vendredi 14 août 2020

Chroniques de Guerre Sanitaire (6/9) : quand les masques tombent

 

L'action du théâtre comme celle de la peste est bienfaisante, car poussant les hommes à se voir tels qu'ils sont, elle fait tomber le masque, elle découvre le mensonge, la veulerie, la bassesse, la tartufferie.  Antonin Artaud

 

(Après le  "Chapitre 1 - ça commençait pourtant bien" ... le "Chapitre 2 - Les Roses du Rhin"... le "Chapitre 3 - ça part en cacahuète"... le  "Chapitre 4 - tout est devenu flou"... le "Chapitre 5 - la comédie des pouvoirs"... voici le chapitre 6 de votre feuilleton sanitaire estival )   

 

Lorsqu’on y pense, une bonne corona à la main, et des chips dans l’autre, rarement situation historique n’aura été aussi ironique. Jamais un bien de première nécessité, n’aura été aussi manquant que présent dans l’air du temps.  De fait, malgré la pénurie, tout le champ lexical du masque aura été employé. Car finalement tout aura été une affaire de masques.

La pandémie aura avancé masquée parce que la Chine aura masqué la vérité. « Tout l’art de la guerre est basé sur la duperie » écrivait le grand stratège chinois Sun Tzu. Or si la Chine n’avait pas été la première victime de cette peste pangoline, on aurait presque pu croire qu’elle nous faisait la guerre. Mais non ! L’ennemi commun du genre humain est bien ce virus. 

Aussi, nous espérions, que les généraux chinois mais surtout les nôtres, finissent par duper le virus. Espoirs déçus puisque nous nous sommes vite rendu compte que les faces masquées qui nous gouvernent ont surtout cherché à duper l’électeur afin de masquer leurs manquements.

« Leurs discours n’étaient que des masques qu’ils appliquaient sur leurs actions » Stendhal.

Un bal des hypocrites où les masques n’avaient pas le charme du carnaval vénitien mais la flippante farce d’une fête d’halloween. De quoi nous donner l’envie de leur appliquer un masque de fer à vie, histoire qu’ils s’effacent à jamais de notre vue.

Mais nos gouvernants ne sont pas les seuls incriminés. Collectivement, quel que soit la strate de la société, nous avons tous participé, à un moment ou un autre, à ce théâtral jeu de dupes.

Faute de Chevaliers au heaume d’acier, nous avons attendu un vengeur masqué pour nous protéger. Et finalement nous l’avons eu, dans une version aussi violente qu’inattendue. Le vengeur masqué fut celui du principe de réalité. Car pour citer mon très cher Sénèque « personne ne peut porter longtemps le masque » ; et même ce moins cher Rousseau « au moindre revers funeste, le masque tombe, l’homme reste et le héros s’évanouit ». Or l’homme n’était pas toujours beau à voir.

A défaut de sauveur, nous nous sommes mis à naviguer entre deux îlots pulsionnels, les deux  îlots qui ont séparé les confinés de notre pays, et plus largement du monde entier. La pulsion de vie et la pulsion de mort.

A bord de notre paquebot national mis en quarantaine, ballotés par les divers courants de l’information, nous avons hésité entre lucidité et déni, prudence et pusillanimité, courage et lâcheté, pragmatisme et dogmatisme ; nous avons cherché à vivre ou à nous enfermer comme une huitre.

Dans un réflexe de protection, du haut jusqu’en bas de la pyramide, de la première classe jusqu’au fond de cale, chacun s’est fabriqué une coquille de noix psychologique ; chacun s’est plus ou moins enfermé dans une sorte de bulle, qui amenuisait ses capacités de perception de l’ensemble, et grossissait les traits de sa personnalité propre comme celle de son groupe d’appartenance.

Le pouvoir politique en place a souvent hésité entre protéger le pays et se protéger lui-même ; récolter l’avis des scientifiques pour mieux décider ou alors cacher son incapacité à décider en se planquant derrière les avis fluctuants des scientifiques.

Lorsque j’ai vu la rapidité de prise de décision à Taiwan, en Corée ou plus près de chez nous en Allemagne ou au Luxembourg, j’ai eu honte pour notre classe politique française.

« Mazette ! Même ces nabots de dirigeants portugais nous mettent bien bas !» maugréais-je en regardant les infos télévisées. De fait, une semaine avant leur confinement, le Président portugais avait annoncé qu’il se confinait en invitant la population à faire montre de la même prudence, en application de ce bon vieil adage portugais « toda cautela é pouca », « toute prudence n’est jamais de trop ». Le gouvernement de Lisbonne qui envisageait de fermer les écoles dès le 16 mars avait demandé l’avis de son conseil scientifique. Celui-ci indiquait avoir besoin de temps pour déterminer si les enfants étaient contagieux ou non. Chose à laquelle le gouvernement portugais a répondu d’un : « Ok les petits gars, on va faire un compromis ; vous, vous débattez ; et nous, nous décidons ». Le 16 mars, les écoles portugaises étaient fermées.

Certainement les effets positifs des échanges de longue date entre le Portugal et la Chine. Le célèbre stratège chinois Sun Tzu, en parlant des « conseils scientifiques » de la Chine antique, disait : « Si les devins ou les astrologues de l'armée ont prédit le bonheur, tenez-vous-en à leur décision ; s'ils parlent avec obscurité, interprétez en bien ; s'ils hésitent, ou s'ils ne disent pas des choses avantageuses, ne les écoutez pas, faites-les taire. »

Pendant que les Portugais s’inspiraient de Sun Tzu, en passant outre les conseils de leurs scientifiques « devins », le gouvernement français s’engluait dans les très oiseuses délibérations des druides « scientifiques » gaulois. Je sais bien que la tradition politique française estime, depuis belle lurette, que le pouvoir doit se mettre en scène et s’autoprotéger, mais tout de même !

Et puis cette détestable conclusion à laquelle le pouvoir est parvenu. Se dire qu’il fallait apeurer, culpabiliser, infantiliser la population pour la pousser à accepter les mesures de protection contre le virus. Comme si une communication cohérente, responsabilisatrice et faisant sens n’était pas suffisante.  Encore eût-il fallu en avoir une.

Enfin ! Que l’appareil politique nous déçoive, nous dirons que nous y sommes habitués. Mais s’agissant des médecins, ce n’était pas forcément le cas.

Nous avons découvert un système scientifique et médical de connivence étatique, tout en étant gangréné par la corruption ou les conflits d’intérêt privés. Le tout aux conséquences funestes.

Je ne parle pas seulement des discours contradictoires que ces Docteurs Knock nous ont tenus sur le virus, les tests ou les masques.

Ou encore de leur querelle entre Marquis parisiens et Barons provinciaux de la médecine. Il y aurait beaucoup de choses à dire au sujet du Professeur Raoult. Comme chez beaucoup de ses collègues, il y a prendre et à laisser chez ce « Zidane de la médecine ». Son ego démesuré, les contradictions dans lesquelles il se prenait parfois les pieds, et ses petits arrangements avec la vérité, sont critiquables voire risibles. Pire, sa faculté à prendre pour argent comptant toutes les informations qui venaient de Chine avait quelque chose de désappointant pour ne pas dire suspect. Toutefois, outre un CV bien garni, il  avait ses résultats sanitaires pour lui. Il avait d’ailleurs clairement annoncé dès le début de l’épidémie que son urgence ne serait pas de faire de la recherche mais de tester-isoler et soigner en répondant à la maladie par un protocole de soins. L’ostraciser et lui faire la guerre, pour mieux briller auprès du Prince, ou bien servir des intérêts privés, a quelque chose de pitoyable.

Non ! Je parle surtout de leur incapacité à appréhender la réalité économique et sociale du pays.

Quel spectacle ahurissant que celui de voir de brillants médecins, soit le haut du panier universitaire du pays, appeler à un confinement strict de six mois et plus, histoire que le système hospitalier puisse gérer le mieux possible la vague épidémique ou bien qu’il puisse s’assurer (sans la moindre certitude) que le virus ne bouge plus. Le tout au mépris de la survie économique du pays, et donc de la vie tout court.

C’est un peu :

·      comme si  les flics criaient « maintenez le confinement le plus longtemps possible, ça fera moins de délinquance » ; 

·      comme si  les profs couinaient « laissez les élèves confinés, nous nous nous ferons moins chahuter »

·      comme si  les postiers déclamaient «  restez chez vous ! nous serons certains de distribuer vos recommandés »

·      comme si les écolos ânonnaient « confinez ! confinez ! On respirera mieux » ; ah ! oui ! c’est vrai ; ils l’ont dit. Tu parles d’une qualité de l’air ; un air sans liberté ; où est la qualité !

Moralité, le nombrilisme en blouse blanche venait d’inventer le concept de : science et bonne conscience n’est que ruine des nations.

Le tout en n’étant pas certain que la tête du corps médical ait fini par percuter la dangerosité pour le corps social que constituent les 20% de PIB de dette supplémentaire. 20% de dette en plus pour leur simplifier la tâche. Cela me donnait tout sauf envie de les applaudir tous les soirs à 20 heures. 140 milliards d’euros de dette en plus qui sont la conséquence directe des modèles mathématiques flippants pondus par les geeks de l’épidémiologie. Des modèles remis au gouvernement prévoyaient, courant mars, pour la France, entre 300 000 et 500 000 morts en l’absence de confinement.

Mais je suppose que cela ne les chagrinera pas trop, persuadés qu’ils sont d’avoir sauvé des milliers de vie. D’autres modèles fumeux pondus début mai prétendaient que 60 000 vies avaient été sauvées par le confinement :

·    Des pays, comme la Suède ou les Pays-Bas, n’ayant pas confiné leur population, ont beau démontrer l’inverse, avec des taux de mortalité proches du nôtre…

 

·    Des pays, comme le Luxembourg, ayant fait le choix de faire tout ce qui était en leur pouvoir pour fournir des masques à leur population, ont beau avoir eu bien moins de victimes que nous, tout en gardant leur pays ouvert et en état de marche…

Rien n’y fait !

Notre Conseil scientifique médical, bien français, tel le coq gaulois coqueriquant sur son tas de fumier, continue de vanter sa victoire stratégique au sommet du tas de cadavres humains et entrepreneuriaux. Sans doute l’une des raisons pour lesquelles les médecins ont longtemps tenu à conserver le monopole du port du masque. Comme dit le proverbe « le masque est le meilleur moyen de ne pas être reconnu par les familles des victimes ».

Une mascarade qui se poursuivra par les exigences d’augmentation des moyens de l’hôpital et des salaires des soignants. Bien évidemment, ces augmentations sont justifiées, mais comme personne ne semble vouloir les ramener à la réalité budgétaire, j’ai bien envie de leur dire : on augmentera les salaires des soignants mal-payés lorsque vous appellerez ou que vous trouverez le courage d’accepter la suppression de postes d’administratifs sanitaires surpayés !

En guise de baisser de rideau sur cette comédie, j’espère juste qu’après avoir déboulonné de la sorte, aussi bien le mythe de leur omniscience que celui de leur omnipotence, notre corps médical ne s’étonnera pas trop de voir plus de gens qu’auparavant se tourner vers des charlatans.

Côté médias, je n’ai pas été trop déçu non plus. Je suis habitué à ce que nos infocrates, passés par cette école de l’entre-soi qu’est Science-Po Paris, avant d’entrer au Centre de Formation (« formatage » est plus approprié) des journalistes, n’aient pas trop à cœur de fournir au citoyen une information des plus complètes qui soit. Plutôt que d’exercer leur mission d’information et de contre-pouvoir, nos infocrates sont persuadés qu’ils sont là pour éduquer le populo, former notre pensée. Quelle pantalonnade !

Histoire d’être juste, j’ai bien assisté à des débats aussi riches qu’intéressants, chez Pujadas sur LCI ou sur CNews. J’ai également bravé le confinement pour me procurer mon mercurial Canard dans l’espoir d’y lire du brutal.

Mais c’est tout ! Et à mon gout c’est bien trop peu pour une démocratie aux grandes ambitions telle que la nôtre.  

L’info-en-continu tournait en boucle comme un disque aussi névrotique qu’angoissant.

Au mieux, il y avait quelque chose de ridicule à regarder nos guignols de l’info faire les malins chaque semaine, avec le nouveau mot ou concept qu’ils venaient de découvrir : cluster, taux de reproduction du virus, charge virale, agueusie, asymptomatisme, super-contaminateur, courbe épidémique, respirabilité des masques, FFP2, écouvillonnage, etc.

Au pire, il y avait quelque chose de délirant, à voir les médias nous servir la soupe gouvernementale au fur et à mesure qu’elle sortait du mixeur institutionnel. Comme quoi le journaleux ça avale tout, c’est même à ça qu’on le reconnaît.

Comme il ne fallait pas compter sur l’opposition pour briser ce cercle vicieux, il a pu perdurer ad nauseam.

Ah l’opposition ! À part éructer, critiquer, on ne l’a pas vu faire preuve de plus de réactivité ou d’ingéniosité pratique.

Tout le spectre politique y est allé de sa chansonnette ou fixette idéologique. « En même temps », il n’y avait rien d’étonnant à ce que chacun s’enferme dans son dogmatisme. Les circonstances s’y prêtaient ! Rien de tel qu’une situation de panique pour observer les réflexes pavloviens des uns et des autres :

- Nos « libéraux » de strapontin se sont divisés en deux camps :

Les plus affairistes d’entre eux, qui ont continué de chanter la gloire du marché libre-et-sans-entraves, alors qu’on a pu observer les limites du laissez-faire laissez-passer.

Et ceux qui, toute honte bue, étaient très heureux de voir l’Etat se porter au secours de la « main invisible » privée à grand coup de milliards publics. Les mêmes qui applaudissaient les successives restrictions de libertés ; la centralisation de l’inaction de l’Etat ; et « l’investissement dans la dette » comme l’a claironné le ministre des comptes publics le 15 avril ; le même drolatique Darmanin qui s’était illustré le 19 mars par cette magnifique sortie budgétaire : « c’est parce que les finances publiques sont saines que l’on peut dépenser en temps de guerre ». « Saines » (sic) !

L’administration de l’économie, le chômage partiel et le télétravail sont devenus les nouveaux mantras des « libéraux » de gouvernement à la française.

Pendant ce temps-là, un autre gouvernement libéral, celui de l’Etat luxembourgeois, plus clair dans sa pensée comme dans son action, décidait, très tôt, de tout miser sur les masques, et d’utiliser tous les moyens à la disposition de l’Etat pour organiser un véritable pont aérien afin de fournir des masques à sa population. « Le testing c’est cher et aléatoire ; si on ferme nos frontières, on se prive de nos salariés transfrontaliers et on crève ; à écouter le corps médical des pays asiatiques ayant le mieux géré la propagation de ce virus, le masque est la principale protection à fournir aux populations contre ce virus respiratoire ; donc faisons le nécessaire et vite, dans l’intérêt de la population comme de la vitalité économique et sociale du pays ». Vu les résultats, on ne peut qu’applaudir. Bravo Monsieur Bettel !

- Les étatistes, de gauche comme de droite, ont eu beau sortir sur le pont supérieur, le plus talentueux des orchestres pour accompagner le naufrage du navire étatique, l’évidence s’est imposée comme un iceberg devant le Titanic. La musique était aussi douce que les craquements de la coque étaient assourdissants. Aucun d’entre eux n’a fait preuve d’anticipation, de réactivité, ou de souplesse dans la gestion de la crise. A tout vouloir centraliser, ils ont paralysé l’action de bon nombre d’acteurs de terrain : les pompiers priés de ne pas intervenir ; les cliniques vétérinaires sommées de ne pas tester ; les cliniques privées enjointes de ne pas soigner. Merci les ronds de cuir des Agences de Santé. Quand je pense à celles et ceux qui moquaient début mars la désorganisation italienne pour vanter l’efficacité du jacobinisme français. Plouf !

Comble de l’ironie, ce sont les collectivités locales qui sont venues au secours du vaisseau étatique en envoyant les canots et les gilets de sauvetage. En effet, bon nombre de régions et de communes ont commandé et distribué des masques en lieu et place de l’Etat.

Illustrant tout cela, l’Allemagne a encore une fois brutalement démontré l’efficacité de son modèle de gouvernance. Des « Länder » en charge des hôpitaux qui gèrent en temps réel et au plus près du terrain les priorités, en concertation avec les acteurs économiques et sociaux. L’Etat central servant de garde-fou et gardant une vision d’ensemble, prêt à reprendre la main en cas de perte de contrôle de la situation. Vive le fédéralisme !

Pardon ! Je me laisse emporter par ma suève germanophilie. Ne voulant pas passer pour un traitre, je rectifie de suite mon propos : « Vilaine Allemagne ! Oui ! Vilaine Allemagne qui fait tout rien qu’à nous humilier avec son arrogance de premier de la classe ! Si tu continues comme ça, en guise de représailles, nous réoccuperons la Ruhr, tout en récupérant par la même occasion notre ancienne concession de Shanghai, qui vaut beaucoup plus maintenant, histoire de compenser tout ce foutoir chinois ».

Ça sonne faux, n’est-ce pas ? Désolé, je n’y arrive pas. Si ça ne tenait qu’à moi, je demanderais à l’Allemagne de nous annexer ou de nous filer son mode d’emploi gouvernemental que nous transposerions tel quel chez nous. Mais revenons à nos moutons nationaux.

- Les nationalistes ont donné l’impression de marquer des points en rappelant l’importance du contrôle aux frontières. Marine Le Pen avait plaidé le 11 février devant l’Assemblée pour une mobilisation des masques. Toutefois comme la même Le Pen avait critiqué la politique de stockage des masques lors de la crise du H1N1, et que son blabla n’est que l’éternelle resucée de leurs thèmes politiques sans réelles solutions pratiques, la cheftaine des nationalistes  n’aurait certainement pas remédié aux problèmes de centralisation et de lourdeur administrative par lesquelles l’administration en place a péché.  

Bon ! J’avoue tout de même avoir savouré avec délectation, ce moment où Miskine Le Pen, a cité le Maroc en exemple en matière de gestion des masques, et où Eric Zemmour a dû saluer  la gestion allemande.

- Côté gauchistes d’Assemblée, l’autre Jean-Cul Méchant-Con est sorti de sa torpeur bien tardivement, puisqu’il a appelé à la mobilisation des moyens de production de masques et autres à la fin mars. Peut-être les effets du shit ou d’un quelconque opium socialiste. Au réveil, il s’est mis à « sauter comme un cabri » en meuglant « planification! planification! ».

Je n’ai pas bien compris ses tardives vociférations séniles. Après tout notre « ultra libéral » gouvernement ne nous a-t-il pas plongé, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, en plein « socialisme réel ». Tout y était : économie administrée, mensonges d’Etat, enfermement, pénurie, menace de ruine collective et morts à foison.

A moins qu’il ne s’agisse d’une résurgence de cette vieille habitude communiste consistant à se mettre à résister la deuxième moitié de la guerre, lorsque la pression ennemie reflue, histoire de mieux se présenter en résistant.

- Enfin, la plus jolie chansonnette aura été celle poussée par les écologistes, ces néopaïens de la ville bloqués dans un très rigolo stade œdipien qui les pousse à vouloir tuer papa-capital dans l’espoir de garder pour eux la déesse-Terre-mère Pachamama.

Il est vrai qu’on leur tend facilement le micro pour raconter leurs calembredaines. Je pense à Audrey Crespo-Mara qui invite dans son émission le collapsologue Yves Cochet et qui annonce d’emblée que son livre « devant l’effondrement » prophétisait ce que l’on vit. Et l’autre pseudo-prophète de juter direct dans son calbar tant cette introduction était jouissive.

Je signale en aparté que le livre de Cochet parle d’un effondrement général de nos sociétés industrielles suite à une crise de la rareté de l’énergie, conduisant le monde vers des sociétés ecofrugales, organisées autour de petits noyaux locaux vivant de l’agriculture, et reliés par des carrioles hippomotrices ; en somme, Cochet le cocher, prône le mode de vie des communautés Amish. 

Je signale aussi, au cas où d’autres petites Audrey auraient du mal avec la réalité, que la crise actuelle n’a rien à voir avec une raréfaction des ressources énergétiques, puisque l’on a connu un moment historique le 22 avril avec un prix du pétrole devenu négatif. Eh oui ! Cette semaine-là, on vous payait pour stocker du pétrole.

Conclusion, si le « localisme », cher aux écologistes comme aux nationalistes,  s’est imposé à nous, c’est à cause d’un très agressif enfant de Mère Nature, appelé coronavirus.

Alors j’ai entendu des ecomarxistes à la Gérard Miller, et autres « pastèques vertes à l’extérieur, rouges à l’intérieur », tenter de nous vendre l’escroquerie intellectuelle suivant laquelle ce virus est l’enfant de la récente mondialisation capitaliste. Sans parler de toutes les épidémies de peste qui ont frappé l’humanité à des périodes anciennes, on se demande bien de qui furent les enfants, les épidémies de 1958 et 1968 ayant fait autant de morts que l’actuelle. Mondialisation ou pas, comme on a pu le voir depuis le moyen-âge, une épidémie ça se diffuse même en carriole.

Quant au « localisme », soit le confinement permanent, non seulement, il nous a rendus malades psychologiquement, mais il nous a couté fort cher. Juste pour prendre un exemple qui me tient à cœur, l’artichaut, ce « plat de pauvre » comme le disait Coluche « car tu en as plus dans l’assiette après qu’avant de l’avoir mangé », me coutait dans la même superette où je faisais mes courses, 70 centimes l’unité avant le confinement, pour me couter plus de 2 euros pendant le confinement. Et ne parlons pas des dégâts économiques générés par l’arrêt des échanges humains internationaux pour un pays comme le nôtre où le secteur touristique représente 17% du PIB.

De toute façon, le localisme, on l’a déjà essayé, entre la chute de l’Empire romain et la fin de l’ancien régime ; une idée moyenâgeuse qui s’est traduite par de la misère, des famines, de l’arbitraire local, etc.

Pour faire court ! Le « localisme », même jusqu’à 100 km, comme on a pu le tester, c’est du purin pour potagers des kolkhozes écologistes !

Je n’ai jamais autant célébré la mondialisation et ses vertus que pendant cette période, tout en souhaitant, il est vrai certains aménagements, propres à des pays, tels que l’Allemagne, sachant concilier tous les échelons, depuis le local jusqu’au mondial.

Ça c’était pour la chansonnette la plus marrante.

- Pour la pire, il nous faut voir du côté des populistes. Car ceux-là, pour le coup, ils se sont vraiment pris pour des Vengeurs masqués tendance Reine de Cœur. « Qu’on leur coupe la tête ! ».

Telle était la teneur des vindicatives tribunes signées, notamment, par Michel Onfray, que j’aime bien à ceci près que son côté dépressif lui fait dire parfois n’importe quoi, ou encore le méprisable Emanuel Todd avec ce notable couplet-couperet recueilli par l’Express : "Nous saurons que le monde a changé quand ceux qui nous ont mis dans le pétrin seront devant un tribunal - et je ne parle pas d'une simple commission parlementaire. On nous prie de croire que les gens qui ont péché sous les régimes précédents et qui sont toujours là ont fait leur examen de conscience. C'est trop facile! Il faut en finir avec l'impunité. On doit faire des exemples, avec des peines de prison et des sanctions financières. La société française a besoin de morale, et il n'y a pas de morale sans punition » Todd la Faucheuse.

Ces très primitifs Robespierre en peau de lapin ont beau ne pas s’être illustrés, dès le début de la crise, par des brillantes analyses ou solutions concrètes, ils n’en rêvent pas moins de boucs émissaires livrables à la foule. Faute de solutions livrons des coupables !

Alors certes, reste entière la question de la responsabilité des politiques posée par l’économiste américain Thomas Sowell lorsqu’il dit « il est difficile d’imaginer une façon plus stupide ou plus dangereuse de prendre des décisions qu’en laissant ces décisions entre les mains de gens qui ne payent jamais les conséquences de leurs erreurs ». Question plus sensible encore dans un système tel que le nôtre, où les incompétents notoires du haut du panier, au lieu de disparaître des rouages de l’appareil d’Etat, trouvent toujours un placard doré où continuer de se gaver d’argent public. Chaque fois que j’entends l’un d’entre eux dire « j’assume », j’ai le coup de fourche qui me démange. Mais entre impunité rémunérée et pénalisation de la vie politique, il serait bon de trouver une solution médiane raisonnable.

Mais lâchons la grappe des couilles molles qui nous gouvernent. Car comme je le disais plus haut, nous autres, vile populace, n’avons été guère plus brillants. A commencer par moi. « Mea culpa, mea maxima culpa » tout en me flagellant avec des attestations de sortie format A3 enduites de verre pilé.

De fait, j’avoue que si je n’avais pas un vieux père à protéger, j’aurais bien attendu torse nu, dans le terminal de Roissy, les avions en provenance du Wuhan, afin de bouffer du virus déguisé en gros globule blanc. Du cosplay de légende comme les aiment ces cons de djeuns et qui m’aurait valu un maximum de « likes » sur Instagram !

A l’évidence un retour de flamme, lié à la crise de la quarantaine au cours de laquelle on se croit invulnérable, malgré les articulations qui grincent et l’embonpoint qui menace.

Cons de djeuns ! Oui ! Cons de djeuns ! Des jeunes, très « Nekfeu », du nom du petit râpeux qui scande l’un des titres phares de cette génération  «  on en a rien à foutre de rien! non! rien à foutre de rien! rien! ».

Le soir où le gouvernement a annoncé la fermeture des établissements scolaires, ils ont fait une teuf de tous les diables. Les réseaux sociaux étaient inondés d’images de liesse collective, dans lesquelles ils se frottaient comme des chiens fous, ne manquant pas de générer pas mal de contaminations ramenées après ça chez leurs parents. Lorsqu’ils ont compris que cela ne signifierait pas pour autant des vacances entre potes, mais une assignation à résidence, ils se sont mis à faire des crises d’angoisse ; et aussi des stocks, non pas de livres, mais de shit et autres jeux vidéo. On ne les voyait même plus faire les courses dans les magasins. Ces bubons d’acné sur pattes flippaient trop leur race. D’ailleurs je crains que l’on n’ait produit une génération d’hygiénistes hypocondriaques qui ne manquera pas de creuser un peu plus encore le trou de la Sécu.

Et cons de vieux également ! Après les crises d’angoisses des adoleschiants, l’un des faits les plus marquants, furent les crises de paniques chez les légions du papy-boom. Je ne parle pas de leurs dénonciations à la police de voisins ne respectant pas le confinement ou des mots glissés dans les boites aux lettres des personnels soignants les invitant à déménager pour ne pas contaminer l’immeuble. On a reconnu leur style datant d’avant les réformes orthographiques. Je fais plutôt référence au fait que l’on sentait bien que les rejetons de cette génération de jouisseurs refusaient l’idée de casser la pipe avant d’avoir profité jusqu’au bout d’une généreuse retraite payée par ma génération. Ce constat était évident chez les vieux chroniqueurs télévisés qui transpiraient la peur. On pouvait même les entendre penser : « Creusez la dette ! Creusez donc ! 20% de dette supplémentaire que nous vous laissons, ce n’est pas bien grave ! Sauvez-nous ! Nous le valons bien ! ».

Oui c’est vrai que vous le valez bien. Un monde bien plus en paix et prospère que celui que vous ont laissés vos propres parents, est un cadeau d’une valeur inestimable. Sans oublier qu’une civilisation se juge par sa façon de prendre soin des plus faibles ; mais également que ma génération doit encore prouver ses capacités à trouver des solutions, à faire mieux que la vôtre. Toutefois n’abusez pas trop de notre amour sous peine d’avoir affaire à notre côté taquin.

Tiens ! La prochaine fois, on ne confinera que les plus de 65 ans, pour mieux les protéger, et les moins de 25 ans parce qu’ils sont vraiment trop cons !

Les jeunes seront privés de connexion internet et auront une liste de grands classiques à mettre en fiches de lecture. Mieux ! Tels des moines copistes, ils recopieront à la main « La Peste » de Camus. Cela leur fera faire des progrès en orthographe. Grands princes, nous leurs accorderons le droit de faire les enluminures en style graffiti. Voilà pour le gage à la modernité.

Et les vieux iront faire leurs courses sur des créneaux bien précis, afin de ne pas nous traîner dans les pattes au supermarché. Ils sortiront non pas avec une dérogation mais avec une décharge leur faisant assumer leur sortie, à quoi s’ajoutera une assurance privée pour prendre en charge les éventuels surcouts médicaux liés aux trois mois d’hospitalisation. Na ! De plus ils auront pour obligation d’installer à leur domicile un vestibule sécurisé, afin qu’on puisse leur rendre visite sans les contaminer. Travaux qui relanceront, en passant, l’activité du bâtiment. Quant à nous, nous continuerons de faire tourner le pays.

Bon ! Si l’on fait le bilan, nous avons tous été magnifiques, avec une mention toute spéciale pour les Parisiens ayant déserté la capitale !

Le masque social bien ajusté, nous avons pu faire semblant que tout allait bien, que la paralysie d’un pays, que le creusement de la dette, ne sont que des détails de l’histoire, ou que seul le gouvernement en est responsable. Merci la foule !

Et comme on ne peut pas vraiment compter sur nos artistes pour élever le débat, ces derniers étant englués jusqu’aux yeux dans la démagogie la plus boueuse qui soit. Nos « bonnes consciences » artistiques préférant illustrer à merveille cette sentence de Jean-Luc Godard « Le cinéma n'a jamais fait partie de l'industrie du spectacle, mais de l'industrie des cosmétiques, de l'industrie des masques, succursale elle-même de l'industrie du mensonge. »

Au fond, heureusement que les économistes étaient là. Je sais que pour beaucoup d’entre vous, je viens de dire une sainte horreur. Mais force est de constater qu’ils furent de loin, les plus raisonnables, les seuls à faire tomber le masque. Même les libéraux, surtout les libéraux. Ils ont très vite lâché « La santé doit primer sur l’économie ». Ils devaient avoir peur d’être traités de « vampires » libéraux. Ils ont également salué l’effort de solidarité consistant à prendre en charge les salaires des personnes empêchées de travailler.

Cela ne les a pas empêchés de faire preuve de lucidité. Eric Le Boucher, 70 ans, écrivit dans l’Opinion « tout ça pour de vieux blancs malades ». Ce qui est vrai. Jean-Marc Daniel, 66 ans, indiquait de son côté que l’on ne peut pas laisser trop longtemps un pays à l’arrêt pour sauver des vieux, et léguer une dette abyssale à la génération d’après ; il lui semblait logique que sa génération, celle qui a le plus profité de ces mesures de protection, participe au règlement de la facture avec une cotisation sur les pensions de retraite les plus élevées.

Lucidité et pragmatisme. Ces économistes libéraux ont vite détecté que notre système de santé, à l’image de l’Etat, péchait par excès de centralisation et bureaucratie ; que le système qui avait le mieux répondu à la crise était le souple, vigilant et pragmatique système allemand ; que notre système économique mondialisé reste de loin le meilleur tout en n’étant pas incompatible avec des outils stratégiques de production locales, aux couts réduits par la robotisation ; que tous les acteurs, locaux, nationaux et internationaux, ont un rôle à jouer à condition qu’on les laisse jouer leur rôle…

Après tout, les individus comme les nations sont caractérisés par une identité gigogne. A l’image des poupées russes, nous sommes tous un emboitement de coquilles successives : individuelle, familiale, locale, régionale, nationale, civilisationnelle, mondiale, et un jour galactique puis réellement universelle. Chaque sphère a sa fonction propre, mais nous ne grandissons qu’en prenant conscience de l’importance de chacune de ces sphères. Réduits aux premières, nous serions des nains. Cantonnés aux dernières, nous serions de grandes coquilles vides. Encore une fois, le système fédéral à l’allemande, est l’un de ceux qui a le mieux compris cela.

En somme, que d’évidences ! Déchirant d’autant plus le voile de nos illusions nationales que les réalités étrangères nous assenaient de bonnes grosses gifles. Encore que nos cousins étrangers aient pu se montrer un brin risibles eux aussi.

Histoire de les taquiner un peu, rappelons que si nous avons péché par cuistrerie ; les Italiens se sont pris les pieds dans le tapis de leur souriante arrogance, les Anglais dans celui de leur dédaigneuse suffisance, et les Américains dans celui de leur morgue impétueuse.

Les Grecs, le Libanais et les Israéliens, lorsqu’ils ont compris que le virus menaçait avant toute autre chose, leurs vieilles mamans, réalisant qu’ils n’auraient plus personne pour leur préparer leurs mézès, se sont claquemurés comme les professionnels de la muraille qu’ils savent être.

Quant aux Portugais, s’ils se sont confinés d’eux-mêmes, ce n’est pas tant par sagesse que par lucidité au sujet de leur catastrophique système de santé. Encore que Mauriac affirmât que « la peur est le commencement de la sagesse ». Je plaisante !  On a pu voir à cette occasion toute la différence entre cousins Espagnols et Portugais. Les premiers, Ibères méditerranéens, ont besoin de la schlague franquiste pour calmer les agitations de leur « movida ». Les seconds, Celtes de l’Atlantique, sont capables de se tyranniser tout seuls lorsqu’il le faut. Tellement capables que je n’avais même plus de nouvelles de mes cousins au Portugal. Eux d’ordinaire si prolixes sur Facebook quant à leurs récentes activités, étaient passés en mode silence radio total. Même pas une photo, une petite mousse à la main dans leur jardin. Rien ! De vrais bulots planqués dans leur coquille attendant une marée plus favorable.

Bon ! D’accord ! J’arrête le pilonnage.

Après tout, c’est une belle soirée. Là, sur le balcon de mon Aimée, avec une bière Super Bock Tango (à la groseille - un délice) dont le parfum me chatouille les narines ; après avoir écrit les lignes de ce chapitre ; je préfère relire et m’imprégner de ce magnifique poème de Sophia de Mello Breyner Andresen (traduction ci-après) :

« Porque os outros se mascaram mas tu não
Porque os outros usam a virtude
Para comprar o que não tem perdão.
Porque os outros têm medo mas tu não.

Porque os outros são os túmulos caiados
Onde germina calada a podridão.
Porque os outros se calam mas tu não.

Porque os outros se compram e se vendem
E os seus gestos dão sempre dividendo.
Porque os outros são hábeis mas tu não.

Porque os outros vão à sombra dos abrigos
E tu vais de mãos dadas com os perigos.
Porque os outros calculam mas tu não.
 »

Ce qui dans la langue de Molière donne quelque chose comme ça :


 « Parce que les autres vont masqués mais pas toi
Parce que d'autres utilisent la vertu
Pour acheter ce qui ne se pardonne pas.
Parce que les autres ont peur mais pas toi.

Parce que les autres sont des tombes blanchies à la chaux
Dans lesquelles germe en silence la pourriture.

 Parce que les autres se taisent mais pas toi.

Parce que d'autres s’achètent et se vendent
En des gestes toujours porteurs de dividendes.
Parce que les autres sont habiles mais pas toi.

Parce que d'autres vont à l'ombre des abris
Quand tu vas main dans la main du danger.
Parce que les autres calculent mais pas toi.
»

 

 

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