pareil que dans le Privé. On décide collectivement de supprimer un poste sur deux tout en exigeant du fonctionnaire qu’il double sa productivité, étant donné que l’usager redouble d’exigences s’agissant du service public, le tout en promettant au fonctionnaire deux-trois cacahouètes. Logique !

Et oui l’Etat se désocialise à l’heure ou le capitalisme se bolchevise. « ??!?? ». Ben oui, camarades, n’avez-vous pas remarqué que les recettes managériales en vogue depuis plus de dix ans ont comme un goût très prononcé de soviétisme appliqué au libéralisme. Sans doute le legs d’anciens gauchistes passés au libéralisme financier. Après tout si les méthodes productivistes du communisme soviétique ont réussi à faire fonctionner pendant presque un siècle un système pourri, reposant sur du néant, imaginez l’efficacité de telles méthodes appliquées à notre système capitaliste.

Qu’est-ce que l’open-space si ce n’est la surveillance de tous par tous. Qu’est-ce que la contractualisation des objectifs et l’évaluation individuelle si ce n’est une forme de stakhanovisme. « Tu n’a pas été assez productif camarade, fait donc ton autocritique ». « Tu m’as permis d’atteindre mes objectifs camarade, merci ; Les tiens augmenteront de 10 % l’année prochaine ; mes bénéfices aussi ; voilà tes deux cacahouètes ».

Plus besoin d’encadrement puisque chacun est son propre cadre, puisque tout le monde encadre tout le monde. Tous des cadres. Ça c’est de la promotion sociale. Plus besoin de dirigeants pour assumer des responsabilités. Il leur suffit d’ordonner puis d’encaisser, que la société y perde ou gagne. Les responsabilités reposent désormais à titre individuel sur les épaules de chaque salarié. Tous des dirigeants. La révolution est en marche, il n’y a pas de doutes. Vive la liberté ! Celle des ronds de cuirs qui jouent à l’économie virtuelle grandeur nature, qui jouent à Sims avec nous pour profiles.

Et tout ça pour quoi ? Pour le bien de l’Humanité, pour la recherche, le savoir, la conquête spatiale, résoudre les problèmes de l’eau, de malnutrition, de santé, des déchets, d’énergie, d’habitat, de transports, ou ne serait-ce que pour nous doter de nouveaux biens d’équipement qui nous simplifieraient la vie ? Que nenni !

Toute cette pression pour des biens de consommation, pour des produits financiers, pour le consommer moins cher, pour le vivre gratuit, sans coût, sans taxes, sans but, manger pour manger, vivre pour manger et non pas manger pour vivre. Les courbes de l’obésité financière comme pondérale étant là pour le démontrer. La seule régulation résidant dans les vomitifs qu’ils soient alimentaires ou spéculatifs.

Tout ça me fait décidément penser aux « otakus », ces adolescents asiatiques qui vivent dans leur bulle, spéculant sur la réalité tout en vivant dans le virtuel à longueur de journée, sans aucun projet si ce n’est atteindre des objectifs qui ne servent à rien, sur des écrans qui les rendent myopes et ce jusqu'à ce que mort s’en suive. Une autre épidémie accompagnant celle du karoshi.

Pendant que les parents se tuent en exécutant des taches de plus en plus dépourvues de sens, leurs adolescents s’abîment dans la même virtualité que celle qui tue les adultes. Bien souvent dans des jeux où l’objectif est la prédation. La boucle est bouclée. Player-killer et cost-killer même combat.

Tout ça n’a aucun sens, alors que le sens est l’un des moteurs de l’Humanité, sauf peut-être pour les concepteurs des règles de ce jeu économique comme vidéoludique. La règle du vivre pour manger. Et dire que Pac-Man l’un des premiers jeux vidéo annonçait déjà cela. Pouah !

Moralité : le gauchisme n’est pas la maladie infantile du communisme. C’est le communisme qui était la rougeole du capitalisme. Un capitalisme ayant le Pacmanisme pour poussée d’acné. Vivement l’age adulte. Peut-être le Yunusisme du docteur Muhammad Yunus à moins que ce ne soit le RMIsme expliqué ici par le professeur chaos... qui sait ?

SIL console vidéoludique

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