jeudi 29 mai 2008

LES SOIXANTHUITARDS M’ENNUIENT


Parmi les slogans soixanthuitattardés qui ont le vent en poupe ce quarantième anniversaire, il y a celui-ci. « L’ennui est contre-révolutionnaire ». Un slogan repris dans certaines analyses rétrospectives, si l’on peut appeler cela des analyses. Il paraîtrait que la principale réussite des bacchanales 68 fut de mettre fin à une société corsetée, « une société de l’ennui ».

Pas vraiment si j’en crois mes oreilles, qui depuis plus de quinze ans ne cessent d’entendre dans les banlieues où je traîne, des branleurs continuant de mugir « on s’ennuie » ou « c’est la galère zincou (cousin), y’a rien à faire ». Preuve s’il en fallait qu’avec la jeunesse c’est plus souvent l’onanisme au pouvoir que l’imagination.

Des petits mugissements auxquels je réponds en beuglant de la même sempiternelle façon. Que dans nos sociétés libérales, l’ennui est une affaire strictement personnelle qui relève de la responsabilité individuelle.

Personnellement je ne me suis à ce point jamais ennuyé, que des fois je me sens obligé de pratiquer le zazen afin de goûter à un peu de ce vide reposant ou de m’adonner au « nadismo » histoire de mettre un frein aux emballements de mon accélérateur de particules synaptiques.

Le « nadismo » ou l’art du « rien faire » en portugais est ce mouvement initié par un ancien créatif stressé de Porto Alegre, le designer Marcelo Bohrer, 32 ans, qui après avoir connu un syndrome d’épuisement professionnel en 2003 a décidé d’apprendre de temps en temps à ne rien faire. "Ne rien faire, parfois, c'est fondamental pour une bonne qualité de vie", nous explique Marcelo Bohrer. Quand je vous dis que le « rien à faire » est une affaire de responsabilité…

Car sans vouloir me prendre pour une norme, quoi qu’après tout, donc souhaitant m’ériger en norme, je ne me suis jamais ennuyé. Non jamais, alors que j’ai pourtant grandi dans un milieu particulièrement défavorisé. Un endroit où la municipalité ne mettait pas grand-chose de gratuit à la disposition des djeunes, le 16e arrondissement parisien et plus précisément le rez-de-chaussée de ce 16e arrondissement. Déjà que tout est payant dans le 16e, imaginez pour les fils de concierges. Pas de MJC, pas d’équipements sportifs accessibles, ni de club de sport gratuit, comme dans toute mairie communiste. Même la bibliothèque la plus proche de chez nous, celle de la paroisse Saint-Honoré D’Eylau, était payante.

Qu’à cela ne tienne, avant d’être suffisamment grand pour que ma portugaise de mère m’autorise à m’éloigner tout seul jusqu’à la bibliothèque gratuite la plus proche, celle du Trocadéro, je lisais entre deux séries télé mes manuels scolaires. Fait suffisamment rare pour mériter d’être mentionné.

Une fois en âge de quitter tout seul mon avenue Saint-Honoré d’Eylau pour mon collège Eugène Delacroix, non seulement je pus emprunter tout ce que la bibliothèque du Trocadèro avait à m’offrir mais j’avais également découvert qu’il m’était possible de m’initier gratuitement à tout un tas de sports au Centre d’Initiation Sportive du Stade Suffren, dans le 15e arrondissement. En plus des sports classiques, je goûtais à la boxe française, à l’escrime, au rink-hockey, à plongée sous-marine en piscine, au canoë-kayak quand les monos nous emmenaient sur le bassin de la villette. Bref que du bonheur…

Une fois au Lycée Molière, en plus des études et de l’apprentissage de la drague, où avec mon âme de poète torturée de l’époque, j’excellais si peu, au point de pouvoir ouvrir une succursale de Truffaut avec tous les râteaux récoltés, j’adorais me balader le long des bords de Seine jusqu’aux boîtes des bouquinistes.

À 18 ans,en même temps que nous déménagions pour la banlieue, quittant le rez-de-chaussée pour un premier étage, ascension sociale oblige, j’ai commencé à bosser pour payer mes études. Un double DEUG d’histoire et archéologie qu’offrait à l’époque Paris I, et que j’avais choisi tant j’avais soif de savoirs. Les 22 UV ne paraissaient pas assez et j’avoue avoir eut du mal à choisir entre toutes les matières étalées devant moi. En travaillant, bien d’autres choses non gratuites s’offrirent à moi. Musique, cinéma, jeux-videos, arts martiaux, voyages…

Alors pour revenir aux offres gratuites, que l’on arrête avec les « Je m’ennuie ». Ça m’ennuie ! ça m’ennuie autant que ces journées de 24 heures qui ne me laissent jamais assez de temps pour découvrir, lire, écrire, bâtir, marcher, discuter, rêver, créer et aimer autant que je le voudrais. Tant de choses que je désirerais faire et que je ne ferai jamais par manque de temps. Quel gâchis. Alors de grâce pas de « je m’ennuie » devant moi. Cela me donne des envies de gifles. C’est une insulte à la vie. Car comme le dit Jarod dans la série Le Caméléon « La Vie est un cadeau »…

SIL qui précise à tous ceux que mes occupations ennuient, que nos démocraties libérales permettent même aux branleurs qui s’ennuient de se branler. Tout ennui involontaire est donc décidemment impossible.

5 commentaires:

Nina a dit…

Mon Silounet,
Puisque les commentaires ne peuvent être postés tout de suite sur le dernier sujet voici un petit lien : http://www.causeur.fr/cabotin-ecole#comment-5921 dans lequel des gauchistes s'attaquent à mon Finky d'amour !
C'est injuste et immérité comme d'hab !
Hier, mon amour de Finky s'est retrouvé tout seul à combattre devant la 17è chambre du TGI de Paris contre ses accusateurs : Oumma.com et CAPJIPO, ces gentils musulmaniaques qui ne voient en Israel qu'une résurgence du 3è Reich !
Je m'en veux terriblement d'avoir été mise au courant trop tard et épauler mon philosophe chéri !
Prend le temps -si tu l'as- d'aller lire les commentaires de ces abrutis qui ne voient que jalousie de Finky à l'égard de Pennac...Il est vrai que selon ce dernier, toi, moi mais tous tes potes qui pensent que l'école est devenue un cloaque dans lequel marinent des décérébrés, sommes des anti-progressistes...ARF !!!
Le dictionnaire aimant se mettre à la page, il est admissible d'écrire dans ses rédacs scolaires : "rebeu", "keuf", "meuf" C'EST DU PROGRES TE DIS-JE !!!
La langue évolue...poil au cul !
Je désespère tant et tant...Comment faire comprendre aux cons que le "verbe", le "mot" c'est exactement le prix de la délivrance ?
Cordial shalom mon ange !

Nina

SIL a dit…

"comment faire" ma jolie Nina?

En étant patients ma Nina. Tous nos glands finiront par s'enterrer vivants dans les très mouvants sables verbeux qu'ils ont déversé par bennes entières sur notre république...

Quant à notre aimé Finky, que la Force et le Verbe soient avec lui...

Anonyme a dit…

> Car comme le dit Jarod dans la série Le Caméléon
> « La Vie est une chance »…

Non, pas "chance", mais "cadeau".
Il dit :

« La vie est un cadeau »…

SIL a dit…

Quelle chance de t'avoir parmi mes lecteurs mon cher Hank...

Merci pour le "Cadeau" camarade ;-)

Nina a dit…

Tiens rigole un chouille mon Sil !
C'est très juste et très drôle :
http://youtube.com/watch?v=rsd92DHrUM4