mardi 20 mai 2008

STUPEURS ET TREMBLEMENTS DE TERRE


J’ai encore tremblé d’effroi et pleuré d’émoi à la vue d’un Sichuan à terre et de ces parents désespérément accrochés aux bras inertes de leur unique enfant. Tout comme après le tremblement de Boumèrdes en mai 2003 ou le tsunami de décembre 2004, c’est toujours la même stupeur et les mêmes tremblements qui me saisissent devant cette expression du droit de vie et de mort de sa majesté Nature.

Des crises de parkinson déclenchées après chaque cataclysme, que j’ai longtemps mis sur le dos du petit séisme que j’ai vécu enfant dans mon village galicien ou sur le compte de cette peur culturelle que cultive tout bon Celte. Celle du cataclysme tombant du ciel ou sortant de terre lorsque les portes de l’autre monde s’ouvrent durant les fêtes de Beltaine (1 mai) et surtout de Samhain (1 novembre). Un premier jour de novembre où l’on quitte la saison claire pour la saison sombre. Le jour où la belle et fertile déesse mère des celtes d’Ibérie Briga (Brigit) se transforme en vieille Galega (Calleach) ramenant avec elle les vents mauvais de l’hiver et tout son cortège de calamités.

Le 1 novembre 1755, jour où se produisit le tremblement de terre qui a détruit Lisbonne, faisant 60 000 morts et provoquant un tsunami qui balaya avec sa vague de 10 mètres les cotes de mon village situé à l’embouchure du fleuve Lima. Un tsunami qui restera dans la mémoire populaire locale sous la forme d’une chanson que j’appris quand j’étais enfant. Une chanson où Saint-Pierre perd les clés de l’océan avant de les retrouver et d’enfin pouvoir refermer ses lourdes portes.

Un séisme au cours duquel s’illustra l’une de mes icônes, le marquis de Pombal dont je vous parlais le 5 octobre dernier pour ses lois visant à combattre l’antisémitisme portugais.

Alors que la famille royale se trouvait à l’image du pays paralysée par la peur, se demandant ce qu’il convenait de faire « maintenant » que tout était à terre, mon marquis répondit « Maintenant ? Enterrez les morts et nourrissez les vivants ». Mais pas seulement. Il mit tout en œuvre afin de reconstruire la capitale portugaise au plus vite, tout en pensant à l’avenir puisqu’il demanda aux ingénieurs du pays de travailler à la construction des premiers bâtiments antisismiques.

Initiative pombaline qui m’a amené à m’interroger sur les mesures prises par le gouvernement chinois afin d’éviter que les bâtiments privés et publics ne s’écroulent comme des châteaux de cartes dans ce Sichuan qui a tant nourrit l’imaginaire de mon adolescence. Les fans des chevaliers du zodiaque se rappelleront en effet qu’y réside près de la cascade des cinq pics, maître Dohko, celui qui a fait du jeune Shiryu le chevalier du dragon.

Interrogations qui m’ont fait revenir en mémoire un vieux reportage daté du 22 avril 2007, diffusé dans le cadre de l’émission « l’effet papillon » sur Canal+, et qui traitait de la présence des entreprises de BTP chinoises en Algérie. Un reportage à voir absolument et encore disponible ici sur Dailymotion.

Lors de sa diffusion, découvrant que les entreprises chinoises étaient capables de bâtir des immeubles de dix étages en deux mois, à raison d’un étage tous les 6 jours, pour connaître le temps de maturation du béton et par conséquent qu’un tel rythme ne peut être tenu qu’avec l’adjonction d’additifs chimiques au béton, permettant certes d’accélérer le rythme mais rendant très incertain la résistance du bâti, je m’étais dis qu’au prochain tremblement de terre dans cette contrée à risque, les populations algériennes risqueraient gros.

Un énorme risque que vient de confirmer la fragilité des bâtiments construits par les Chinois pour les Chinois, mais également un article où j’apprends que l’organisme national algérien de Contrôle Technique de la Construction (CTC) dénonce « une transgression flagrante des lois sur le bâti parasismique ». Que voulez-vous, tout le monde n’a pas la chance d’avoir un marquis de Pombal ayant à cœur de servir les intérêts de son peuple. Du coup je tremble d’avance pour les populations algériennes ainsi que pour les familles franco-algériennes qui nous sont proches…

Le Sil d’un œil sur la planète.

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