dimanche 21 octobre 2007

L’AUBE LE SOIR OU L’ENNUI


À y’est ! Après un combat titanesque contre les forces de l’ennui, je viens d’achever le Yasmina Reza. Comment le définir ? A vrai dire, il ne s’agit pas d’un livre, ni d’un romanquête, ni d’un opuscule, presque un « fascicule » (Giscard page 154), comment veux-tu, comment veux-tu, que je…

En fait il s’agit d’un album Panini, ces albums pour enfants où l’on collait les vignetes de nos joueurs de foot préférés. À la différence près que mes albums Panini, je les ai tous gardés. Alors que là franchement dés la dixième page, j’ai eu envie de poser l’album de Yasmina aux encombrants. C’est la première fois que j’ai eu envie de jeter un livre. Je lui en veux aussi pour ça. Car je lui en veux.

Voici quelqu’un qui suit le protagoniste de l’une des plus fascinantes campagnes présidentielles que ma génération ait connu et qui ne trouve rien de mieux qu’à nous coller des petites vignettes inintéressantes au possible, surchargées d’une prose insupportablement mièvre. Des vignettes où Yasmina raconte comment elle a révélé The phrase que personne n’a relevé, celle où notre Nico national raconte que ce qui le sépare de Bush, c’est que George a réussi à se faire élire deux fois. Des vignettes où Yasmina raconte comment elle a vu des trucs que d’autres n’ont pas vu, comment elle a embrassé Nico un soir de réveillon pendant que Cecilia s’occupait de la cheminée, comment elle n’est pas sure que les amis de Nico soient vraiment ses amis, comment elle voit Nico, comment elle se voit le voir, se voit l’inventer, comment Moi Yasmina voit ce clair obscur émergeant depuis l’aube de la nuit où luit le soir, cet instant trop grave beau sa race, putain chier. Des vignettes où Yasmina se fait plaisir. Ça m’a fait chier.

Au moins dans « La femme Fatale » sur la Ségolène de Raphaëlle Bacqué, le style bavardage de mercerie distillait un contenu alors que là rien. Dans ce « Moi, Nico et Moi » que du bavardage de collégienne.

Pourtant, j’aurais dû me méfier. C’est le premier bouquin que j’achète en hypermarché, entre le rayon légumes et celui de « la foire à un euro ». D’ordinaire je n’y arrive pas. Il faut que je les achète chez Ma Fnac préférée. Là curieusement, j’avais vaincu mon Surmoi culturel. Un signe.

Sérieux, en le lisant souffreteusement, je me suis dis tout ça jusqu’à la page 136. Je me disais qu’elle aurait dû s’arrêter au titre, un haïku qui vaut ce qu’il vaut mais déjà plus que ce bouquin. Ce machin. C’était sans compter sur la page 136, un pur moment de bonheur. J’y ai découvert le meilleur de Reza. Sa grand-mère. Voici le passage in extenso. Que du bonheur, tellement représentatif par ailleurs du niveau où la pensée, oups, le sentiment politique est arrivé chez nos concitoyens…

« Un thé chez mamie. Je lui demande pour qui elle compte voter. Je suis bien embêtée, dit-elle. Bayrou, sûrement pas. Je ne vote sûrement pas pour un homme qui a fait six enfants à sa femme. C’est un maladroit. Le Pen, bon, on sait très bien les opinions de cette vieille baderne. Ségolène, j’ai envie de la gifler. Pour moi, je vais te dire, elle serait chez Franck et fils, il y a trente ans, en train de me dire Madame M., j’ai pour vous une petite robe bleue qui vous irait très bien… on appelait ça une première, une première vendeuse, maintenant on dit une responsable, comme la femme de ménage maintenant on dit une technicienne de surface. Je trouve Marie-George sympathique et pas con. Je ne voterai pas pour elle mais je l’aime bien. C’est une femme que je pourrais rencontrer dans un marché et inviter à boire un café. Nicolas est trop nerveux. Ayant un fils comme celui que j’ai, je sais trop bien ce que c’est un nerveux. Il lui manque dix centimètres, ça le gêne au niveau charisme international. Mitterrand, on s’apercevait pas qu’il était petit parce qu’il était placide, alors que Nicolas est un fox-terrier qui court partout en aboyant. Le type qui finit en « i », le vieux qui a l’accent du Midi, alors pour moi il vendrait du saucisson d’âne corse à La Baule-les-Pins, ce serait parfait. José Bové, d’abord je ne ferai rien pour lui avant qu’il ne se rase la moustache. La pipe, je la lui casserais, pang ! La moustache et la pipe, deux choses que je ne supporte pas chez cet homme. Au début de José Bové j’avais une certaine sympathie pour ce type frondeur qui foutait le feu aux endroits où on bouffait de la merde. Après non. Pour moi il est zéro. Et quand est-ce qu’il trouve le temps d’être agriculteur ? Voynet, je la trouve gentille, mais enfin, bon, quand elle s’adresse à moi Voynet pour la couche d’ozone, j’y fais attention, mais quand elle s’adresse aux grandes industries qui l’écoute ? Ils en ont rien à cirer de Dominique Voynet. Tu sais, il n’y en a pas beaucoup qui trouvent grâce à mes yeux.
- Mais alors pour qui tu vas voter ?
- Ben, je vais voter pour la Sarkotte, soupire-t-elle. »


Merci beaucoup Yasmina de m’avoir fait connaître ta mamie. Ça méritait bien 18 euros. Comme quoi faut toujours lire les livres jusqu’à la fin et pas seulement à cause de l’engagement décisionnel. Bon je vous laisse, j’enchaîne sur « La comédie du Pouvoir » de Françoise Giroud…

SILar

1 commentaire:

Anonyme a dit…

j'adore ton commentaire ! trop vrai :)