samedi 31 mai 2008

UNE EUROVISION, DES EUROVISIONS


Voilà des années que je n’avais pas assisté au concours de l’eurovision. Quand j’étais gamin, j’adorais ça. On regardait le concours en famille. Mes parents soutenaient le Portugal et la France, d’autant plus si la chanteuse française était d’origine portugaise comme l’est Marie Myriam, qui remporta le concours en 1977. J’écoutais pour ma part les écoutilles tout ouvertes ces langues dont les sonorités me fascinaient. Il m’arrivait même d’enregistrer les chansons sur cassette avec un vieux poste collé à la télé.

Avec l’accroissement dans les années 90 du côté kitch de notre euroconcours musical et surtout le développement d’une vie sexuelle que l’aveu de ce genre de goûts était susceptible de saboter, j’ai fini par ne plus regarder ce rococoncours. Une habitude que j’ai retrouvée la semaine dernière. Après quelques années de mariage, on peut se permettre de regoûter à quelques vieilles turpitudes. « Pour le meilleur et pour le pire » comme dirait l’autre.

À vrai dire plutôt pour le pas trop mal car j’avoue avoir été agréablement surpris au point de me demander si cette coutume consistant à canarder systématiquement l’eurovision n’est pas devenu un passage obligé, l’exutoire politiquement correct d’un certain euroscepticisme. À moins que la joie des retrouvailles m’ait un tantinet anesthésié le sens critique ou que mes goûts soient décidément aussi popu que vulgaires, populgaires en somme.

Plus sérieusement, à force d’entendre tirer sur l’europianiste et son kitch insoutenable je m’attendais vraiment à un Rocky Horror Show premier degré. Que nenni en fait ! On sent que l’effet StarAc est passé par là et que du coup ce spectacle se met au niveau d’un « à la recherche de la nouvelle euro-star ». Et c’est qu’il y en avait, notamment autour de la mer Noire. Une révélation.

À l’écoute et surtout à la vue de la superbe Ani Lorak, j’ai enfin compris pourquoi le Portugal accueille depuis plus de dix ans des centaines de milliers d’immigrés ukrainiens et par conséquent souhaité la rentrée la plus rapide possible des Ukrainiennes dans l’espace Schengen. Ani Lorak serait une sorte de Shania Twain ruthène chez qui tout serait tonique, la cuisse, la musique comme le regard. Je suis bien content que l’accident de Tchernobyl n’ait pas gâché les réserves de ce qui semble être un bon grenier à gènes que cette Ukraine, comme le démontrait déjà Ruslana Lyjytchko, la cosaque ukrainienne qui remporta le concours en 2004.

Je me suis également mis à regarder les Grecques avec un oeil nouveau, même s’il est vrai que la très sexy Kalomoira est plus nord-américaine que Grecque, ce qui explique ses effets à la Britnea Spearis. Une prestation qui me donna envie de rechercher la « secret combination » permettant d’ouvrir les portes blindées de son cœur. Kalos kai agathos ma jolie Kalomoira. Je lui ai adressé en guise de combinaison le numéro de mon compte bancaire au Lichtenstein. J’attends la réponse. Pas autant toutefois qu’une photo dédicacée de la chanteuse Sirusho qui représentait l’Arménie.

Par Saint Grégoire l’illuminateur, c’est Qele, Qele, qu’elle est belle à se damner cette petite Sirusho. Sans compter que je ne m’y attendais pas du tout tant l’Arménie s’évertue d’ordinaire à nous faire pleurer plutôt que bander. Une très bonne initiative, largement réussie avec ce titre « Qele », « allez » en arménien. Une chanson où elle demande fière et dominatrice à son prétendant « au lieu de me regarder, tu devrais te rapprocher de moi, viens, allez, bouge, allez ». J’adore quand on me parle ainsi mon « anouch Sirushig ». En tout cas je suis persuadé que l’on tient ici la chanson de l’été. Un morceau que l’on peut écouter et surtout regarder une bonne douzaine de fois de suite, j’ai testé pour vous, est voué au succès.

Bref, la femelle fut ainsi mise à l’honneur, transformée en déesse adulée, en diane chasseresse. Un sain retour à l’orient matriarcal d’antan.

Côté étoiles de mer mâles, c’était pas mal non plus. Excepté Dima Bilan le vainqueur de ce concours 2008, une espèce de Justïn Timberlasky aussi insipide que son homologue nord-américain, j’avoue avoir été sensible au rock « Evanescence » du duo ange-demon azéri, avec un morceau à la Marc Levy genre « sept couplets pour une éternité », et surtout à la pop placebo-style d’une bien bonne facture que nous a servi le groupe turc Mor ve Ötesi. À tel point que j’ai cherché sur youtube d’autres morceaux et que je vous propose notamment celui-ci.

Mais rassurez-vous, ma crise dithyrambique s’arrêtera-là car il y avait aussi du décalé comme de l’insupportablement calibré.

Côté décalé, ce fut la poilade assurée avec tout d’abord une sorte de Compay Segundovic croate nous la jouant Zagreb social club puis avec la prestation portugaise. Comment vous dire… La chanson est sublime, le thème des « femmes de la mer » suffit à garantir l’émotion, la grande choriste blonde est vraiment pas mal, mais voilà au lieu de se donner pour interprète une sirène, même très ronde, les Portugais ont choisi un vilain lamantin. Une catastrophe maritime à la hauteur de celle des chanteurs lettons déguisés en pirates pour Parc Eurodisney. Peut-être postulaient-ils pour celui de Marne la Vallée.

Je sais, c’est méchant mais pas autant que les saloperies sorties de ma bouche à la vue de la petite Albanaise de 16 ans qui paraissait 20 ans de plus, « comme quoi les femmes semblent vieillir bien vite en Albanie » ; devant la taille de la chanteuse serbe, « faute de Grande Serbie, les Serbes disposent de très grandes chanteuses » ; et surtout à l’écoute de « la paix viendra » portée par une chanteuse géorgienne aveugle, « et bien elle n’est pas prête de la voir venir ».

Ceux par contre que l’on voyait très bien venir de loin furent l’espèce de singe en Ibère avec ses macaqueries « chiki-chiki » soi-disant second degré et notre Sébastien Tellier, tout dans le non-sens. Bien plus un message géopolitique de la France qu’une chanson. En faisant dans l’humour monty python avec des barbes postiches, on signifie clairement que non seulement la France souhaite rejoindre le commandement intégré de l’OTAN mais qu’elle désire également intégrer le Commonwealth. Bon le problème c’est que Sébastien Tellier est tout nul en humour non-sens. Pour que la Reine nous accepte, il eut été préférable d’envoyer Kad et Olivier ou Eric et Ramzy.

Ce qui m’amène au côté Calibrage car en plus des chansons calibrées comme des pommes, trois minutes maximum, des pays qui nous resservent la même europop depuis des lustres, l’Eurovision au singulier, porte décidemment bien son nom, étant donné que Sébastien Tellier ne fut pas le seul à chanter en anglais. Loin de là. À quoi peut bien servir que l’UE veuille protéger les langues minoritaires si l’anglais se fait à ce point hégémonique.

Pour conclure j’ai tout de même noté une prestation inclassable, celle de la Suède. Pas tant sur l’aspect musical puisque très europop, efficace, sérieux, bien balancé comme savent le faire les Scandinaves. C’est plutôt la chanteuse Charlotte Perrelli qui m’a interpellé. Tout droit sortie d’un calendrier pirelli pour amateurs de modèles lissés au botox. Quand je l’ai vu apparaître sur scène tirée à quarante-quatre épingles, j’ai eu un mouvement de recul.

Il va falloir sérieusement expliquer aux starlettes que le lissage botox accroche la lumière d’une drôle de façon. Cela donne un teint tout gris. J’ai cru d’ailleurs un instant que la Charlotte s’était échappée de la Base 51 où débarqueraient fréquemment les petits gris, ces extraterrestres de type Roswell. C’est dommage car comme je le disais, son « Hero » était assez plaisant à écouter, à condition de se concentrer sur la plus jolie de ses choristes, celle de droite. L’extraterrestre suédoise, peut-être un hommage à la diversité, à moins que L’Europe nous signifie de cette manière que l’avenir appartient aux chanteuses OGM…

SIL twelve points

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