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jeudi 30 octobre 2008
LE SYNDROME DE L’AMAZONE
Toujours au rayon troubles de la paternité. Si je veux bien croire qu’en tout mythe, il y a un fond historique, je sais également que les Grecs étaient particulièrement doués pour se servir de la mythologie afin de mettre en scène les penchants humains qu’ils diagnostiquaient. Pourquoi en irait-il autrement avec le mythe des Amazones ? Et puis avouez qu’il y a quand même de quoi se montrer dubitatif quant à l’aspect premier degré de cette histoire.
Voici des femelles qui vivaient entre elles, qui passaient leur temps à guerroyer contre les Grecs et leur héros, et qui un beau soir, au coin du feu, auraient livré leurs petits secrets à un quelconque ethnologue ou géographe grec. Lui expliquant ainsi pourquoi elles ne copulaient qu’une fois par an avec les hommes des contrées voisines ; pourquoi elles ne gardaient que les bébés-filles et pourquoi elles tuaient les enfants mâles ou alors les mutilaient en leur crevant les yeux ou en les estropiant afin d’en faire des esclaves. C’est sûr qu’une telle publicité, ça donne envie de s’accoupler une fois par an avec de telles harpies. Non, ça ne tient pas la route cette histoire.
Ce qui tient bien plus la route c’est le syndrome qu’elles symbolisent, un syndrome qui m’est devenu on ne peut plus clair après la première grossesse de ma femme et quelques échanges avec mes petits camarades papas.
Voyez-vous, ces bons phallocrates de Grecs détestaient toute idée de société matriarcale, idée que représentait à merveille celle des amazones. Ces machistadors indo-européens préféraient, au point de se sacrifier par milliers pour l’une d’entre elles, les gourdasses sans caractère, comme la reine Hélène. Un goût culturel pour le refus de la perte de contrôle masculin sur la société mais pas seulement. L’expression également d’une terrible angoisse. Suffisamment terrible pour qu’ils se sentent obligés d’envoyer leur Héros combattre les Amazones. Que ce soit Achille avec Penthésilée ou Héraclès avec Hippolyte, un grand nombre d’entre eux se sont épris de reines amazones particulièrement casse-couilles, avant de finir par les tuer, sans doute de frustration.
La frustration fut en effet ce que j’ai connu après chaque grossesse de ma femme, surtout après la première. D’un côté celle-ci qui ne vivait que pour son enfant, en communion totale avec lui, heureuse ou bien partageant ses craintes, interrogations ou douleurs avec d’autres femmes. De l’autre côté, vous, qui vous vous sentez mis à l’écart, fantomatique, jamais à la hauteur des exigences et surtout privé de sexualité ou alors selon une fréquence qui vous semble proche du « une fois par an » amazonien. Et ce alors qu’étrangement vos besoins et envies semblent démultipliés à ce moment-là, comme si vous aviez besoin de reposséder physiquement votre femme devenue mère pour vous sentir mâle donc mieux. Démultipliés au point que la masturbation irrite plus qu’elle n’apaise alors qu’avant ça, elle palliait parfaitement à toute frustration ou incompatibilité passagère d’ordre sexuel. De quoi vous taper sur les nerfs testiculaires.
Le pire c’est que vous sentez bien que le problème ne vient pas d’elle mais de vous, qu’elle n’en souffre pas le moins du monde alors que vous, avec vos binious gonflés à bloc, si ! Du coup vous devenez relou, très relou, des idées d’aller voir ailleurs vous traversant même fortement l’esprit, alors que vous adorez votre femme et n’étiez pas auparavant trop sujet à ce genre de tentations. Frustrations et tentations que j’ai retrouvées chez pas mal de mes compères.
Alors des petites contrariantes me diront que depuis que nous participons à l’éducation de nos gosses, on devrait se sentir moins mis à l’écart. Un peu moins il est vrai. Cependant nos besoins et leur incompatibilité momentanée avec les vôtres, sont toujours là. Ils augmentent même, du fait d’être encore plus l’un sur l’autre (façon de parler), alors que du temps d’Achille on aurait pu se défouler en allant chasser, guerroyer et violer un petit coup de-ci, de-là. Le seul avantage étant que cette proximité peut aider à en parler et ainsi trouver les moyens de régler ce problème.
Car problème, il semble y avoir. Or pour être favorable à l’harmonie des ménages, j’ai bien envie d’exhorter les mecs à en parler. Quant aux femelles, vu le nombre de couples que je vois tanguer dangereusement à ce moment-là, je me vois obligé de leur dire un peu abruptement « faites l’amour à vos mecs » ou si cela ne vous dit vraiment pas, sachez que quelques petites caresses, y compris buccales, savent nous rendre suffisamment heureux en attendant mieux.
Reste une dernière question. Que symbolise la mutilation des petits garçons dans la légende. Là encore une part de constat et une part de crainte. Vous avez sans doute, tout comme moi, déjà vu des mères se servir de leurs fils afin de mener la guerre au père de ceux-ci, transformant leurs gosses en jouets aveugles de leurs désirs de revanche sur le mâle, les estropiant ainsi sur le chemin d’une vie autonome. Or si chez certaines femmes, cela semble procéder d’une stratégie plus ou moins consciente, de quoi susciter chez certains Grecs l’envie de s’en prémunir, chez certains hommes, Grecs ou pas, cela semble procéder d’une crainte dans la suite logique des celles expliquées plus haut. C’est fou ce que le manque de sexe peut nous pousser à psychoter. Menacés en tant que mâles puis menacés en tant que pères ; privés de virilité donc privables de tout pouvoir…
Finalement les Grecs étaient de grands angoissés et la femelle une sacrée source d’angoisses.
PenthéSILé e-sexologue amazonien.
Illustration : Franz von Stuck « wonded amazon » 1904
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