dimanche 12 octobre 2008

EDFICHEZ-MOI DONC LA PAIX !


Monsieur d’Aucun me taquine. « Est-ce parce que vous vous placez dans la lignée d’Emile Combes que vous ne parlez pas trop du Fichier Edvige ? ».

Je rappelle aux masses incultes qu’Emile Combes, grand républicain radical, Président du Conseil de 1902 à 1905, est l’un des inspirateurs de la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de L’Etat. Il est également l’un des bâtisseur de l’école laïque. Un grand esprit qui connut la disgrâce. Avant même que la loi de 1905 ne soit promulguée, le gouvernement Combes tombe suite à « l’affaire des fiches ». Il s’agissait d’une opération de fichage religieux et politique menée dans l’armée française, visant à favoriser la carrière des officiers acquis à la république laïque.

Oui, Monsieur d’Aucun, si je ne parle pas des fiches, c’est parce que dans la droite ligne du « combisme » j’y suis tout à fait favorable. Je le suis d’autant plus que j’avais l’intention, avant que vous et vos amis ne me fichiez par terre ce beau château de fiches cartonnées, de demander un jour la communication de ma fiche personnelle. Elle n’aurait pas manqué de porter la mention « Corinthe » qui dans l’affaire des fiches désignait les fiers républicains et autres officiers d’exception. Je l’aurais encadrée et disposée comme il se doit, sur le pan de mur de mon salon où s’affiche l’affiche placée en illustration, dédicacée de la main d’Edwige Fenech, l’une de mes actrices préférées. « Je l’aurais » car depuis qu’ils ont relooké ce fichier, en lui donnant un prénom très allemand de l’Est (Edvirsp), j’avoue que désormais je m’en fiche, de ma fiche.

Mais non, voyons ! Je plaisante !

Si je n’en fiche pas une sur cette affaire Edvige, c’est pour la bonne raison qu’ayant trois ou quatre trains d’avance, je n’ai pas attendu qu’Edvige arpente les trottoirs de l’Agora pour me gausser des tendances publiques comme privées pour le « minority report ». ce goût pour l’illusion de contrôle, l’illusion du tout anticipable par nos Etats surprotecteurs.

En ce sens, ce qui m’a le plus choqué dans cette histoire, était la mention qui suit, portée sur le décret instituant le fichier Edvige. Était fichable tout individu « Susceptible de porter atteinte à l’ordre public ». Un « susceptible » qui laisse, à mon goût, trop de place à l’oracle, à l’imagination ou à la paranoïa étatique.

Avouez que la précédente mention, celle inscrite sur le décret relatif au fichier-terrorisme des RG, le fichier-père d’Edvige, établi en 1991 sous le gouvernement socialiste d’Edith Cresson, était bien plus cadrée et raisonnable. « La finalité exclusive de ce traitement est la centralisation des informations qui concernent les personnes qui peuvent, en raison de leur activité individuelle ou collective, porter atteinte à la sûreté de l'Etat ou à la sécurité publique par le recours ou le soutien actif apporté à la violence, ainsi que les personnes entretenant ou ayant entretenu des relations directes et non fortuites avec celles-ci. »

Mais ce n’est pas tout.

Parmi les trains d’avance, faisant que je m’en fiche pas mal de ce nanard qui sent le fennec, et où joue mon Edvige, il y a l’hypocrisie généralisée que je mettais à l’affiche, un an auparavant. Monsieur d’aucun est prié de lire mes excellents billets « Big Brother is a big family » et « le projet Cap Sitere ». À plus forte raison que leur lecture reste gratuite.

Il comprendra ainsi pourquoi je ne me suis pas étonné par la parano de nos gauchos, jamais en reste d’une bonne fiche, qui se sont vus exclusivement fichés alors que tout le monde était « susceptible » de l’être, depuis le syndicaliste jusqu’au capitaine d’industrie. Patrons qui se sont réveillés lorsqu’ils ont enfin lu le texte et rapproché celui-ci du principe d’alternance en démocratie. Ben oui, comme ont dit à la gauche de la gauche « un patron est non seulement un délinquant par nature mais aussi un criminel en puissance ». Imaginez que cette gauche gouverne.

Quant à nos medias, qui en la matière se la jouent parangons de vertu alors que comme le dit Bernard Tapie « vous m’avez scruté au point de savoir mieux que moi si j’ai un polype », elles décrochent le pompon de la tartufferie. Franchement ça la fiche mal, non ?

Non, qu’on se le tienne pour dit, si le débat, tout comme le contrôle citoyen et parlementaire, sont nécessaires, afin que l’on soit fiché pour ce que l’on fait et non pour ce que l’on serait, je ferais toujours bien plus confiance à l’action de renseignement de nos Etats, sous le contrôle de la loi, qu’à celle exercée par tout un tas d’agents privés, depuis ma concierge jusqu’aux officines médiatiques, commerciales ou télématiques.

Et que l’on ne vienne pas me dire qu’il faudrait éviter le fichage parce qu’on ne sait pas ce qu’en ferait un régime autoritaire, si un tel régime prenait le pouvoir. Parce qu’alors je réponds que non seulement un régime autoritaire ne se contenterait pas d’Edvige mais surtout que si on va par là, il nous faudrait supprimer l’armée et la police. C’est qu’il ne faudrait pas qu’un hypothétique régime autoritaire puisse s’en servir pour faire la guerre à d’innocents pays et arrêter d’honnêtes citoyens.

Bref, arrêtez donc d’essayer de nous fiche la trouille ou comme le dirait mon Edwige Fenech, « lâchez-nous les jarretelles ». Nos démocraties ne sont pas comme ça ! Tout simplement parce qu’elles ne sont pas dénuées d’humour. En effet, je note que dans sa nouvelle mouture, le décret ne prévoit plus le fichage des « personnalités ». Logique ! Elles sont déjà en haut de l’affiche. On ne fichera plus que l’anonyme. Plutôt drôle non ? Il y aura au moins un endroit où l’anonyme existera. Dans les fichiers de l’Etat. N’est-ce pas là, une attention plus délicate qu’inquiétante ?

Tiens, histoire de rester dans une note légère et puisque c’est dimanche, jour de votre vidéo hebdomadaire, voici « Silent running », un tube des années 80, parano à souhait, interprété par Mike & The Mecanics. Goûtez-moi ce texte :

« Prends les enfants et cache-toi dans la cave car le combat final va débuter. N’aie confiance ni dans l’Etat, ni en l’Eglise, ni en quoi que ce soit qu’ils te diront. Aie confiance en moi, je suis avec le commandement suprême. M’entends-tu ? M’entends-tu courir ? M’entends-tu t’appeler ?.. »

Et oui, n’ayez confiance en personne, en personne, excepté moi… Gnark ! Gnark ! Gnark ! Oh oui ! Ayez confiance ☺

SILent runner

Aucun commentaire: